Les quatre vautours

Les quatre vautours

Qu’est-ce qu’un vautour ?

Ordre : Accipitriformes
Famille : Accipitridés.

Les vautours sont des nécrophages et exploitent une biomasse animale à son stade biologique ultime : Ils sont spécialisés dans l’élimination des cadavres.

Leur anatomie est adaptée à cette nourriture :
- le bec est crochu pour entamer les chairs
- le cou recouvert d’un fin duvet se nettoyant facilement
- les serres sont peu puissantes et non adaptées à la préhension comme celles de l’Aigle royal
- Leur système digestif acide favorise l’élimination de bactéries et leur permet ainsi d’assimiler la viande putréfiée sans dommage.

Si de nos jours le Vautour fauve se cantonne aux seules régions méridionales, il occupait au Pléistocène supérieur (1,6 million d’années à 11 000 ans) des milieux aux paléoclimats très disparates et sous des latitudes variées. Des vestiges ont par exemple été découverts en Belgique où l’espèce n’est plus présente de nos jours.

Ubi pecora, ibi vultures !

Cet adage de l’époque romaine résume bien la perception de ces oiseaux : où il y a du bétail, il y a des vautours.

Jusqu’à la fin du paléolithique, il y a 11 000 ans, les populations de vautours se nourrissaient à partir de la mortalité des troupeaux d’ongulés sauvages. Au néolithique (9 000 ans), lorsque l’homme se sédentarise, il se met à domestiquer les animaux. Progressivement, la grande faune sauvage se réduit et les vautours s’adaptent à cette lente évolution en se nourrissant également des cadavres issus des troupeaux domestiques.

A notre époque, si les vautours sont bien des animaux sauvages, ils dépendent néanmoins de l’homme pour leur ressource alimentaire.

Répartition historique et actuelle en Europe

Répartition vautours en Europe

Répartition actuelle en France

Cartes répartitions des vautours en France. En haut à gauche : Vautour fauve ; à droite : Vautour moine En bas à gauche : Vautour percnoptère ; à droite : Gypaète barbu

En haut à gauche : Vautour fauve ; à droite : Vautour moine En bas à gauche : Vautour percnoptère ; à droite : Gypaète barbu

Imaginaire

Oiseaux sacrés ou répugnants selon les époques et les civilisations, les vautours sont pourtant des agents purificateurs dans le cycle biologique : en faisant disparaître les cadavres, ils évitent leur putréfaction et les maladies qui en résultent. La dimension symbolique du vautour, associée au besoin de vie éternelle, se retrouve dans de nombreux mythes et religions primitives de l’Ancien et du Nouveau Monde. Ainsi, dans l’Egypte ancienne, le Vautour percnoptère était un passeport pour l’au-delà. Il ornait les monuments et les papyrus anciens. Il était le « purificateur sacré ». Pour les Incas, les Condors étaient liés au culte du soleil. Dans la Grèce antique, le vol des vautours était un présage de bon augure. La croyance en un rôle purificateur des vautours atteint son apogée dans la coutume de certains peuples qui leur offraient des cadavres humains. Aujourd’hui encore, en Inde et dans l’Himalaya, différentes ethnies livrent les dépouilles de leurs morts aux vautours, pour éviter de souiller les éléments sacrés que sont la terre, le feu et l’eau, ou considérant ces funérailles comme propres à conduire l’Esprit vers le repos éternel. Au début du XIXème siècle, le vautour éveille, principalement en Europe, des sentiments moins nobles liés à l’aversion voire à l’hostilité marquée pour les rapaces. Commencent alors des campagnes d’extermination, et il faudra attendre la fin du XXème siècle pour que le vautour retrouve enfin ses lettres de noblesse.

Bas relief représentant un vautour

 

Les quatre espèces dans les Grands Causses

Comment fonctionnent les vautours ?

