Gypaète barbu

Description de l’espèce

Le Gypaète barbu (Gypaetus barbatus) est un grand rapace nécrophage qui présente une envergure imposante. La silhouette est caractéristique avec des ailes étroites et pointues et une queue cunéiforme. La tête est emplumée et ornée d’un masque facial composé de plumes noires entourant l’œil clair cerclé de rouge et descendant sous le bec pour former une barbe. Le conduit auditif est souligné de noir. Le corps est svelte au-dessous orangé ou blanc selon les régions, et arbore parfois un fin collier de plumes noires. Les pattes courtes sont entièrement recouvertes de plumes jusqu’aux serres qui sont peu développées. Les jeunes de moins de trois ans se caractérisent par la livrée sombre de leur plumage. Ils se distinguent de leurs congénères plus âgés par leur tête de couleur noire et par leur corps et leurs ailes où les tons bruns prédominent. Les ailes fines et sombres se terminent par cinq grandes rémiges effilées. La queue longue et mobile lui confère un vol souple adapté à un survol rapproché du relief.

Les premières mues des plumes de vol interviennent au cours de la deuxième et de la troisième année. Les oiseaux de quatrième et de cinquième année ont un plumage intermédiaire : les plumes de la tête et du corps s’éclaircissent et la silhouette s’affine. Le plumage définitif – tête et corps de couleur crème ou orangé (blanc en Corse) contrastant avec les ailes et la queue gris ardoisé - est acquis entre la cinquième et la septième année. Il est possible que les adultes muent plus fréquemment les plumes de vol en fin d'été après l'effort reproducteur. Une plume met trois mois à pousser, le processus de mue étant stoppé durant l'hiver montagnard, de novembre à mai. Il n’y a pas de dimorphisme sexuel. Le seul cri émis par les gypaètes est un long sifflement puissant rappelant celui des Milans (JCR, CD1/pl.66).

Longueur totale du corps : 110 à 150 cm. Poids : 5 à 7 kg.

Répartition géographique

La sous-espèce Gypaetus barbatus barbatus s’est éteinte dans la plupart des massifs montagneux du pourtour du bassin méditerranéen au cours du XIXe et du XXe siècle [1] : son aire de distribution européenne s’est morcelée. Entre 2 000 et 10 000 individus vivent dans le monde.

Actuellement, le gypaète barbu est le vautour le plus rare d'Europe. Entre 1 200 et 1 600 individus matures vivent en Europe. La population pyrénéenne (population relictuelle) est de plus de 100 couples reproducteurs [2], la population corse est de 5 couples [3], 6 à 7 couples vivent en Crète [4], la population réintroduite alpine comporte plus d’une cinquantaine de couples reproducteurs [2] et quelques couples vivent en Andalousie (programme de réintroduction initié en 1996) [2].

En Asie, les populations occupent les principaux massifs montagneux de la Turquie à la Mongolie. Les effectifs et leur tendance sont inconnus sur la majorité des territoires. En 2017, les populations étaient de 15 à 25 couples en Arménie, entre 50 100 couples en Azerbaidjan, entre 19 et 22 en Géorgie, entre 150 et 250 en Russie et entre 160 et 200 en Turquie [4].

En ce qui concerne l’Afrique, il reste quelques individus de la sous-espèce Gypaetus barbatus barbatus en Afrique du Nord (Maroc et Algérie) mais la sous-espèce majoritaire sur le continent est Gypaetus barbatus meridionalis. En Afrique du Nord, la population a drastiquement diminué dans les dernières décennies. Le nombre total d’individus matures est soupçonné d’être entre 16 et 28 adultes avec entre 8 et 14 couples. La sous-population la plus importante population (~20 individus) se trouve au Maroc (6 à 10 couples)[5–8]. La population algérienne est estimée à moins de 20 couples Algérie (2003). En Egypte, entre 2 et 4 couples sont installés [8]. La sous-espèce Gypaetus barbatus meridionalis n’est plus représentée que par deux noyaux de population isolés dont un en Éthiopie (quelques centaines de couples) [9] et un autre dans le massif du Drakensberg au Lesotho et en Afrique du Sud avec 109 couples [10]. Entre ces deux régions, il ne resterait que 20 à 30 couples dispersés sur le plateau Est africain. Sur l’ensemble du territoire français, l’aire de répartition de la population a augmenté en 10 ans - durée du dernier Plan National d’Actions (PNA) en faveur du Gypaète barbu -. Dans les Pyrénées, l’aire de répartition est sensiblement la même depuis dix ans et la population française de ce massif compte entre 52 et 54 couples. Dans les Alpes, l’aire de répartition est en augmentation, même si elle reste bien en deçà de l’aire de répartition de référence. La population française alpine compte en 2021 21 couples. Dans les Grands Causses, un programme de réintroduction initié en 2012 suit son court. L’objectif principal de ce projet est de reconnecter les populations alpines des populations pyrénéennes afin d’assurer le brassage génétique et leur viabilité. Pour ce faire, le projet repose sur des actions de réintroduction dans le Sud du Massif central et dans le Préalpes afin de créer des noyaux de populations viables qui permettront d’initier les échanges entres massifs. A ce jour aucun couple reproducteur n’est encore installé dans les Grands Causses mais un petit noyau d’individus non fixés pour la plupart augmente d’année en année. Entre 2012 et 2020, les premiers échanges entre les massifs sont constatés : 11 gypaètes ont emprunté le corridor entre les Alpes et les Pyrénées [3].

