Protocole

Protocole

L’ambition centrale de Vol de Nuit est de pouvoir comparer les mouvements nocturnes d’oiseaux dans le temps et dans l’espace à l’échelle de la France métropolitaine. Pour ce faire, il est absolument indispensable de collecter les données de manière standardisée. Le protocole présenté ici est dérivé de celui déjà proposé par Trektellen et le BTO, et adapté après une longue phase de test dans les Pyrénées par l’équipe de la LPO. Il vise à une standardisation maximale tout en minimisant l’effort nécessaire pour l’observateur, et présente donc peu de nouveautés - capitales, toutefois - pour ceux d’entre vous qui pratiquent déjà.

 

Où et quand enregistrer ?

Où ?

Aucune restriction : vous pouvez enregistrer à l'endroit de votre choix mais l’idéal reste un site où vous pouvez enregistrer fréquemment. Les bons sites d’enregistrement de la migration nocturne ne sont pas toujours situés sur les côtes ou sur des cols, les oiseaux peuvent passer pratiquement n'importe où ! Enregistrer à son domicile (dans son jardin, sur son balcon, par une fenêtre) représente souvent la solution la plus pratique pour gérer plus facilement le matériel et pour s’inscrire dans une démarche à long terme. Il est préférable d'éviter les enregistrements dans les zones humides, où les nombreuses vocalises des amphibiens et des oiseaux locaux compliquent l’analyse. De même, les zones de vasières avec leurs limicoles qui se déplacent fréquemment la nuit pour se nourrir sont souvent problématiques. On évitera également les phares autour desquels les migrateurs tournent parfois pendant de longues minutes, ce qui conduit invariablement à une grosse surestimation des effectifs. Pour gagner en efficacité, un site de suivi de la migration nocturne sera idéalement placé dans une zone où les perturbations sonores nocturnes (voix humaines, aboiements, bruits urbains répétés) seront les plus limitées possibles. D’une manière générale, il est recommandé de tester son site de suivi pendant quelques nuits avant de s’engager sur la durée. 

Quand ?

Là encore, aucune restriction : des mouvements nocturnes conséquents se déroulent tout au long de l’année, et même si le printemps et l’automne connaissent souvent un pic de diversité, de nombreux migrateurs peuvent aussi être notés en été (par exemple : des limicoles) ou en hiver (par exemple : mouvements hivernaux en réponse aux vagues de froid). L’idéal est donc d’enregistrer tout au long de l’année, ce qui n’est bien sûr pas toujours possible. Il peut alors être utile de cibler les périodes les plus productives situées entre la mi-février et la fin mai pour la migration prénuptiale et entre la mi-juillet et la mi-novembre pour la postnuptiale. Si possible, il est important de privilégier des séries temporelles longues (enregistrer le plus fréquemment possible sur plusieurs semaines ou mois) plutôt que quelques nuits ici et là. De même, on évitera de sélectionner les nuits à enregistrer en se basant sur les prédictions météo, pour deux raisons : (1) il est très difficile de prédire localement les pics de passage et vous risquez de les rater et (2) les nuits avec peu ou pas de passage constituent également des données très importantes lors de l’analyse !

 

Comment enregistrer ?

Les données à transmettre dans le cadre de Vol de Nuit concernent exclusivement la période allant du crépuscule civil et l'aube civile (c'est-à-dire lorsque le soleil est au moins à 6° sous l'horizon : voir ici). Cela correspond au protocole recommandé par le BTO et par Trektellen et testé avec succès durant la phase R&D de Vol de Nuit. La période entre le coucher du soleil et le crépuscule civil doit être évitée pour exclure autant que possible les mouvements d’oiseaux vers des dortoirs. De la même manière, la période entre aube civile et lever du soleil doit être écartée pour exclure le début de la migration diurne.

