Sécheresses et canicules

Les effets sur la faune et la flore sauvages

Sécheresses et canicules

Les effets sur la faune et la flore sauvages

Le changement climatique se caractérise sous nos latitudes par une augmentation de la fréquence et de l’intensité des phénomènes météorologiques extrêmes comme les sécheresses et les canicules. Les sécheresses se caractérisent par un déficit prolongé des précipitations entraînant un manque d’eau dans les sols et les nappes phréatiques, ainsi qu’un déficit de débit des cours d’eau. Les canicules, quant à elles, correspondent à des épisodes de températures élevées, de jour comme de nuit, sur une période prolongée. Les sécheresses qualifient donc le manque d’eau alors que les canicules sont des périodes de températures élevées. Les deux phénomènes sont toutefois liés. Les températures élevées accentuent l’évaporation de l’eau, et donc la sécheresse des sols. En retour, la plus faible quantité de vapeur d’eau dans l’air favorise son échauffement.

Les épisodes de fortes chaleurs sont de plus en plus précoces, comme en mai et juin 2022, et peuvent désormais s’étendre plus tard dans la saison, en automne. Depuis 1900, la température moyenne en France s’est réchauffée de 1,7°C (Nouvelles normales pour qualifier le climat, Météo-France) et pourrait atteindre +4°C à l’horizon 2071-2100 par rapport à la période 1976-2005 (Le climat futur, Météo-France). Météo France vient d’ailleurs de réactualiser les températures moyennes annuelles, témoignant d’une France déjà plus chaude, avec des périodes de gel plus courtes et des sols plus secs.

La faune et la flore sauvages sont sous la pression des changements globaux(1) et l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des épisodes de sécheresses et de canicules sont un facteur aggravant.

Merle noir (Turdus merula) © Pixabay

Merle noir (Turdus merula) © Pixabay

La faune

Pendant une période de sécheresse ou de canicule, les animaux souffrent comme nous et peinent à trouver des lieux pour s’hydrater ou se rafraîchir. Quand les températures restent élevées pendant plusieurs jours consécutifs, y compris la nuit, le risque de mortalité augmente fortement. Toutes les espèces sont concernées, y compris celles qui vivent dans l’eau.

En effet, l’augmentation de la température de l’eau entraîne la mortalité des poissons d’eau douce et des mollusques. L’oxygène (O2) dissous dans l’eau diminue, le milieu devient eutrophe(2) : il est plus riche en éléments organiques, les algues pullulent et les bactéries anaérobies(3) prolifèrent provoquant l’appauvrissement, puis la mort de l’écosystème aquatique qui ne bénéficie plus de suffisamment d’oxygène.

Lorsque la mare s'assèche, l'eau chauffe plus vite et les algues vertes prolifèrent. Le milieu manque d'oxygène © Pixabay

Lorsque la mare s'assèche, l'eau chauffe plus vite et les algues vertes prolifèrent. Le milieu manque d'oxygène © Pixabay

Les oiseaux sont eux aussi particulièrement exposés aux conditions météorologiques. Certaines espèces des champs ne font pas de deuxième couvée si les conditions ne sont pas favorables. C’est par exemple le cas de l’alouette des champs, dont les effectifs sont en constante diminution (-25% en 18 ans) en raison des pratiques intensives agricoles (source : alouette des champs, vigie-nature). Un épisode de fortes chaleurs est une variable qui s’ajoute aux autres facteurs de disparition de l’espèce, une mauvaise météo réduisant la productivité des couvées.

Certaines infrastructures humaines, comme les routes ou les toitures, deviennent de véritables menaces mortelles pour la faune. Les jeunes oiseaux vivant sous les toitures sont particulièrement touchés comme les martinets noirs, dont les oisillons sortent du nid et tombent au sol pour échapper à la chaleur. Les chauves-souris comme les pipistrelles peuvent fuir les toitures devenues brûlantes, en plein jour. Chez les hirondelles, les adultes peuvent abandonner le nid et les jeunes si les conditions météorologiques deviennent extrêmes.

Sur les routes, le bitume peut monter à des températures telles qu’il provoque des brûlures graves chez les animaux obligés de traverser : hérisson d’Europe, amphibiens, reptiles... Les mammifères, qui sont pour la plupart nocturnes, se protègent cependant de la chaleur dans leurs terriers durant la journée.