Biologie

Comportements

L’espèce niche en couple et plus rarement en trio polyandriques [11], généralement fidèles à un territoire. Chaque entité reproductrice possède plusieurs aires utilisées en alternance. La superficie des territoires est variable. Dans les Pyrénées elle a été estimée à 320 km² en moyenne en 1998 [12].

Les jeunes gypaètes sont erratiques et parcourent l’ensemble du massif où ils sont nés pendant plusieurs années avant de se fixer sur un territoire, à un âge qui varie en fonction des situations. Par exemple, en Corse, où le nombre d’adultes est en baisse, un jeune de deux ans s’est apparié avec un adulte en 2005. Dans les Alpes, où les premiers territoires colonisés offrent des conditions optimales, les subadultes peuvent se cantonner et montrer des comportements de nidification précoces. Dans les Pyrénées, où les effectifs sont plus importants, les individus sont erratiques durant les quatre ou cinq premières années de leur vie [13].

Les gypaètes ont des comportements très originaux : ils cassent les os les plus gros sur des pierriers, afin d’en ingérer les morceaux [14]. Ils se colorent le plumage dans des sources et des boues ferrugineuses afin d’acquérir la couleur ventrale orangée qui les caractérisent [15]. Ils sont blancs en captivité et en Corse où ces sources sont absentes [16].

Reproduction et dynamique de population

En règle générale, à l’état sauvage, les femelles ne pondent pas avant l’âge de sept ans (bien qu’il existe des exceptions) et la première reproduction échoue. L’âge de la première reproduction se situerait entre sept et neuf ans en captivité [17]. Le cycle de reproduction est très long : il débute en automne avec la sélection et la construction de l’aire. Les comportements prénuptiaux consistent essentiellement en longs moments où les deux adultes restent posés sur l’aire choisie et en vols synchronisés du couple. Les accouplements débutent généralement deux mois avant la ponte. Le territoire est défendu contre les intrus. Les pontes (un ou deux œufs) sont déposées au début ou au courant de l’hiver (en France). Les pontes de remplacements sont rares. Les éclosions ont lieu majoritairement en mars après 53-55 jours d’incubation réalisée dans des conditions climatiques extrêmes en altitude. L’élevage d’un unique jeune dure quatre mois environ et ce dernier s’envole dans le courant de l’été (généralement en juillet dans les Pyrénées et en Corse). Les deux parents se chargent très équitablement de l’incubation et de l’élevage du jeune, afin de réussir leur reproduction [18]. La période de dépendance du jeune perdure plusieurs semaines après l’envol et le jeune ne coupe les liens avec ses parents qu’au début de l’hiver suivant [19]. Chaque couple ne peut élever qu’un seul jeune par an. La productivité est faible, facteurs compensés par une longévité potentielle importante des adultes [19]. Une baisse de cette productivité naturellement faible et/ou une hausse du taux de mortalité, peuvent entraîner rapidement une population de Gypaète barbu vers son déclin et son extinction.

Régime alimentaire

Le régime alimentaire du gypaète barbu est composé presque exclusivement de restes osseux (extrémités de pattes, os et ligaments) qu’il prélève essentiellement sur les carcasses des ongulés de taille moyenne qui meurent en montagne dans des milieux ouverts. Les ongulés forestiers sont peu exploités, leurs carcasses étant généralement inaccessibles. Les cadavres des grands ongulés (bovins et équins) sont les moins sélectionnés [20]. Lors de son premier mois de vie, le poussin est nourri d’aliments non osseux (ligaments, muscles et organes d’ongulés, de marmottes ou de rongeurs morts). Opportuniste toutefois, les gypaètes peuvent se nourrir occasionnellement de cadavres d’oiseaux ou de reptiles.

