Vautour moine

Conseil Biodiversité
Vautour moine

Vautour moine © Bruno Berthemy

Présentation de l’espèce

  • Nom Français : Vautour moine
  • Nom Latin : Aegypius monachus
  • Embranchement : Vertébrés
  • Classe : Oiseaux
  • Ordre : Accipitriforme
  • Famille : Accipitridé
  • Genre : Aegypius
  • Espèces : Monachus

A l’étranger :

  • Anglais : Black Vulture
  • Espagnole : Buitre Negro
  • Allemand : Mönchsgeier Kuttengeier
  • Italien : Avvoltoio negro

Description

Envergure : 2,65 m à 2,85 m
Hauteur : 100 à 110 cm
Poids : 7 à 9 kg
Dimorphisme sexuel : il n’existe aucun dimorphisme sexuel chez cette espèce.

Vautour moine en vol

© Bruno Berthémy

Identification

En vol, le Vautour moine se distingue du Vautour fauve par son plumage uniformément brun chez les adultes et par ses ailes plus rectangulaires. Les ailes sont tenues plus à plat et la main est tombante en vol plané. Son cou est emplumé et bordé d’une large collerette de plumes érectiles. La calotte occipitale claire et le bec très fort avec une cire violacée le rendent difficile à confondre. L’un des plus grands rapaces diurnes d'Europe.

Vautour moine et vautour fauve sur le un sol enneigé

© Bruno Berthémy

Biologie et écologie

Habitat

En Europe, le Vautour moine est caractéristique des zones de collines et moyennes montagnes semi-boisées à forte influence méditerranéenne. Il niche souvent dans les forêts de pente et dans ce cas, les nids sont situés généralement dans le tiers supérieur du versant. Sa présence en France est concentrée dans trois massifs où l’espèce a été réintroduite précédemment : les Grands Causses, les Baronnies et le Verdon.

Le Vautour moine, contrairement aux trois autres espèces de vautours européens, est arboricole. Pour s’installer, il sélectionne généralement des pins sylvestres âgés, situés dans le tiers supérieur de versants clairsemés ou à proximité de zones rocheuses. Le Vautour moine niche souvent en colonies lâches avec une distance entre 400 et 1000 m entre chaque nid.

Grands Causses

© LPO Grands Causses

Reproduction

La reproduction du Vautour moine, de la construction de l’aire à l’émancipation du jeune, se déroule sur près d’une année entière. Généralement, les individus tentent leur première reproduction à l’âge de 4-5 ans. Les deux adultes participent à la construction du nid, l’incubation et à l’élevage du jeune.

Cycle annuel de la reproduction du Vautour moine en France

Dès les mois de décembre / janvier, les couples paradent au-dessus de leur site de nidification. Ces vols assez démonstratifs sont dits en « tandem » : les deux oiseaux volent l’un au- dessus de l’autre et se posent sur le nid ou ses alentours proches pour l’accouplement. La ponte comprend un seul œuf qui est déposé de février à mars. Le poussin éclot après environ 54 jours d’incubation. Le séjour au nid pour le poussin dure entre 100 et 120 jours mais après l'envol, les jeunes vautours restent dépendants des adultes pendant quelques semaines pour se faire nourrir.

Régime alimentaire

Le Vautour moine est un rapace exclusivement nécrophage, c’est-à-dire qu’il se nourrit de cadavres. Cette espèce recherche les parties dures, tels que la peau, les tendons, le cartilage… Cette spécificité facilite les relations entre les quatre espèces de nécrophages européens, et évite ainsi la compétition alimentaire.

Le Vautour moine ne dépend pas des cadavres d’ongulés domestiques dans la même mesure que le Vautour fauve et est capable de détecter et d’exploiter les petits cadavres de la faune sauvage. L’identification de son régime alimentaire révèle la grande diversité des proies sauvages consommées par cet oiseau (Renard roux, Fouine, Martre des pins, Blaireau, Sanglier, Chevreuil européen, Mouflon, Chamois, Lièvre d'Europe, Lapin de garenne, Campagnol terrestre, Ragondin, Marmotte) et met ainsi en lumière son comportement opportuniste dans la recherche alimentaire.

Cuvée (vautours moines et fauves)

© Bruno Berthémy

Comportement

Le Vautour moine défend un territoire de reproduction de quelques centaines de mètres autour du nid ; les couples sont généralement fidèles à ce secteur de reproduction d’une année à l’autre. Le domaine vital est l’aire exploitée par un individu ou un couple comprenant le site de nidification, et les territoires de prospection alimentaire. Leur taille varie en fonction de divers facteurs comme la disponibilité alimentaire, la densité de la population, la période de l’année, etc. En France le domaine vital est de 3 892 km2 ± 2875 pour un individu.