Des phénomènes météorologiques extrêmes peuvent entraîner des mortalités importantes comme ces milliers d’oiseaux, déshydratés, qui tombaient morts d’épuisement en Inde et au Pakistan en mai 2022. Dans l’état du Gujarat, dans l’ouest de l’Inde, les vétérinaires et les soigneurs animaliers ont vu leur centre débordé, avec une hausse d’accueil de 10% d’oiseaux en détresse car les températures ont atteint 50°C.

 

Mouettes en vol lors d'une canicule © Pixabay

Mouettes en vol lors d'une canicule © Pixabay

Sous nos latitudes, les fortes chaleurs sont souvent suivies de phénomènes orageux, certes locaux, mais parfois violents. La grêle peut tuer des milliers d’oiseaux comme cela s’est vu à Vichy début juin 2022 (source : communiqué presse LPO- 8 juin 2022).  

Aménager son jardin, des solutions pour faire face à la canicule

En période de canicule mais aussi en cas de sécheresse, les animaux doivent pouvoir s’hydrater pour se refroidir alors que les points d’eau se font plus rares. Il est possible d’aider la faune sauvage en disposant un petit point d’eau dans votre jardin ou sur votre balcon (voir le geste : Je récupère l’eau et dispose des points d’eau pour la faune). Il est également conseillé de multiplier les petits biotopes, et de favoriser les arbres et arbustes indigènes qui sont de véritables climatiseurs naturels.

  • Planter des haies champêtres : elles fournissent de l’ombre et des cachettes fraîches pour les oiseaux et les petits mammifères. Le lapin de garenne, le hérisson d’Europe et les amphibiens peuvent s’y réfugier au niveau du sol, soit sous les feuilles soit dans des terriers.
  • Laisser des îlots d’herbes hautes : les herbes hautes permettent de maintenir un degré d’humidité suffisant au niveau du sol empêchant qu’il s’assèche et se fissure en cas de canicule. Les îlots d’herbes hautes sont utiles au cycle germinatif des plantes et aux insectes : papillons, criquets, sauterelles…
  • Installer des tas de bois : les bûches procurent des abris au cœur du tas de bois et au niveau du sol pour des petits animaux qui fuient la lumière et la chaleur : cloportes, forficules, coléoptères, amphibiens (salamandres, crapauds), limaces et escargots.
  • Installer des bacs à boue : en cas de sécheresse il est utile de mettre à disposition des bacs à boue entre avril et juin ou de créer une zone boueuse dans son jardin pour que les hirondelles puissent faire leur nid.
  • Créer une mare : la mare naturelle est un incontournable du jardin de nature et procure une zone fraîche où les animaux peuvent venir s’hydrater et/ou se baigner. Certains oiseaux, comme les martinets ou hirondelles, boivent uniquement en vol. La mare est donc un aménagement idéal pour qu'ils puissent s'hydrater. Une végétation riveraine aquatique fournie (iris, phragmites, herbes hautes) maintiendra d’autant plus la fraîcheur de la zone.
Au jardin, une bande d'herbes hautes et de fleurs sauvages permet de maintenir l'humidité du sol © Nicolas Macaire LPO

Au jardin, une bande d'herbes hautes et de fleurs sauvages permet de maintenir l'humidité du sol © Nicolas Macaire LPO

 

La flore

La flore est sensible aux épisodes de sécheresse prolongée et de canicule. Ces phénomènes, aujourd’hui plus fréquents, entraînent chez les plantes et les arbres un stress hydrique(4) qui se traduit de différentes façons. Les arbres perdent leurs feuilles, comme en automne, pour limiter la consommation d’eau. En effet, c’est par les feuilles qu’intervient le phénomène d’évapotranspiration lié à la photosynthèse. Lorsqu’il fait trop chaud et sec, l’arbre doit réduire sa consommation en eau. Les feuilles jaunissent et tombent, il s’agit d’une adaptation de l’arbre. Mais si les canicules se répètent trop souvent ou sont trop rapprochées, certains arbres risquent de s’épuiser et de ne pas survivre.