Habitat

Le gypaète barbu vit dans des zones au relief abrupt présentant des milieux ouverts avec des ongulés sauvages ou domestiques de taille moyenne, des zones rupestres pouvant abriter un vaste nid et des pierriers sur lesquels il pourra casser des os. Le gypaète barbu affectionne particulièrement les massifs calcaires qui offrent de grandes cavités et de nombreuses grottes où il peut construire son nid. L’altitude n’a pas d’importance [21].

Etat des populations et tendances d’évolution des effectifs

Le statut de conservation (UICN) du gypaète barbu est « quasi menacée » (2021) à l’échelle mondiale, « quasi menacé » (2021) à l’échelle européenne et « en danger » (2016) à l’échelle nationale. L’état de conservation des populations du gypaète est assez mauvais mais les tendances des valeurs de référence sont soit à la hausse, soit identiques depuis une décennie en France [3].

Effectifs

Si on regarde nationalement, la population a augmenté sur l’ensemble du territoire français lors de la dernière décennie. La population reproductrice est passée de 51 couples (35 dans les Pyrénées, 7 dans les Alpes, 9 en Corse) en 2010 à plus de 79 couples en 2021 (1 dans le Massif central, 5 en Corse, 21 dans les Alpes et entre 52 et 54 dans les Pyrénées) [3, 22]. Dans les Grands Causses, le noyau de population est en cours de création. En décembre 2020, 8 individus de classes d’âge différentes sont présents dans les Grands Causses, sans être nicheurs. La productivité moyenne (jeune/couple/an) de 0.30 à l’échelle nationale, de 2010 à 2021, reste faible [3].

Qualité de l’habitat disponible

L’habitat disponible pour l’espèce est toujours considéré comme favorable sur l’ensemble du territoire français. Les zones d’alimentation (placettes) et les capacités trophiques (ongulés sauvages et domestiques) sont importantes. Dans les Alpes, beaucoup de zones de nidification sont disponibles. Dans les Pyrénées, les sites de nidification et leur accessibilité est plus variable sur la chaîne [3].

Dans les Grands Causses et les Pyrénées françaises, la pression des activités humaines à proximité des sites de reproduction est un facteur limitant pour le succès des reproductions. Par exemple, des perturbations ont été signalées, en moyenne, sur 51% des territoires occupés de 2010 à 2014. Cette problématique est moins rencontrée dans les Alpes (effet du paysage). Les cas de mortalités des individus dus à des causes anthropiques diminuent aussi la qualité de l’habitat pour l’espèce [3].

Menaces potentielles

Les facteurs de destructions directes affectant plus particulièrement les gypaètes barbus en France sont le poison, en particulier dans les Pyrénées, et les collisions avec des lignes ou des câbles aériens, en particulier dans les Alpes. Les tirs ne semblent pas une menace mais une vigilance doit être conservée [21].

Les perturbations

Certains facteurs de perturbation (notamment au nid) peuvent mettre en péril la reproduction des oiseaux. Les gypaètes barbus peuvent se montrer très sensibles aux dérangements visuels et sonores, même à des distances importantes des nids. Les activités très bruyantes telles que les travaux mécanisés, les manœuvres militaires, le passage d’engins bruyants, le survol d’avions de chasse, les tirs de mine, etc… peuvent perturber une reproduction [16]. La circulation des véhicules de tourisme semble tolérée à une distance supérieure à 700m des nids, cependant, les gypaètes barbus choisissent préférentiellement des sites de nidification peu fréquentés et dépourvus de voies d’accès [21, 23]. La menace de la chasse reste forte quant aux dérangements des individus au nid et de l’intoxication des oiseaux au plomb. Les activités de loisirs (ski, escalade, via ferrata, vol libre…) sont de plus en plus pratiquées et peuvent déranger la reproduction si les voies passent proche d’un nid de gypaètes. L’écobuage (feux pastoraux) peut obliger les gypaètes à abandonner leur poussin [21].

