Le feu d’artifice qui met les sternes en pétard

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Le maire de Nevers (Nièvre) s’obstine à faire à nouveau tirer le feu d’artifice du 14 juillet prochain à proximité du site de nidification d’espèces protégées, malgré l’impact négatif avéré sur leur reproduction. La LPO interpelle les services de l’État pour leur demander d’intervenir rapidement afin de faire respecter la réglementation.

Sterne pierregarin © Yann Libessart

La sterne naine et la sterne pierregarin sont des oiseaux migrateurs proches des mouettes qui nichent sur les îlots des côtes marines et des derniers grands fleuves encore sauvages d’Europe, comme la Loire. Elles passent ensuite l’hiver le long des côtes d’Afrique occidentale. Les deux espèces sont protégées en France par l’arrêté du 29 octobre 2009 qui interdit « la perturbation intentionnelle des oiseaux, notamment pendant la période de reproduction et de dépendance, pour autant que la perturbation remette en cause le bon accomplissement des cycles biologiques de l'espèce considérée. »

C’est le cas avec les feux d’artifice.

L'île aux sternes de Nevers accueille la plus grande colonie du département de la Nièvre, avec actuellement 52 couples nicheurs. Les premiers poussins ont été vus le 21 juin et des œufs sont encore à éclore. Il faut compter entre 3 et 4 semaines avant leur envol. Le 14 juillet, les jeunes seront donc encore dépendants des adultes pour leur survie. D’autres espèces protégées y nidifient également, telles que le petit gravelot, la bergeronnette grise et le chevalier guignette.

En 2022, la moitié des sternes naines et un quart des sternes pierregarins ont définitivement abandonné leur nichée suite au feu d’artifice du 14 juillet tiré pour la première fois depuis le pont de Loire, à quelques mètres de l’île aux sternes qui bénéficie pourtant d’un arrêté préfectoral de protection du biotope (APPB) depuis 2005. Le chaos sonore et lumineux engendré par les explosifs provoque une panique totale chez ces oiseaux diurnes qui ont une faculté de voler la nuit très limitée. Or, leurs œufs et leurs poussins doivent être constamment maintenus au chaud pour survivre.

Le maire « procrasterne » …

L’an dernier, la LPO avait appris la modification du site de tir la veille. La mairie de Nevers ayant promis des concertations pour 2023, la LPO n'avait pas porté plainte. Pour l'heure, après des sollicitations répétées, le maire s’est engagé à déplacer le lieu à partir de 2024, mais a seulement proposé quelques mesurettes insuffisantes pour cette année.

La LPO réclame désormais une intervention rapide de la Préfecture de la Nièvre. La meilleure alternative consiste à revenir au site de tir précédent sur l’îlot Saint-Charles en amont du pont de Loire, à plus de 800 mètres des sites de nidification.

La LPO rappelle qu'en cas d’échecs de reproduction répétés, ces espèces fragiles pourraient disparaitre progressivement du Val de Loire. À Tours (Indre-et-Loire) et Moulins (Allier), des constatations similaires sur l’impact des spectacles pyrotechniques sur des colonies de sternes ont logiquement conduit les élus à reconsidérer l’organisation des festivités dans leur ville.

M’étant entretenu à plusieurs reprises avec Denis Thuriot, maire de Nevers, je comprends qu’il souhaite un événement festif rassemblant les neversois(es) mais pas au prix de la maltraitance d’espèces fragiles. Si le feu d’artifice avait risqué de générer des conséquences sur la sécurité (incendie, manifestations, par exemple ) on l’aurait immédiatement suspendu. L’avenir des sternes et autres espèces protégées mérite la même lucidité

Allain Bougrain Dubourg

Président de la LPO