Ces connaissances ont d’abord été acquises grâce au suivi par télémétrie des individus, c’est-à-dire à l’aide d’un système GPS. Mais également grâce aux boucles d’identification du bétail, collectées au pied des nids de Vautour moine et lors du baguage du poussin. Ces « boucles d’oreilles » permettent de connaître la commune de provenance du cadavre de l’animal d’élevage consommé (méthode plus ou moins applicable selon les territoires).

Historique, répartition et dynamique de la population

Historiquement, le Vautour moine occupait la plupart des milieux favorables jusqu’au 18ème siècle : de la péninsule ibérique à la Mongolie, il était également présent dans quelques grandes îles (Majorque, Sardaigne, Sicile, Chypre…), et connu pour nicher en Algérie et au Maroc Maroc (PNA Vautour moine 2021-2030). Aujourd’hui, la population mondiale comporte environ 6100 individus matûres (BirdLife International 2021). Dans le sud de la France, grâce aux recherches archéologiques, on peut attester la présence de l’espèce durant les glaciations du Quartenaire et sa disparition du territoire au début du 19ème siècle.

Il semble donc que le Vautour moine fut victime d’une part de la perte des habitats favorables, due aux déboisements, à l’évolution du modèle agricole et également aux empoisonnements. D’autre part, comme les autres grandes espèces de rapaces, il a été victime de destructions volontaires. Afin de rétablir une population européenne de vautours moines, sept programmes de réintroduction ont été menés. Le premier fut initié en 1986 sur l’ile de Majorque, puis du plus ancien au plus récent : les trois sites français site des Grands Causses, des Baronnies, du Verdon, la Catalogne et Burgos en Espagne enfin la Bulgarie.

Répartition mondiale du Vautour Moine. Source : BirdLife International and Handbook of the Birds of the World (2018) 2017. Aegypius monachus. The IUCN Red List of Threatened Species. Version 2019-2

Sur le territoire français, 3 programmes ont permis de restaurer l’espèce qui avait totalement disparue, grâce au programme de réintroduction mis en place par le Fonds d’Intervention pour les Rapaces (FIR) devenu depuis la LPO Grands Causses en collaboration avec le Parc national des Cévennes et la Fondation pour la conservation du Vautour moine (désormais VCF-Vulture Conservation Foundation). Ce programme consistait notamment, à lâcher de jeunes oiseaux nés en captivité ou provenant des centres de soins afin qu’ils puissent recoloniser leurs anciens territoires et qu’ils reconstituent une population viable. Le programme de réintroduction dans les Baronnies a été mené par Vautours en Baronnies et celui du Verdon par la LPO PACA.

De 1992 à 2004, 53 individus ont été lâchés dans les Grands-Causses, 49 dans les Baronnies de 2004 à 2018 et 41 dans le Verdon de 2005 à 2019 (PNA Vautour moine 2021-2030). Le programme du Verdon arrivant bientôt à son objectif final en termes d’oiseaux lâchés. En 2021, 51 couples reproducteurs ayant déposé une ponte étaient présents sur le territoire (29 dans les Grands Causses, 14 dans les Baronnies et 8 dans le Verdon).

Les déplacements des Vautours moines varient selon leur classe d’âge et leur région d’origine. Au sein de la population française, on observe une forte fidélité au site de naissance dans les Alpes contrairement aux Causses, dont les individus sont plus erratiques. Le taux de survie de la population française est plus élevé chez les adultes que chez les jeunes : il est d’environ 83 % lors de la première année et 92 % pour les individus de 6 ans et plus. La viabilité du Vautour moine en France reste néanmoins précaire. Les analyses effectuées révèlent qu’une surmortalité de 10 adultes par an pourrait conduire à une nouvelle extinction de l’espèce en France d’ici un peu plus de deux décennies.

Menaces et statut

Menaces

1 - Hiérarchisation des menaces en Europe

Par importance décroissante, les menaces en Europe listées dans le plan d'action européen sont :

  • L’empoisonnement (importance élevée) ;
  • Les perturbations du fait de l'homme (aménagement du territoire, infrastructures, activités récréatives, forestières et cynégétiques, développement des réseaux éoliens, photovoltaïques et électriques,…) (importance critique) ;
  • La dégradation de l'habitat (importance critique) ;
  • La pénurie de nourriture (importance moyenne, potentiellement élevée) ;
  • Les incendies de forêt (importance moyenne) ;
  • Les persécutions et le commerce illégal (importance faible)

2 - Hiérarchisation des menaces en France

Le Vautour moine est victime de diverses menaces. Les impacts de celles-ci peuvent être directes en causant la mort d’individus ou elles peuvent avoir des répercussions à plus grande échelle sur le mode de vie de l’espèce.