Pour plus de facilité, les heures de crépuscule et d'aube civiles de chaque site enregistré sont indiquées sur Trektellen et proposées automatiquement lors de la saisie d’un comptage ; vous pouvez aussi vous référez au site www.suncalc.net. L’idéal est de paramétrer votre enregistreur pour qu’il fonctionne en continu du crépuscule civil à l'aube civile ; si cela n’est pas possible, c’est au moment d’analyser les données sous Audacity (cliquez ici pour consulter le tutoriel pour analyser une nuit) ou Raven que vous pourrez ajuster les horaires pour une saisie conforme au protocole. Il est capital d’enregistrer et de saisir l’entièreté de la nuit, quelques soient les conditions d’écoute.  Si jamais vous veniez à enregistrer partiellement une nuit (enregistrement qui débute après le crépuscule civil ou qui se coupe avant l’aube civile par exemple), veillez à bien prendre en compte les périodes non enregistrées dans l’exploitabilité de la nuit (cf Paragraphe « Exploitabilité »). L’utilisation de la fonction « enregistrement déclenché par un événement sonore » disponible sur certains enregistreurs est à proscrire, car de nombreux cris d’oiseaux sont trop faibles pour déclencher l'enregistrement.

 

Soumettre ses données

(Bien) soumettre ses données est un élément capital pour obtenir des analyses fiables. Vol de Nuit collabore avec le site www.trektellen.org, dédié à la saisie de données protocolées de migration et particulièrement bien adapté aux comptages des migrateurs nocturnes. Les paragraphes qui suivent décrivent les paramètres essentiels du protocole de saisie sous Trektellen : pour les novices en la matière, il est plus que conseillé de visionner le tutoriel complet qui détaille comment créer son site de nocmig (http://trektellen.org/contact) puis rentrer des données.

Métadonnées

Une fois votre site créé et votre premier enregistrement obtenu, il est temps d’ajouter un comptage. La première fenêtre qui s’ouvre concerne plusieurs éléments majeurs à rentrer, à savoir le type d’équipement utilisé, l’exploitabilité de la piste analysée et le type de comptage, ainsi que des données annexes sur la météorologie. Cela dit, la première étape est de choisir entre saisie horaire et saisie par nuit.

Saisie par nuit vs saisie horaire

Bien que Trektellen permette de soumettre un comptage pour une nuit entière, le comptage par sous-totaux horaires est encouragé, bien que non obligatoire. Cette méthode, bien que plus chronophage, permettra de relier plus précisément les mouvements d’oiseaux aux données météorologiques et ainsi, obtenir une meilleure compréhension du comportement des oiseaux au cours de la nuit. Vous pouvez cependant alterner entre les deux en fonction du temps dont vous disposez. Les sous-totaux horaires concernent les contacts réalisés sur la période du crépuscule civil à la fin de l’heure (ex : 21:18-22:00) puis les intervalles entre chaque heure (22:00-23:00; 23:00-00:00;...) jusqu’à la dernière heure avant l’aube civile (06:00-06:48). Pour la saisie par nuit entière, saisissez simplement du crépuscule civil à l’aube civile (ex : 21:18-06:48) N'oubliez pas de soumettre des données horaires même si aucun oiseau en vol n'a été détecté afin que l’effort d'enregistrement soit correctement documenté.

Pour plus de détails sur la saisie sur Trektellen, voir le tutoriel.

Exploitabilité

Terme nouveau dans le milieu de la nocmig, l’exploitabilité désigne tout simplement le pourcentage d’une piste qui peut être exploité d’un point de vue acoustique. En effet, 10 cris de grive musicienne sur une nuit très ventée dont on a pu analyser que 5%, ce n’est pas du tout la même chose que 10 cris sur une nuit complète ! Dans le premier cas il est très probable que d’autres oiseaux soient passés à portée du micro sans être détectables, et pour comparer des sites dans le temps et dans l’espace il faut être en mesure de corriger ce biais. Si vous saisissez à l’heure (voir ci-dessus), il s’agit donc d’estimer quel pourcentage de cette heure est suffisamment peu bruité pour que la détection de cris de migration nocturne soit possible. Si vous saisissez à la nuit, il vous suffit de rentrer une seule valeur globale pour la nuit entière. Il s’agit d’une estimation grossière, dont les variations à 5% ou 10% auront peu d’incidence sur le résultat : le principal est de donner une approximation de la pression d’observation pour corriger les biais lors des analyses a posteriori. 