Les dégradations et pertes d’habitat

Les dégradations et pertes d’habitats sont des processus à endiguer. Les aménagements et l’extension des activités humaines ont profondément modifié le milieu naturel et bouleversé l’équilibre des écosystèmes montagnards. La création de pistes a induit une expansion de certaines activités perturbatrices pour la faune sauvage (tourisme, circulation, etc). L’extension des domaines skiables est associée à la multiplication d’un certain nombre de facteurs potentiellement dérangeants pour la reproduction du gypaète (ski hors-piste, vol libre, escalade, via ferrata, fréquentation importante, etc). On assiste également à l’extension de certaines infrastructures qui peuvent s’avérer potentiellement meurtrières pour les rapaces (câbles de téléski, lignes électriques, câble de système de déclenchement d’avalanche…). D’autres projets comme des microcentrales électriques (Pyrénées) viennent stériliser les sites de reproduction historiques depuis plus d’une trentaine d’années [21].

Insuffisance des ressources alimentaires

En l’absence d’importants effectifs d’ongulés sauvages, l’activité pastorale revêt une importance fondamentale. L’élevage en montagne s’est considérablement modernisé s’il n’a pas disparu et la prophylaxie vétérinaire, l’alimentation complémentaire, la transhumance motorisée sont autant de facteurs qui réduisent la mortalité des ongulés domestiques. De plus, l’équarrissage industriel emportant les cadavres d’ovins réduit encore la quantité des ressources alimentaires potentiellement disponibles [21]. Cependant, l’installation de placettes sur les exploitations agricoles ainsi que le service d’équarrissage proposé par la LPO permettent la récupération d’une partie des cadavres, devant réglementairement être enlevés des exploitations agricoles, au profit des vautours [3].

Isolement des populations

Une des principales menaces qui pèse sur l’espèce actuellement en Europe tient à la fragmentation et à l’isolement de ses populations [21].

La population insulaire de Corse est la plus menacée d’isolement actuellement. La Corse est une île de faible superficie. La population de gypaètes barbus qui s’y trouve ne peut être viable à long terme que connectée aux populations d’Europe occidentales et aux autres îles à proximité. Il n’existe pas actuellement d’éléments attestant d’échanges entre la Corse et les autres populations [21]. L’effectif est de 5 couples cantonnés (2021) [22]. Sa faible taille est insuffisante pour assurer la survie de la population à long terme. Les perspectives pour cette population sont très défavorables. La réintroduction en Sardaigne a été un échec, l’avancée des programmes Cerf de Corse et Mouflon est lente et les perspectives sont peu favorables quant à l’évolution du pastoralisme [21]. Cependant, le projet LIFE GYPRESCUE lancé en 2021 est de prévenir l'extinction du gypaète barbu en Corse en relançant la reproduction naturelle et en augmentant la capacité de nidification de l'espèce sur l'île, tout en prévenant les perturbations et la mortalité liées à l'homme [24].

Le hiatus entre les populations pyrénéennes et alpines se comble grâce à des programmes de réintroductions dans le Massif central et les pré-Alpes (LIFE GYP’CONNECT), permettant la formation d’un corridor entre les populations. Ceci permettra, à terme, un brassage génétique entre les populations. Quelques individus ont déjà voyagés entre les massifs alpin et pyrénéen [3].

Propositions de gestion

La dynamique de développement des populations est naturellement très faible chez cette espèce, c'est pourquoi il s'avère indispensable de réduire le taux de mortalité des adultes mais aussi des jeunes, et en parallèle, d’améliorer la productivité des couples. Selon ce principe, les efforts se concentrent sur la diminution des causes de perturbations au nid (le développement de nouvelles technologies ou pratiques récréatives) et la diminution des causes de mortalité (empoisonnement, intoxication, percussion contre les câbles aériens...), et sur une meilleure évaluation de l'efficacité des mesures de conservation [3].

Plans d’action

Les plans d'action par espèce sont des documents stratégiques très importants qui définissent les priorités pour les travaux futurs de conservation des espèces. Ils sont créés par des partenaires de la conservation, des scientifiques, des organisations caritatives, des gouvernements et des groupes locaux et sont des outils permettant d'identifier et de hiérarchiser les mesures visant à restaurer les populations de vautours dans toute leur aire de répartition. Ils fournissent des informations sur le statut, l'écologie, les menaces et les mesures de conservation actuelles pour chaque espèce de vautour et énumèrent les actions clés nécessaires pour améliorer leur statut de conservation [2].

La Vulture Conservation Foundation a co-développé le plan d'action multi-espèces pour les vautours (Vulture MsAP), qui a été adopté par la Convention des Nations Unies sur la conservation des espèces migratrices appartenant à la faune sauvage (CMS), visant à conserver les 15 espèces de vautours d'Afrique-Eurasie, y compris le gypaète barbu. En outre, la VCF a mis à jour d'anciens plans d'action par espèce en collaboration avec des partenaires du projet LIFE EUROSAP, notamment le plan d'action européen par espèce pour le gypaète barbu [2].

