Jardins partagés : intégrer la nature dans son quartier

Jardins partagés : intégrer la nature dans son quartier

L’accroissement de la population implique un étalement urbain qui mène à la disparition des milieux naturels. En ville, les infrastructures, les immeubles, les rues… conduisent à l’artificialisation des sols et ne laissent que peu de place à la nature. La biodiversité est menacée mais pas seulement, l’Homme aussi. Les épisodes de canicules, aujourd’hui plus intenses et plus fréquents en raison du changement climatique, révèlent une surchauffe des surfaces artificialisées. La qualité de l’air est dégradée autour des axes routiers. Les arbres et les plantes peuvent cependant tempérer les fortes chaleurs et absorber une partie de la pollution. Laisser une place aux arbres et à la flore sauvage fait partie des enjeux incontournables pour que la nature s’installe en ville.

Jardin partagé de Magny le Hongre (Seine-et-Marne) © La Marne

Jardin partagé de Magny le Hongre (Seine-et-Marne) © La Marne

Vers des modèles de villes durables

Il existe aujourd’hui de nouvelles réflexions pour l’aménagement de « villes durables », comme les éco-quartiers de Copenhague au Danemark. Dans le quartier de « Brøndby Garden City », disposés en plusieurs cercles, les jardins se rejoignent au centre. On trouve dans la partie centrale des cercles des carrés potagers mais aussi des haies, des arbustes… Les Danois occupent le quartier et partagent ces jardins concentriques d’avril à octobre. Ils y produisent leurs légumes qu’ils ne peuvent pas faire pousser en ville et retrouvent le contact avec la nature. A Belfast en Irlande du Nord, les habitants font pousser des fleurs sauvages pour verdir les rues sombres et réduire la criminalité de ces quartiers sensibles(1).

La nature est aujourd'hui omniprésente dans la Petite Ceinture parisienne.

La nature est aujourd'hui omniprésente dans la Petite Ceinture parisienne.

D’autres projets existent en France, à Paris, avec l’ouverture d’un premier tronçon de la Petite Ceinture au public en 2007. La Petite Ceinture est l’ancienne voie ferrée qui permettait de contourner Paris au 19e pour acheminer les marchandises tout en évitant les gares terminales. Fermée au public en 1934 puis abandonnée, la faune et la flore sauvages ont peu à peu réinvesti les lieux. La linéarité du lieu et son absence de véhicules est particulièrement favorable à la circulation de la petite faune sauvage et en fait un corridor écologique de choix pour les chauves-souris, le Renard roux, le Lapin de garenne, les oiseaux… La faune s’y déplace, s’y nourrit et s’y reproduit. Certains secteurs sont ouverts et réservés aux piétons qui peuvent se ressourcer dans la nature.

Au cœur des cités, autour des immeubles, des projets collectifs émergent aujourd’hui, suite à la volonté des habitants qui souhaitent se rencontrer et retrouver un peu de nature dans leur quartier.

Améliorer le cadre de vie des habitants

Inviter la nature et améliorer le cadre de vie quotidien, c’est ce que proposent certaines communes. Les parcs sont préservés, des arbres indigènes replantés et des jardins partagés(2) sont créés à l’initiative d’associations de quartier.

Plantation de semis en godets © Pixabay

Plantation de semis en godets © Pixabay

Le jardin partagé permet de produire ses propres ressources alimentaires (légumes, fruits, plantes aromatiques…). Il peut se présenter sous la forme de carrés individuels ou collectifs. La production locale des fruits et des légumes permet de gagner en qualité et de faire des économies. Les habitants peuvent échanger sur les pratiques « douces » ou « écologiques » du jardinage et sur la biodiversité.

Au milieu des immeubles et des rues goudronnées, le jardin partagé permet de se ressourcer, de retrouver le contact avec les plantes, le sol, de rencontrer ses voisins, d’organiser des pique-niques, des évènements… Il s’agit d’un endroit pour parler « environnement » et du respect du cadre de vie dans la convivialité.

