Malgré des promesses ambitieuses en faveur de la protection des oiseaux migrateurs, la grande majorité des pays concernés s’éloigne dangereusement des objectifs fixés. C’est le constat alarmant du nouveau rapport (en Anglais) publié par notre partenaire BirdLife International et EuroNatur : « The Killing 3.0 – Progrès dans l’éradication du prélèvement illégal d’oiseaux en Méditerranée et en Europe ».
Cette étude dresse un bilan sévère : dans les pays bordant la Méditerranée en Europe, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, les engagements visant à réduire de moitié, d’ici 2030, le braconnage, la capture et le commerce illégal d’oiseaux ne sont pas tenus. Au niveau de l'UE, l'Italie et la France figurent parmi les plus mauvais élèves.
Depuis plusieurs décennies, les populations d’oiseaux s’effondrent à un rythme vertigineux. La surexploitation directe, dont fait partie le braconnage, constitue l’un des principaux moteurs de l’extinction de l’avifaune dans le monde, juste derrière la destruction des habitats naturels. Chaque année, des millions d’oiseaux sont illégalement abattus, piégés ou empoisonnés à travers l’Europe et le bassin méditerranéen, sapant les efforts de conservation sur l’ensemble des voies de migration.
Face à cette crise, les gouvernements se sont engagés à agir de manière coordonnée dans le cadre de la Convention de Berne et du Plan stratégique de Rome 2020–2030 de la Convention sur les espèces migratrices (CMS). Il ne reste que cinq ans pour atteindre l’objectif de réduction de moitié des prélèvements illégaux d’oiseaux. Le retard accumulé est massif. Si rien n’est fait immédiatement, les pertes seront irréversibles, et certaines espèces pourraient disparaître à jamais.
Exemples d’espèces en péril :
- Tourterelle des bois : classée « Vulnérable » sur la Liste rouge de l’UICN, des dizaines de milliers d’individus sont encore abattus illégalement chaque printemps sur les îles Ioniennes, à l’ouest de la Grèce.
- Vautour percnoptère : espèce « En danger », la population nicheuse des Balkans est menacée par l’empoisonnement, souvent lié à l’utilisation illégale d’appâts empoisonnés visant d’autres animaux.
- Chardonneret élégant : ce passereau autrefois commun est en déclin dans de nombreuses régions, victime d’un piégeage massif pour le commerce illégal d’oiseaux de cage, notamment en Afrique du Nord et autour de la Méditerranée.
Le rapport a évalué 46 pays, dont 22 du bassin méditerranéen examinés plus en détail. Le constat est sans appel : 38 pays, dont la France, ne sont pas sur la bonne trajectoire pour respecter leurs engagements de 2030. Le profit reste le moteur principal du braconnage. Dans les pays les plus touchés — responsables d’environ 90 % des actes illégaux — les progrès sont nuls ou régressifs. Quelques signes d’espoir subsistent. L’Espagne ou encore les zones de souveraineté britannique à Chypre démontrent qu’une volonté politique affirmée, un plan d’action cohérent et des moyens suffisants peuvent porter leurs fruits.
Le prélèvement illégal d’oiseaux n’est pas seulement un délit, c’est un désastre qui menace des espèces sur l’ensemble de leurs routes migratoires. Un niveau élevé de braconnage dans un seul pays peut anéantir des années d’efforts de conservation dans un autre. Il est urgent de mettre en œuvre une réponse forte, coordonnée, transfrontalière, à l’échelle de toute la voie migratoire. L’objectif 2030 est difficile, mais atteignable.