Techniques de vol et déplacements

Les vautours, comme tout objet volant, sont conditionnés par différents critères physiques comme le poids, la vitesse ou la forme de l’aile. Comme tous les aéronefs, l’aile de ces rapaces présente un profil bien particulier. Lorsque l’oiseau ou l’avion se déplacent, l’écoulement de l’air est plus rapide au-dessus de l’aile qu’en dessous. Il se crée alors, au-dessus, une dépression qui « aspire » et maintient l’animal (ou l’aéronef) dans la masse d’air, c’est la portance. De l’oiseau de quelques grammes au jumbo-jet de plusieurs centaines de tonnes, c’est le même principe qui les tient en l’air ! Par exemple : quand un oiseau fait du vol sur place, l’animal ne se déplace pas mais c’est le vent passant sur ses ailes qui assure ce phénomène de sustentation.

Vautour fauve en vol

Vautour fauve © B. Berthemy

Vol à voile : la technique favorite du vautour.

Comme les planeurs utilisés par les hommes, la plupart des rapaces utilisent le vol à voile pour se déplacer. Ils planent… Planer, c’est parcourir en volant une certaine distance en essayant de descendre le moins possible. Cette performance est exprimée par la finesse pour les planeurs ou les deltaplanes (Finesse = rapport distance horizontale parcourue / perte d’altitude correspondante.

Dessin expliquant le vol des vautours

La finesse du vautour est voisine de 15, c’est-à-dire qu’en planant en ligne droite, l’oiseau va perdre 100 m d’altitude mais parcourir en théorie 1 500 m de distance ! Imaginez ce qu’un groupe de vautours peut parcourir quand ils sont montés à 1 000 m d’altitude ! Près de 15 kilomètres ! Imaginons alors ces rapaces montant dans une belle ascendance à 1 000 mètres / sol au-dessus des gorges de la Jonte. A la vitesse de plus ou moins 50 kilomètres à l’heure, ils vont atteindre en moins de 20 minutes le lieu d’une curée située à une quinzaine de kilomètres de là sur le Larzac ! Ces oiseaux repèrent et utilisent les ascendances thermiques qui se développent à des endroits précis dans le paysage. Ces bulles d’air plus chaud et donc moins dense que l’air ambiant montent à une certaine vitesse dans l’atmosphère jusqu’à une certaine altitude. Dans une « pompe » (terme utilisé pour parler d’une ascendance thermique), ces rapaces font des orbes afin de se maintenir à l’intérieur de l’ascendance. En planant, ils descendent, mais dans la pompe, s’ils descendent moins vite que ne monte la masse d’air dans laquelle ils se trouvent, ils montent également ! Arrivés à une certaine altitude, ils quittent la pompe et glissent dans la direction souhaitée, rencontrant d’autres ascendances qui leur redonneront de la hauteur. C’est ainsi que les vautours se déplacent d’une ascendance à l’autre quasiment sans effort. Il est donc normal d’observer jusqu’à une cinquantaine d’oiseaux qui tournent ensemble dans le ciel.

Prospection alimentaire

Les vautours se nourrissent d’animaux morts qu’ils trouvent lors de prospections alimentaires sur l’ensemble des plateaux caussenards ou même des régions voisines des Causses. Les vautours fauves fonctionnent en réseaux, par petits groupes. Ils peuvent se déplacer journellement jusqu’à plus de 100 km (à vol d’oiseaux) des sites de nidification. En hiver, le territoire de prospection alimentaire est limité aux Grands Causses. En effet, les conditions aérologiques (peu d’ascendances thermiques) ne sont pas favorables à de grands déplacements à cette saison. De plus, la ressource trophique disponible à cette période de l’année est répartie essentiellement sur les hauts plateaux caussenards. A la belle saison les vautours élargissent leur domaine de prospection car les conditions aérologiques deviennent de plus en plus favorables et les emmènent facilement jusqu’aux pâturages du Lévezou à l’Aubrac, du Cantal aux Cévennes. Certains vautours non reproducteurs (immatures et adultes dont la reproduction a échoué) peuvent former de petits groupes dans des secteurs éloignés de la colonie. Ils se rassemblent en dortoirs dans des bois de pins sylvestres ou dans des falaises pour passer la nuit. Ils sont, en quelque sorte, en estive. Les colonies de vautours utilisent la technique de prospection en réseau. Chaque oiseau est en contact visuel avec les autres individus avec qui il prospecte. Ce système assure une grande efficacité dans la découverte des carcasses. Les vautours sont attirés par le manège des petits charognards (corbeaux, pies, milans…,) qui sont souvent les premiers à découvrir un animal mort. C’est ainsi que les vautours trouvent des cadavres et descendent rapidement pour les consommer. Lors de la curée, ils peuvent être plusieurs dizaines en quelques minutes sur une brebis morte.