Des jardins pour la biodiversité

Les jardins partagés reposent sur des méthodes douces de production comme la permaculture, avec un recouvrement végétal (paillis) et l’apport de matière organique issue du compost. Les cultures sont mélangées et la flore indigène y est présente. La flore indigène est un bénéfice pour la faune : le Chardonneret élégant profite des graines de la cardère sauvage ou de la chicorée commune qui poussent sur les zones délaissées (bord de chemin, talus), le Merle noir et le Rougegorge familier viennent fouiller du bec le terreau à la recherche de lombrics et peuvent installer leurs nids dans les arbustes épineux. Les insectes butineurs (papillons diurnes, Moro-sphinx, abeilles sauvages, bourdons) trouvent le nectar nécessaire à leur énergie dans les plantations d’herbes aromatiques. Ils sont bien sûr indispensables pour la pollinisation des fruitiers et des légumes.

Rougegorge familier (Erithacus rubecula) et pots de fleurs © RSPB

Rougegorge familier (Erithacus rubecula) et pots de fleurs © RSPB

Les mammifères regagnent le terrain perdu pour peu que le milieu soit accueillant. Le Hérisson d’Europe est sans doute le mammifère le plus emblématique des jardins. Il s’accommode d’un tas de branches dépérissant et de feuilles sous lesquels la femelle Hérisson mettra bas ou bien pour l’hibernation. Un gîte spécifique ou une caisse en bois retournée fera aussi bien son affaire. En ville, le Renard roux est devenu un hôte commun. Il habite les zones délaissées, les friches urbaines et est particulièrement actif la nuit, même au cœur des centres urbains car il prélève les déchets humains.

La biodiversité est bel et bien présente sur ces espaces, et elle doit être prise en compte dans la gestion naturelle des jardins et plus largement par les collectivités. Plusieurs jardins partagés sont par ailleurs devenus des Refuges LPO(3) « établissements » au cœur des quartiers urbains. Les collectivités peuvent également classer leurs parcs urbains en Refuge LPO « collectivités ». Ces « spots » de verdure sont utiles à notre propre santé car ils permettent de trouver des zones de quiétude et de tempérer les effets de la canicule.

Créer des puits de fraîcheur urbains pour réduire les effets du changement climatique

En ville, le rayonnement solaire est fortement absorbé par les surfaces construites et imperméabilisées, en grande partie composées de matières minérales foncées (asphalte, gravier, briques et béton). L’effet d’inertie y est fort et la chaleur emmagasinée le jour est restituée la nuit. Nos infrastructures forment des îlots de chaleur, c’est-à-dire un microclimat à l’échelle d’une rue, d’un quartier… L’îlot de chaleur se caractérise par une élévation diurne et/ou nocturne de la température qui peut être de 6° à 7° C supérieure à celle des zones rurales périphériques.

Le changement climatique rend la question des îlots de chaleur urgente à traiter, en raison des phénomènes de canicules extrêmes aujourd’hui plus intenses et plus fréquents. Il existe des solutions pour réduire les îlots de chaleur dans les quartiers, et les jardins partagés en font partie. La végétation et les arbres ont la capacité de réduire la température. Il existe un micro-climat sous les arbres. Ainsi, à l’ombre d’un arbre, la température diurne peut être jusqu’à 7 °C plus fraîche qu’aux alentours !

Plantations d'arbres pour créer des îlots de fraîcheur en coeur de ville, ici à Huningue, Alsace © Laurent Waeffler

Plantations d'arbres pour créer des îlots de fraîcheur en coeur de ville, ici à Huningue, Alsace © Laurent Waeffler

 

Solutions pour créer des puits de fraîcheur en ville

Pour les particuliers

  • Préserver les grands arbres en ville, surtout ceux disposant d’une couronne volumineuse : les arbres sous l’action du soleil effectuent la photosynthèse. Ils sont de véritables climatiseurs naturels et rejettent de l’eau H2O dans l’atmosphère (évapotranspiration). De plus, ils ont la capacité d’absorber une partie des polluants de la rue, dont le CO2 (gaz à effet de serre produit par les véhicules).
  • Planter des haies sauvages (arbustes indigènes) et laisser des bandes enherbées au pied qui préservent l’humidité et la fraîcheur.
  • Préserver des îlots d’herbes hautes dans les jardins.
  • Apporter des bacs et des pots avec des plantes et des fleurs sur les balcons : la végétation, qu’elle soit plantée en pleine terre, en bac, en toiture ou en façade, par son effet « d'évapotranspiration », rafraîchit le climat urbain.
  • Certains toits « plats » peuvent être peints en blanc : la couleur blanche réfléchit la lumière du soleil (effet d’albédo), et abaisse considérablement la température intérieure de l’habitation de plusieurs degrés.