Pour plus de détails et d’exemples, cliquez-ici.

Type de comptage (oiseaux en vol vs oiseaux posés)

L’option « Type de Comptage » offre trois choix principaux :

  • Tous les oiseaux en vol uniquement (suffisant pour Vol de Nuit) : aucun oiseau stationnaire/au sol ne doit être noté.
  • Tous les oiseaux en vol + une sélection d'oiseaux locaux posés : comme ci-dessus, mais les espèces locales notables (par exemple une Chevêche localement rare) peuvent être ajoutés dans le champ « Nombre sur place » (apparaît sous les totaux d’oiseaux en vol sur les comptages), sans souci d’exhaustivité pour les espèces locales posées.
  • Tous les oiseaux en vol + tous les oiseaux locaux posés : comme ci-dessus, mais toutes les détections d’oiseaux locaux posés sont ajoutées dans le champ « Nombre sur place ».

L'objectif de ce protocole est de saisir tous les oiseaux détectés en vol, que l'on puisse ou non affirmer qu'il s'agisse de migrateurs (les analyses spatiales globales permettront d’éliminer une partie des mouvements locaux). Vous pouvez donc choisir n’importe quel type de comptage à partir du moment où vous en suivez les consignes. Lors de la saisie des espèces, le champ « Type de migration » indique « incertain » par défaut : ne le modifiez que si vous avez la certitude que l’oiseau est en migration (« Migration ») ou au contraire, en déplacement local (« Oiseau local en vol »). La saisie (facultative) des oiseaux locaux posés (par exemple, un Rougegorge qui chante en fin de nuit) doit être complètement séparée des totaux concernant les oiseaux en vol et renseignée via le champ « Nombre sur place ». Le dernier choix de type de comptage correspond à une liste incomplète d’espèce soumises et n’est pas recommandé car il est non-exhaustif et les données qui en résultent ne pourront pas être analysées dans le cadre de Vol de Nuit.

Equipement

Le choix du matériel est une question complexe. Dans le cadre de Vol de Nuit, il est recommandé de s’orienter vers des systèmes avec micro externes et omnidirectionnels (pas de paraboles ou de micro-canons), mais le choix reste libre. En revanche, deux points sont essentiels :

  • Bien renseigner le type de matériel utilisé afin que les biais liés aux différences de capacité de détection des cris puissent être, dans une certaine mesure, corrigés a posteriori. Sur Trektellen, dans les paramètres de gestion des sites d’observation, vous devrez remplir les champs suivants : Equipement, modèles de l’enregistreur et du micro, Fréquence d’échantillonnage et gain. Lors de saisies ultérieures, ces éléments seront remplis automatiquement, sauf changement de votre part. Si vous êtes amenés à changer de réglages ou de matériel, veuillez modifier ces informations pour que les valeurs par défaut soient modifiées lorsque vous saisirez de nouvelles informations.
  • Une fois le matériel choisi et testé sur votre site, l’idéal est d’en changer le moins fréquemment possible, et de préférence pas au cours d’une « saison » de suivi. Quand cela arrive, il est impératif de mettre à jour les champs mentionnés ci-avant afin de pouvoir en tenir compte dans les analyses.

Données complémentaires

Le formulaire de métadonnées de Trektellen comporte une dizaine de champs concernant la météorologie. S’il peut être intéressant pour l’observateur d’en renseigner certains pour mémoire, il n’est pas nécessaire de le faire dans le cadre de Vol de Nuit (lors des analyses, les données météo sont collectées à une échelle plus large de manière standardisée). Il est en revanche important de noter l’identités des observateurs dans le cas de sites suivis par plusieurs opérateurs.

Compter les cris ou les individus ?