Menaces directes :

  • Entre 1993 et 2020, en France, 70 cas de mortalités ont été recensés, et la cause a été identifiée pour 41 d’entre eux. Ainsi l’électrocution et la collision avec des câbles électriques est le premier facteur de mortalité avec 39% des cas connus. Bien qu’hétérogène sur le territoire national cette menace reste importante.
  • La seconde est liée à l’empoisonnement :

- Par la consommation d’appâts empoisonnés qui ne sont pas destinés aux vautours ;

- Par la consommation de bétail soumis à différents traitements sanitaires.

  • Des cas de destruction volontaire par tirs sont régulièrement constatés. Si ces tirs ne causent pas systématiquement la mort directe de l’individu, le taux de plomb dans le corps (saturnisme) peut affecter le comportement de l’oiseau, le succès de reproduction, voir sa survie à long terme.
  • Le comportement exploratoire du Vautour moine et son domaine vital très large augmentent le risque de collisions avec des éoliennes. En France, cette problématique est encore peu documentée, avec un seul cas de mortalité qui fut recensé en 2020, mais confirme le risque de cette menace. Néanmoins, de nombreux vautours fauves sont déjà morts victimes de collisions (une cinquantaine en France, plusieurs milliers en Espagne), leur population nationale étant plus développée. L’augmentation des projets éoliens dans les domaines vitaux ou à leur périphérie est donc particulièrement inquiétante.

Menaces aux répercussions longues :

  • Le Vautour moine à l’instar des grands rapaces, est une espèce sensible aux activités anthropiques. Les dérangements causés peuvent entrainer des échecs de la reproduction et sur le terrain il est particulièrement difficile d’identifier leur origine (loisirs sportifs, gestion forestière, chasse…). L’impact des activités humaines au sein du domaine vital du Vautour moine sur la dynamique de sa population nécessite un suivi et une évaluation rigoureuse. Une bonne prise en compte de ces activités sur un territoire peut même être compatible avec le maintien et/ou l’accroissement d’une population.
  • Enfin, la disponibilité de la ressource alimentaire est un enjeu majeur pour la conservation du Vautour moine. Si cette ressource est assez largement assurée par l’élevage ovin, les études montrent que la faune sauvage joue un rôle non négligeable dans son alimentation. Il peut également y avoir une certaine compétition avec le Vautour fauve. Il s’agit donc de diversifier les ressources disponibles pour les vautours moines. D’autre part, la qualité des ressources doit être étudiée : les traitements vétérinaires sur la faune domestique et le plomb sur la faune sauvage font peser sur le Vautour moine des menaces dont l’ampleur est difficilement appréciable à l’heure actuelle.

Statut

En France, le Vautour moine est protégé par la loi du 10 juillet 1976 et son arrêté d’application du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de protection. Il fait partie de la liste des 37 espèces de vertébrés menacées d’extinction en France.

Le Vautour moine est par ailleurs l’une des priorités nationales pour la conservation des populations d'oiseaux, il figure sur :

  • La Liste rouge de la faune menacée de France, dans la catégorie "vulnérable" ;
  • La liste des espèces présentes en France et très menacées à la fois en France et en Europe et dont la Conservation Mérite une Attention Particulière (CMAP 2) ;

Le Vautour moine est également parmi les priorités européennes et mondiales pour la conservation des populations d'oiseaux, il figure sur :

  • La liste des espèces à statut européen défavorable dont la majorité de la population mondiale se trouve hors d'Europe (SPEC 3) ;
  • La liste des espèces d'oiseaux sauvages traitées sur la Liste rouge mondiale et présentes en
  • France métropolitaine (catégorie IUCN: "faible risque") ;

Objectif de conservation et Plan national d’Action 2021-2030

Bien que la population française de Vautour moine soit en lente croissance, sa situation reste précaire. D’autant que c’est une espèce à faible productivité, l’accroissement de ses effectifs dépend fortement du taux de survie des adultes. Avec l’achèvement prévisible, au cours du PNA, des opérations de relâcher d’oiseaux dans le Verdon (après les Grands-causses et les Baronnies), l’enjeu majeur sera donc de réduire les risques de mortalité et d’améliorer la productivité en limitant les dérangements. Toutefois des actions visant à favoriser l’installation de nouveaux noyaux de population sont envisageables.

Ce plan d’action comprend 7 objectifs :

  • Poursuivre les suivis nécessaires pour évaluer l’évolution du statut de conservation et l’efficacité des actions menées / acquisition de connaissances utiles complémentaires ;
  • Préserver les domaines vitaux et les sites de reproduction ;
  • Réduire et prévenir les facteurs de mortalité d’origine anthropique ;
  • Identifier et améliorer la ressource alimentaire ;
  • Renforcer/étendre l’aire de répartition nationale ;
  • Favoriser l’acceptation locale ;
  • Coordonner le plan et favoriser la prise en compte du plan d’actions dans les politiques publiques nationales et internationales.

Mise à jour le 23/06/2022 par Léa Giraud, Camille Robert et Clara Borrel