Pour les collectivités

  • Créer des jardins partagés dans lesquels seront présents les arbustes indigènes et la flore sauvage (plantes rudérales, hautes herbes…), une zone de compost et des systèmes de récupération de l’eau de pluie.
  • Adopter un mode de gestion écologique dans les parcs urbains, comme la gestion différenciée : ce mode de gestion consiste, entre autres, à laisser des prairies fleuries et des zones d’herbes hautes pour protéger la faune, la flore et le sol de la sécheresse.
  • Intégrer dans les plans d’urbanisme des corridors de circulation des vents : les vents pouvant circuler des zones périphériques vers les centres urbains atténuent l’effet « îlot de chaleur ». Les corridors d’air frais ne doivent donc pas être entravés par des bâtiments, qu’il faudrait plutôt orienter dans le sens du vent que contre celui-ci.
  • Laisser une grande place à l’eau : certaine villes sont traversées par des canaux ou des rivières et la végétation riveraine joue un rôle rafraichissant majeur en apportant de l’ombre et de l’humidité. Les plans d’eau des parcs urbains ont un rôle à jouer et ils seront d’autant plus efficaces comme « puits de fraîcheur » s’ils comportent des zones de végétation palustre (roseaux, iris, plantes aquatiques), selon les principes d’une gestion différenciée.
  • Désimperméabiliser les sols : toute forme de désimperméabilisation est bénéfique, que ce soit dans l’espace routier, les parkings, les arrière-cours : l’eau de pluie peut s’infiltrer dans le sol et s’évaporer à nouveau par la suite. Ce phénomène prélève de la chaleur dans l’air ambiant. Cela réduit le ruissellement et les risques d’inondation.
Les feuilles des arbres (ici de chêne) tempèrent la température en ville et créent des microclimats © Nicolas Macaire

Les feuilles des arbres (ici de chêne) tempèrent la température en ville et créent des microclimats © Nicolas Macaire

Conclusion

Le jardin est le lieu idéal pour découvrir la nature et les particuliers ont un rôle à jouer pour la protéger. Les habitants des immeubles peuvent aussi profiter de cette nature, en ville, au travers de projets collectifs comme les jardins partagés. Retranchées dans les dernières zones de verdures, la faune et la flore sauvages ne sont pourtant pas loin et ne demandent qu’un peu d’espace pour y habiter.

Au sein du quartier, dans nos parcs, dans nos villes, il est possible de concentrer les forces des uns et des autres pour améliorer notre cadre de vie en prenant mieux en compte l’intégration de la nature. Nous pouvons tous nous impliquer dans des projets associatifs, créateurs de liens, et c’est là le cœur d’activité des jardins partagés.

Petite tortue (Aglais urticae) papillon © Pixabay

Petite tortue (Aglais urticae) papillon © Pixabay

Créer un Refuge LPO dans son quartier

Les jardins partagés peuvent être inscrits comme Refuge LPO « établissements ». Il peut s’agir d’un espace public (parc de la ville), d’un comité de quartier ou d’une association. Il existe également des jardins partagés pour les Centres sociaux, les Établissements et service d’aide par le travail (ESAT), les Établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou des écoles, collèges, lycées.

La LPO propose d’accompagner votre structure sur la prise en compte de la biodiversité du jardin ou d’un terrain. Les experts de la LPO apportent l’expertise et les méthodes d’aménagement et de gestion écologiques pour accueillir la faune et la flore sauvages. Un projet pédagogique (animations) est associé à la création du Refuge établissement.

 

(1) The wildflowers alleys in the heart of Belfast – RSPB video 2022

(2) Jardins Partagés : Le jardin partagé, ou communautaire, ou associatif, est un jardin rural ou urbain géré en commun par un groupe d’habitants. Ce concept n’est pas nouveau : en effet, quand on évoque leurs origines, on pense bien sûr aux jardins ouvriers, qui ont fleuri notamment à la révolution industrielle. Mais bien avant ça, dès le Moyen Age, on évoque l’existence de cette pratique de profiter d’une terre « collective » ! Les jardins partagés favorisent les liens entre les habitants d’un quartier.

(3) Voir le Jardin du Bizardin (LPO Nord) et le Square Marcel Pagnol (LPO Pas de Calais) classés Refuges LPO.

dernière mise à jour : 6 février 2024