Estimer le nombre d'individus implique souvent un fort biais d’interprétation par l’observateur. C’est pourquoi dans le cadre de Vol de Nuit, le nombre de cris est le seul paramètre obligatoire et la principale variable analysée : c'est la seule métrique comparable entre sites et observateurs, du moment que ces derniers comptent de manière similaire (voir le tutoriel). Pour les espèces grégaires très vocales dont les cris se superposent parfois (grue cendrée, oies), une estimation globale du nombre de cris est largement suffisante. Il reste possible de renseigner un nombre d'individus, mais il est alors très fortement recommandé d’utiliser par défaut le qualificatif « Minimum » dans le champ dédié et de suivre la méthode détaillée dans notre tutoriel pour estimer le nombre d’individus. Toute estimation du nombre qui n’est pas conservatrice et se fait au jugé est une source d’erreur importante et rend les chiffres inutilisables.

NB : Il est possible d’utiliser le qualificatif « Exact » lorsque l’on est confronté à un cri isolé ou une série de cris strictement identiques, mais cela n’a rien d’obligatoire.

Si cela n'est pas obligatoire, il est cependant recommandé de noter l'estimation minimale du nombre d'individus si elle est réalisée selon les conseils donnés dans le tutoriel correspondant.

Compter les sons de battements d'ailes ?

Si vous avez enregistré un son de battement d'ailes d'oiseau en vol (appelé "wingbeat sound" en anglais) et que celui-ci n'est pas accompagné de cri de vol, il est possible de le saisir sur Trektellen si vous le souhaitez. Il suffit de préciser dans le champ "Remarques" la mention "wingbeat" qui permettra de trier automatiquement ces données par la suite. Pour faciliter le comptage, saisissez "1" dans le champ "Nb cris de vol" pour un passage entier de battement d'ailes. Si vous avez enregistré un cri (ou plusieurs) accompagné de sons de battements d'ailes, ne prenez pas en compte les battements d'ailes dans le comptage mais vous pouvez cependant extraire l'enregistrement et le charger sur Xeno-canto, ces enregistrements étant assez précieux. En effet, dans l'état actuel des connaissances, l'identification à l'espèce de ces sons est particulièrement délicate et à notre connaissance, seules quelques espèces comme le Garrot à œil d'or ou le Cygne tuberculé par exemple, peuvent être identifiées de manière certaine grâce au seul son du bruit de leurs ailes en vol. Bien que vous puissiez saisir des sons de battements d'ailes non identifiés à l'espèce ("Espèce inconnue", "Canard spec.", "Grive spec." par exemple), seules les données identifiées à l'espèce seront utilisées dans le cadre des analyses du programme Vol de Nuit. De manière générale, il n'est pas requis de compter les sons de battements d'ailes.

 

Limites de l'identification : faire valider un enregistrement

L'identification des cris de vol nocturnes est souvent difficile et il s'agit encore d'un travail collectif en cours. C'est pourquoi il est toujours préférable de rester très prudent. Identifiez les espèces dans la mesure du possible, mais en cas de doute, utilisez l'un des complexes d'espèces (par exemple : Gobemouche spec.) au lieu de choisir une espèce sans certitude que cela soit la bonne. Utilisez la case « Incertain » si vous avez un doute sur l’identification et n’hésitez pas à partager des enregistrements pour recevoir des avis. Pour les espèces difficiles ou rares, ainsi que les cris de vol non identifiés, aberrants ou émis par des espèces rarement entendues la nuit, il est fortement recommandé de charger le fichier son sur www.xeno-canto.org puis de saisir son identifiant numérique à 6 chiffres dans le champ Xeno-Canto ID afin d'intégrer l'enregistrement dans votre soumission Trektellen. 

Si vous souhaitez visionner le tutoriel pour utiliser Xeno-Canto cliquez-ici. Il est également utile de noter l’heure de la donnée dans le champ dédié pour ce genre de donnée. Vous pouvez également solliciter l’avis d’autres observateurs en postant le son sur le forum Discord de Vol de Nuit. Cela permet à l’ensemble de la communauté d’avoir accès à ces ressources et d’améliorer le niveau global des connaissances. Les preuves de raretés nationales et régionales doivent idéalement être soumises aux Comités d’homologations compétents pour examen. 

dernière mise à jour : 8 février 2024