Un PNA en faveur du gypaète barbu (2010-2020) se finit et avait pour objectif de poursuivre et de renforcer, sur l'ensemble de l'aire de répartition française de cette espèce, les efforts menés jusqu'à présent par l'ensemble des acteurs pour favoriser l'évolution numérique et spatiale de cette espèce et de son statut de conservation. L’enjeu de ce plan était notamment de prolonger les actions efficaces réalisées dans les Alpes et les Pyrénées, de faciliter la construction d’un « corridor » entre les Alpes et les Pyrénées, de renforcer la population Corse, favorisant ainsi la diversité génétique de ces populations et d’assurer des échanges de compétences et d’expériences entre les acteurs de la conservation de ces trois populations. Le Plan National d’Actions en faveur du Gypaète barbu s’était ainsi fixé les objectifs suivants :

1) Préserver, restaurer et améliorer l’habitat, à la fois en limitant les dérangements sur les sites de nidification et en améliorant la disponibilité alimentaire.

2) Réduire les facteurs de mortalité anthropiques liés à la présence de câbles, à des intoxications ou à des tirs ;

3) Étendre l’aire de répartition de l’espèce et favoriser les échanges d’individus entre populations.

Ces objectifs s’accompagnaient d’actions complémentaires permettant une meilleure connaissance de l’espèce par la réalisation d’études spécifiques et la sensibilisation des différents acteurs et du grand public concernés par la conservation du gypaète barbu pour une meilleure prise en compte de l’espèce dans les activités humaines et les politiques publiques.

L'état de conservation de l'espèce a été en s'améliorant pendant ces 10 années, en France et dans toute l'Europe. Son statut, d'après la liste rouge européenne, est passé de vulnérable à quasi menacée. Cependant au vu des menaces qui pèsent encore sur l’espèce, des risques de consanguinité de certaines populations (Corse et population alpine), et des paramètres

démographiques (taux de survie et de fécondité) des différentes populations, il s’avère nécessaire de poursuivre la majeure partie des actions engagées dans ce dernier PNA. L’objectif est d’assurer la viabilité sur le long terme de l’espèce à l’échelle nationale, en ayant également une vision de conservation pour l’espèce à l’échelle internationale [3].

Etudes et recherches

En France, la faible taille des populations du Gypaète barbu permet un suivi quasi exhaustif depuis les années 80 des paramètres reproducteurs des couples et de l’occupation des territoires. Ce suivi permet d’identifier les perturbations subies par les populations et fournit ainsi des éléments objectifs pour les recommandations de gestion. La surveillance, quant à elle, permet de suivre l’occupation de nouveaux territoires à la suite de la croissance de la population par l’organisation de prospections. L’effectif et la structure des populations – nombre d’individus fréquentant un massif et leur répartition par classes d’âges – sont aussi évalué. Le suivi génétique fournit des données essentielles pour l'étude de la démographie et de la diversité génétique de la population réintroduite, qui sont des aspects clés pour évaluer le succès de la réintroduction de l’espèce [21].

Au total, sur la durée du PNA (2010-2020), 22 publications françaises ont été produites par les coordinations pyrénéenne, alpine et du Massif central. Ces publications portaient sur l’intoxication et le saturnisme, la dispersion des effectifs et les comportements dispersifs des oiseaux réintroduits, l’état des populations et le succès de reproduction, la tolérance de l'espèce aux activités humaines - notamment sur les causes d'échec de reproduction et sur la cohabitation de l'espèce vis-à-vis des survols -, la disponibilité de l’habitat, … etc. Dans les Alpes, plusieurs études scientifiques ont été menées à partir de données issues de la BDD IBM. Des scénarios d’installation et de viabilité du Gypaète barbu et notamment dans le Sud du Massif central ont été établis [3].

En ce qui concerne les études futures, au vu de la situation actuelle du Gypaète barbu en Corse (productivité nulle en 2020 et 2021) [22], il paraît nécessaire d’évaluer le risque de contamination chronique de la population : la présence de pesticides dans les coquilles d’œuf pourrait expliquer l’infertilité répétée de certaines pontes. Par ailleurs, il faudrait évaluer aussi le risque d’endogamie atteint actuellement par cette population insulaire.

Bibliographie disponible en téléchargement en bas de page

Rédaction : Borrel Clara & Léa Giraud (LPO 2022)