Tirs au fusil : Les rapaces plus que jamais pris pour cible

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La LPO dénonce l’irresponsabilité des auteurs et l’impuissance des pouvoirs publics.

Radiographie d'un rapace mort par tirs

Cette fois-ci, c'est un Vautour fauve qui a été abattu. L'oiseau a été retrouvé criblé de plomb début août sur une commune du Parc National des Cévennes. Le cadavre a été pris en charge en vue de la réalisation des protocoles d’autopsie et d’analyse. Il présente une vingtaine de plombs de chasse à la radiographie.

Sur le territoire des Grands Causses, la LPO recense pas moins de 20 vautours victimes de tirs depuis 2013. Par ailleurs sur le territoire plus restreint du Parc National des Cévennes au sein duquel a été découvert ce dernier vautours, 8 autres vautours ont été victimes de tirs sur cette même période.

Les vautours ne sont pas les seuls victimes de ces délits

Aigles royaux, Circaètes Jean Le Blanc, Faucons pèlerins, Buses variables, Grand-Duc d’Europe (Photos 1 et 2) et autres rapaces sont également pris pour cible.

Le 14 juillet, deux Circaètes Jean Le Blanc ont été conduits à la clinique vétérinaire de Ganges (Hérault) : l’un est arrivé mort victime d’un tir fatal ; l’autre, encore vivant, a été traversé par une salve de plombs (organes et plumes). Le 26 mai, dans le Parc National des Cévennes (PNC), un Faucon pèlerin a été découvert blessé à l’aile sur la commune d’Ispagnac (Lozère). Souffrant, il a finalement été euthanasié…

Ainsi, depuis le début de l’année pas moins d’une trentaine de rapaces victimes de tirs ont été accueillis dans les seuls centres de soins de la LPO et ses partenaires (Tichodrome et Goupil Connexion).

Les rapaces sont des espèces fragiles et protégées, pourtant...

118 espèces différentes ont fait l’objet de tirs dont 70% sont des espèces non chassables. Soit 1 120 oiseaux, dont 75% sont des rapaces (Tableau 5) !

Cinq espèces de rapaces représentent 49% de toutes les admissions en centres de soins (Faucons crécerelles, Eperviers d'Europe, Buses variables, Milans royaux, Vautours fauves). Les espèces retrouvées blessées ou le plus souvent mortes, ne sont que la partie visible de l’iceberg tant la probabilité de retrouver les animaux victimes de tirs est faible voire nulle (= probablement moins 10% des cas sont identifiés).

Par manque de moyens, les auteurs de ces actes scandaleux sont rarement identifiés et condamnés

Il faut attendre la réalisation de radiographies pour révéler qu’ils ont été également victimes de tirs. Il est alors souvent trop tard pour retrouver les auteurs.

Lorsque le Parquet est saisi à la demande de la LPO, et la police de la nature de l’Office Français de la Biodiversité mobilisée, le secret de l’instruction ne permet plus de disposer d’informations sur l’avancement des enquêtes. Dans les faits, la quasi-totalité des affaires sont classées sans suite comme en témoigne ce seul exemple des Gypaètes barbus dans les Cévennes (Tableau 6).

Les tirs de rapaces représentent près de 26% des affaires pour lesquelles la LPO a déposé plainte suite à des atteintes sur des rapaces. 53% de ces affaires sont en cours d’instruction, près de 27% sont classées sans suite ou n’ont donné lieu à aucune suite, 21% ont conduit à des sanctions toujours insuffisantes.

Et d'autres pressions pèsent sur ces espèces

De nombreux rapaces sont également découverts morts pour d’autres raisons, telles que des empoisonnements, des électrocutions, des percussions ou des collisions etc… Il n’est pas rare de découvrir des impacts de tirs sur des oiseaux morts pour d’autres causes, tel ce Gypaète barbu « Durzon » retrouvé mort empoisonné proche de Millau : l’autopsie a révélé qu’il avait été également plombé. Le plomb alors découvert était présent en sous cutanée au niveau du radius droit est sans lien avec la cause de la mort puisque sans aucune lésion associée. Citons également cet autre Gypaète « Viaduc » mort d’une goutte viscérale. L’autopsie révèlera qu’il avait été également victime d’un tir avec deux plombs incrustés (Tableau 6) !

Les rapaces ont failli disparaitre sous les coups de l’empoisonnement et des tirs dans le courant du 19e et la première moitié du 20e siècle. Bien qu’en meilleur santé grâce aux efforts de conservation, ils sont encore, au 21e siècle, victime d’une triple peine :

  • Persistance des empoisonnements intentionnels et la contamination de l’environnement notamment par les pesticides,
  • Dégradation des écosystèmes et la perte de leurs habitats (agriculture intensive, urbanisation),
  • Risques de mortalité sur les infrastructures linéaires de transport et d’énergie (réseau électrique, parcs éoliens).

La LPO dénonce l’obscurantisme de quelques-uns qui ruinent des années d’effort de conservation, et l’impuissance des pouvoirs publics pour les arrêter.

En 8 ans, force est de constater que le nombre de rapaces abattus est quasi constant, et ce malgré la forte baisse du nombre de permis de chasse (Graphique 3).

Certes il ne s’agit pas d’actes de chasse à proprement parler, et d’ailleurs les victimes sont retrouvées tout au long de l’année. Mais les munitions sont bel et bien des munitions utilisées par des chasseurs (Radios 4).

La LPO en appelle donc à la responsabilité des dirigeants cynégétiques afin qu’ils sensibilisent leurs adhérents.

Elle demande un renforcement des moyens de la police de la nature, la formation et la sensibilisation des parquets. Elle n’accepte pas de voir tant d’années d’efforts de protection réduits à néant par quelques inconscients.

Photos 1

Photos 2

Graphique 3

Radios 4

Tableau 5

Tableau 6