Chasse : l'État fait le canard

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A rebours des recommandations européennes, le gouvernement a cédé aux lobbies cynégétiques en proposant la chasse de 5000 fuligules milouins, une espèce en déclin. La LPO appelle ses sympathisants à s’opposer à ce quota absurde lors de la consultation publique.

Fuligule milouin © Istock

Le Fuligule milouin est un canard plongeur qui fréquente les étangs d’eau douce. Le dimorphisme sexuel est marqué : le mâle arbore une tête et un cou brun-rouge, un dos gris clair, une poitrine noire et des yeux écarlates, tandis que la femelle affiche des teintes brunes plus uniformes, adaptées au camouflage.

L’oiseau niche dans l’Hexagone, surtout dans la moitié nord, mais devient plus abondant dans notre pays à partir de l’automne, lorsque des individus du nord et de l’est de l’Europe viennent s’y réfugier à l’approche des grands froids. L’espèce devient alors chassable. De fin septembre à fin janvier, environ 25000 milouins sont ainsi abattus chaque année en France.

Or les effectifs reproducteurs européens ont chuté de 30% en 16 ans, essentiellement en raison de la dégradation des habitats naturels. Afin de ne pas ajouter une pression supplémentaire, la Commission européenne a demandé aux pays membres de suspendre la chasse de cet oiseau en attendant de mieux comprendre les raisons de son déclin.

Le ministère de l’Écologie, en charge de la chasse, a donc préparé fin juin 2025 un projet d’arrêté suspendant pendant 3 ans la chasse au Fuligule milouin, qui prévoyait également une fermeture avancée pour 6 autres espèces menacées : Canard siffleur, Caille des blés, Grive mauvis, Canard pilet, Canard souchet  et Sarcelle d’hiver

Après une intense campagne de pressions et d’intimidations, la Fédération nationale des chasseurs (FNC) et ses soutiens politiques ont obtenu une complète réécriture du texte. Dans l’arrêté finalement publié au Journal Officiel le 29 août 2025, les réductions de prélèvements exigées par la Commission européenne sont devenues de simples quotas individuels grotesques, fixés sans justification scientifique à 25 canards ou 15 cailles par chasseur et par jour. Tout oiseau tué est censé être déclaré en temps réel sur l’application mobile Chassadapt, actuellement utilisée par une minorité de chasseurs.

Milouin du compte

Seul le cas du Fuligule milouin était suspendu à l’avis du Comité d’experts sur la gestion adaptative (CEGA), une instance consultative prestement ressuscitée le 1er août 2025. Tout en reconnaissant une diminution de moitié des effectifs hivernants en France depuis 10 ans, le ministère de l’Écologie a demandé au CEGA de valider un quota de 10 000 fuligules à abattre pour la saison 2025-2026, équivalent au bilan de l’année précédente.

Rendu en un temps record le 13 août 2025, soit 3 semaines avant la publication le 4 septembre 2025 du décret inscrivant le Fuligule milouin sur la liste des espèces soumises à gestion adaptative, l’avis du CEGA a toutefois répété que l’arrêt de la chasse et l’amélioration des habitats naturels restaient les meilleures options pour restaurer les populations du canard plongeur, tout en reconnaissant qu’un quota zéro pourrait ne pas être retenu pour « des raisons politiques ». Résultat : le ministère a coupé la poire en deux en préparant un projet d’arrêté condamnant 5000 fuligules.

Cet arrêté est soumis à la consultation publique jusqu’au 23 septembre 2025. La LPO vous invite à aller y exprimer votre opposition à ce quota absurde, que notre association contestera dans les tribunaux s’il est adopté.

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