Curée (groupe de vautours fauves)

Une curée © B. Berthemy

Exemple de durée d'une curée

Une curée, étape par étape

Une curée, étape par étape © B. Berthemy

Régime alimentaire

Sur le pourtour du bassin méditerranéen la présence des vautours est liée à l’élevage ovin et à la mortalité disponible dans les troupeaux. On dit que les vautours fauves sont des commensaux de l’homme, c’est-à-dire qu’ils consomment ce que les éleveurs leur laissent. Le régime alimentaire est constitué des cadavres de tous les ongulés d’élevage (brebis, vaches, chevaux, cochons, chèvres…) ainsi que les ongulés de la faune sauvage (sangliers, mouflons, chamois, chevreuils, bouquetins, cerfs) : il suffit que les cadavres soient visibles pour les vautours, par exemple, non dissimulés par la frondaison. La spécialisation alimentaire des quatre espèces de vautours constitue un système complet du traitement des cadavres (équarrissage). Les vautours fauves sont les premiers à intervenir sur une brebis morte, ils l’entament par les orifices naturels et se nourrissent des tissus mous : muscles, viscères, foie, poumons… Le Vautour fauve est une espèce dite « tireur-fouilleur » : avec son long cou dénudé, il pénètre dans le cadavre. Les vautours moines présentent des adaptations anatomiques et physiologiques leur permettant d’exploiter les tissus plus coriaces comme les cartilages, les tendons, la peau, et même des petits os. Ils viennent sur un cadavre le plus souvent à la suite des vautours fauves qui laissent une carcasse bien ouverte, la peau retournée. Ils peuvent aussi se nourrir de petits cadavres comme des lapins atteints de la myxomatose par exemple ou divers ongulés sauvages. Les vautours percnoptères ont un régime alimentaire plus large, ils profitent des restes (viande, peaux, bouts d’os), mais ils peuvent consommer également des insectes et des micromammifères (campagnols morts, par exemple)… Ils sont également coprophages. Les gypaètes barbus se sont spécialisés dans la consommation d’os qu’ils digèrent très facilement grâce à l’action de sucs gastriques particulièrement puissants (pH=1). Les os constituent 80 à 90 % de leur alimentation. Ils sont très riches en éléments énergétiques et protéines. Ainsi la totalité du cadavre est nettoyé par cette cohorte de nécrophages.

Nettoyeurs de la nature

Dans de nombreuses civilisations et depuis des temps immémoriaux, les rapaces nécrophages sont les auxiliaires du pastoralisme en débarrassant alpages et pâtures des cadavres d’animaux d’élevage. Le vautour est bien un allié précieux de l’éleveur. Il fait disparaître efficacement et rapidement des cadavres pouvant être le vecteur de contagions pour les troupeaux et de contamination des eaux. L’appareil digestif des vautours est une arme redoutable pouvant détruire la plupart des agents pathogènes qui pourraient se développer dans les cadavres. L’appareil digestif des vautours est très court, il mesure à peine 3 mètres. Il est divisé en trois portions : la première partie dite pré-gastrique, c’est le jabot qui a un pH (sert à mesurer l’acidité) de 7 à 7,5 (à peu près neutre), puis vient la partie gastrique qui est l’estomac avec un pH de 1 à 1,5 (soit une acidité majeure) et enfin la partie intestinale qui a un pH de 6 à 7 où s’effectue l’assimilation des nutriments. Ces variations de pH sont très virucides et bactéricides. L’appareil digestif des vautours est un outil anti-infectieux. Les études scientifiques vétérinaires ont montré que les vautours sont des « culs-de-sac épidémiologiques », c’est-à-dire qu’en se nourrissant de charognes, ces rapaces rompent la chaîne de contamination microbienne ou parasitaire.

dernière mise à jour : 27 juillet 2022