Les chasseurs désinforment, la LPO et FNE leur répondent !

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Depuis le 19 juin, les chasseurs multiplient les appels aux élus pro-chasse et les communiqués de presse virulents envers la ministre de la transition écologique. La cause de cette agitation ? Un projet d’arrêté que la ministre a soumis au Conseil National de la Chasse et de la Faune Sauvage et qui réduit ou suspend la chasse de plusieurs espèces d’oiseaux. Cet projet vise à mettre la France en conformité avec la réglementation européenne, qui s’appuie sur les connaissances scientifiques les plus récentes en matière d’état de conservation des espèces chassables. Les chasseurs se posent en victimes, dénonçant pêle-mêle « une déclaration de guerre contre le monde de la chasse », « une méthode violente et sans fondement » et « une destruction programmée de notre passion, et de nos valeurs ». Que reprochent exactement les chasseurs à ce projet ? Leurs critiques sont-elles fondées ? La LPO et FNE répondent.

« Ce projet impose un moratoire sur la chasse de neuf espèces d’oiseaux »

FAUX! Le projet d’arrêté prévoit un moratoire de trois ans sur la chasse d’un seul canard, le fuligule milouin. Il va donc moins loin que la demande de moratoires de l’Europe, qui porte aussi sur trois autres espèces: le canard siffleur, la grive mauvis et la caille des blés. Par ailleurs, le projet d’arrêté prolonge le moratoire existant sur la chasse du courlis cendré et de la barge à queue noire, conformément aux exigences européennes. Ces deux espèces ne sont plus chassées nulle part en Europe et les chasseurs français avaient approuvé la mise en place de moratoires en 2008. Pour les autres migrateurs concernés (grive mauvis, caille des blés, canards pilet, souchet et siffleur), le projet d’arrêté se borne à avancer la date de fermeture au deuxième dimanche de janvier au lieu du 31 janvier pour les canards et du 10 février pour la grive mauvis.

« Ce projet touche 70 % à 80 % des espèces d’oiseaux migrateurs chassables »

FAUX ! La liste des espèces chassables en France compte 22 espèces de canards, 13 espèces de limicoles et 12 espèces d’oiseaux « de passage », soit 47 espèces. Or, le projet d’arrêté n’apporte des restrictions que sur neuf d’entre elles, soit… 20 %. Ce sont donc 80 % des espèces chassables qui ne sont pas concernées !

« La fermeture de la chasse des grives sera avancée au 10 février au lieu du 20 »

FAUX ! Mis à part la grive mauvis, dont la fermeture de la chasse serait avancée au deuxième dimanche de janvier, la situation des grives est inchangée : la fermeture de leur chasse est déjà fixée au 10 février, sauf dans dix-sept départements du sud de la France, où elle est fixée au 20 février.

« Ce projet est imposé brutalement sans concertation avec les chasseurs »

FAUX ! Les chasseurs sont représentés par leur fédération européenne, la FACE, dans les nombreuses réunions qui ont conduit aux décisions portant sur un petit nombre d’espèces dont la chasse est jugée « non soutenable » par les scientifiques. Ils sont donc associés depuis des années au processus de gestion européenne de la chasse des migrateurs. Au niveau français, ce sont les chasseurs qui refusent depuis des semaines la concertation avec le ministère, rejetant toute forme de limitation de la chasse sur des espèces pourtant menacées. Le projet d’arrêté sera soumis au Conseil National de la Chasse et de la Faune Sauvage, instance consultative dans laquelle les représentants cynégétiques possèdent la majorité des sièges, puis fera l’objet d’une consultation publique sur le site du ministère de la transition écologique.

« La ministre va au-delà des mesures réclamées par l’Europe »

FAUX ! Au contraire, le projet d’arrêté reste très en-deça des demandes européennes : il n’impose pas de moratoire sur la chasse du canard siffleur, de la grive mauvis et de la caille des blés, mais une simple avancée de la date de fermeture. De même, il ne réduit pas de moitié le nombre de canards pilet, souchet et siffleur pouvant être chassés, mais se borne à avancer la date de leur fermeture de quinze jours.

« Les autres pays européens n’ont pas mis en œuvre les mesures réclamées par l’Europe, la France est la seule à le faire »

FAUX ! Plusieurs pays d’Europe ont déjà pris des mesures de réduction ou de suspension de la chasse pour certaines espèces, ou ils vont les prendre pour la prochaine saison. Ainsi, l’Italie a déjà mis en place un moratoire de trois ans sur la chasse du fuligule milouin. Certains pays vont au-delà des recommandations : par exemple, le Portugal a décidé de ne pas réouvrir la chasse de la tourterelle des bois. Enfin, beaucoup de pays ne sont tout simplement pas concernés, car ils n’autorisent pas la chasse de ces espèces. Par exemple, dix-sept pays ne chassent pas la caille, dix-neuf ne chassent pas la grive mauvis.

« Les recommandations européennes ne s’appliquent pas encore, ce projet est prématuré, il faut attendre de nouvelles données »

FAUX ! Les conclusions des scientifiques ont été rendues dès le mois de juin 2024 . En s’appuyant sur ces conclusions, la Commission Européenne a émis ses recommandations lors de la réunion de novembre 2024, en précisant qu’elles devaient être mises en place en 2025. Aucune donnée supplémentaire n’est requise pour la mise en place de ces mesures, les conclusions rendues par le groupe de scientifique étant suffisantes pour les motiver. La ministre applique donc ces recommandations – de manière partielle seulement - dans les délais exigés par l’Europe. Si elle ignorait ces recommandations, comme le demandent les chasseurs, la France pourrait être condamnée par la justice européenne et devoir payer de lourdes amendes.

« Le lagopède est une espèce sédentaire qui n’a rien à faire dans cet arrêté »

Oui et non… il est vrai que l’Europe n’a pas émis de recommandation sur le lagopède, espèce sédentaire dont la chasse est gérée au niveau national. Cependant, cette espèces est très menacée et ses effectifs ont fortement chuté ces dernières années, à tel point que seuls dix individus ont été autorisés à la chasse l’an dernier. Suspendre sa chasse est une mesure indispensable et urgente, qui doit entrer en vigueur au plus tôt.