Feuille d'arbre jaunissant en raison de la sècheresse © Pixabay

Feuille d'arbre jaunissant en raison de la sècheresse © Pixabay

Les épisodes de canicule qui interviennent au printemps agissent également sur le cycle de floraison. Les plantes fleurissent et fanent plus tôt. Il peut y avoir un décalage entre le cycle de la plante et celui des insectes qui, pour certains, sont étroitement liés pour la pollinisation et/ou la reproduction (espèces symbiotiques(5)).

En moins de 10 ans, les botanistes constatent une modification des communautés végétales en raison du changement climatique. On observe déjà une migration de plantes vers le nord, où elles trouvent des milieux plus frais. Et cela devrait s’accentuer : selon certaines modélisations, le chêne vert, espèce emblématique du sud de la France, devrait pouvoir à terme s’installer un peu partout. Il pourrait ainsi recouvrir les trois quarts du pays en 2100 ! (source : Le réchauffement climatique modifie la flore de France - MNHN).

Toutes les espèces végétales ne réagissent pas de la même façon. Alors que certaines espèces méridionales progressent vers le nord, d’autres, alpines, grimpent en altitude. Ainsi une étude menée par l’université de Nancy (Lenoir et al. 2008 Science) a  observé la variation de l’altitude de 171 espèces forestières en montagne sur 100 ans. Résultat : les plantes ont « grimpé » de 66 mètres en moyenne pour suivre leurs températures optimales.

Apporter de l'eau à la végétation pour contrer le stress hydrique

Il est possible d’aider la flore sauvage du jardin à contrer les fortes chaleurs en lui fournissant de l’eau, modérément, en période sèche. L’eau doit être apportée le matin, lorsque la végétation se « réveille » et remet en route le processus de la photosynthèse qui utilise de l’eau.

  • Apporter de l’eau au pied des jeunes arbustes : à l’aide d’un arrosoir ou d’un tuyau d’arrosage, vous pouvez apporter de l’eau provenant d’une citerne d’eau de pluie, le matin.
  • Disposer un système d’arrosage goutte à goutte : économe en eau, ce système peut être disposé dans les massifs fleuris, les îlots d’herbes hautes, au pied d’une haie champêtre…
  • Pailler les jeunes plantations : le paillage consiste à recouvrir le sol au pied des jeunes plants avec de la paille, de l’herbe fauchée, des copeaux de bois… Le couvert végétal ainsi formé, appelé paillis, permet de préserver l’humidité du sol.
  • Disposer un système d’oyas : il s’agit d’un système écologique d’arrosage pour les massifs ou au pied des jeunes plantations. Des pots en céramique micro-poreuse libère de l’eau sur la durée. C’est le système de la bouteille renversée, dont le goulot est plongé dans la terre, dans les massifs ou les bacs.
Le paillage au pied des jeunes plants permet de préserver l'humidité dans le sol © Nicolas Macaire LPO

Le paillage au pied des jeunes plants permet de préserver l'humidité dans le sol © Nicolas Macaire LPO

La biodiversité et le climat sont étroitement liés. Les phénomènes d’adaptation sont complexes et variés en fonction des espèces. Certaines répondent rapidement aux phénomènes ponctuels de canicule, d’autres s’adaptent sur la durée. Mais chaque citoyen peut, à son échelle, agir pour préserver la faune et la flore qui l’entourent des vagues de chaleur et de la sécheresse par des petits gestes simples.

 

  1. Changements globaux : facteurs d’origine humaine qui affectent la biodiversité : surexploitation, destruction des habitats, pollutions, changement climatique.
  2. Eutrophe : milieu riche en éléments organiques, pauvre en oxygène. Ex : eaux dormantes.
  3. Anaérobie : organisme qui se développe en l’absence d’oxygène (O2). Ex : bactéries.
  4. Stress hydrique (ou stress osmotique ou stress abiotique ou pénurie d’eau). Etat d’une espèce végétale qui, placée dans un environnement, l’amène à libérer davantage d’eau que la quantité qu'elle absorbe.
  5. Symbiotique : association étroite, durable et obligatoire entre deux espèces à leur bénéfice mutuel (la mort d’un hôte entrainant la mort de l’autre).
dernière mise à jour : 6 février 2024