Les murs de pierres sèches constituent des petits biotopes très intéressants pour la faune et la flore. De petits animaux mettent à profit les interstices pour se cacher et certaines plantes y fixent leurs racines. Des espèces spécifiques ont su s’adapter aux conditions de vie parfois difficiles de ce milieu vertical soumis à la chaleur, à la sécheresse ou à l’humidité excessive. Voici un petit tour d’horizon des plantes et des animaux qui vivent sur les vieux murs.

Giroflées et polypodes sur un vieux mur © Gilles Bentz

Giroflées et polypodes sur un vieux mur © Gilles Bentz

Les murs, remparts, enceintes fortifiées et murailles médiévales sont les témoins de périodes passées troublées. Ces vestiges sont nombreux en France et servent d’habitats rupestres à différentes espèces « des rochers », y compris en plaine. Mais intéressons-nous avant tout aux conditions écologiques des murs. Les murs sont souvent exposés à des conditions extrêmes de température, de vent ou de sécheresse et on peut parler d’un micro-climat spécifique pour cet habitat. L’été, les pans des murs exposés en plein soleil peuvent atteindre 65°C alors qu’en hiver, le gel et l’eau s’insèrent dans les interstices. Il y a ainsi de fortes variations d’amplitude thermique journalière et annuelle. Le ruissellement de l’eau de pluie et le manque de substrat rendent difficile la fixation des plantes. Certains pans de murs ne voient jamais le soleil et sont toujours plongés dans l’ombre et l’humidité, d’autres, en hauteur, sont toujours exposés au vent. Des plantes et des animaux sauvages ont malgré tout su braver ces conditions extrêmes.

Plantes des vieux murs : la flore rupestre

La flore sauvage et indigène des vieux murs est particulièrement intéressante et souvent bien spécifique au support sur lequel elle pousse. Il s’agit d’espèces normalement inféodées aux rochers ou aux parois rocheuses désignées comme flore rupestre (du latin rupes : roche). Les plantes et organismes végétaux vivant sur les rochers sont dits saxicoles alors que ceux poussant sur les murs sont dits muricoles.

C’est la nature des pierres, des matériaux souvent trouvés sur place, qui détermine le peuplement végétal du mur. De manière générale, on trouve davantage de plantes sur les pierres calcaires, basiques, comme le tuffeau, que sur les roches granitiques ou basaltiques de nature acide.

Nombril de Vénus et mousses colonisant un vieux mur © Nicolas Macaire / LPO

Nombril de Vénus et mousses colonisant un vieux mur © Nicolas Macaire / LPO

La colonisation d’un mur par les plantes se fait petit à petit, et ce sont d’abord des organismes pionniers et primaires qui vont s’y implanter : lichens, algues, bactéries, comme c’est le cas sur les îles volcaniques fraîchement émergées de la mer.

Les lichens jaune-orange vif du genre Xanthoria sont des lichens encroûtant caractéristiques des murs, dont la Parmélie des murailles Xanthoria parietina est l’espèce la plus répandue dans le monde (l’espèce est dite cosmopolite). Plus tard viendront des mousses comme la Barbule des murs Tortura muralis et la Tortule inclinée Tortella inclinata.

Sedum blanc et Cétérach officinal sur vieux mur © Jean Terrisse

Sedum blanc et Cétérach officinal sur vieux mur © Jean Terrisse

Les vieux murs abritent des fougères dont les feuilles restent vertes en hiver : la Rue des Murailles Asplenium ruta-muraria, le Polypode commun Polypodium vulgare, le Cétérach officinal Asplenium ceterach, le Capillaire rouge ou Capillaire des murailles Asplenium trichomanes sont autant de noms évocateurs. C’est sur les murs humides et particulièrement ombragés comme à l’intérieur des puits, que pousse la fougère Scolopendre Asplenium scolopendrium aux belles feuilles brillantes en forme de langue d’où son nom de « langue de cerf ».

Laitue des murailles (Lactuca muralis) / Billeder Af Nordens Flora

Laitue des murailles (Lactuca muralis) / Billeder Af Nordens Flora

Les plantes à fleurs ne sont pas en reste et de magnifiques espèces colonisent les murs comme la Linaire cymbalaire également appelée Ruine de Rome Cymbalaria muralis, dont les petites fleurs violettes et jaunes sont parmi les plus jolies de France. La linaire se trouve habituellement bien exposée au soleil. Au pied du mur on trouve la Centranthe rouge Centranthus ruber, également appelée Valériane rouge, une grande fleur de 30 à 130 cm qui vit en colonie, exposée au soleil (l’espèce est dite héliophile = de plein soleil). Campée sur le vieux mur, la Laitue des murailles (ou Laitue des murs) Lactuca muralis, arbore des feuilles en forme de harpons barbares ou de haches.

Centranthe rouge et Myrtil butinant © Nicolas Macaire / LPO

Centranthe rouge et Myrtil butinant © Nicolas Macaire / LPO

Les crassulacées, plantes aux feuilles charnues semblables à des succulentes, ont développé une stratégie pour stocker de l’eau dans leurs feuilles. L’Orpin blanc Sedum album, l’Orpin âcre Sedum acre ou encore la Joubarbe des toits Sempervirum tectorum sont les espèces les plus courantes. Le nom latin Sempervirum signifie « celle qui ne meurt jamais » en raison des feuilles qui restent regroupées en forme de petits artichauts toute l’année. On ne saurait oublier également le Nombril-de-Vénus ou Ombilic des rochers Umbilicus rupestris nommé ainsi en raison des feuilles rondes possédant une dépression en forme de nombril au centre du limbe.

Les plantes, les mousses, les lichens… se sont ainsi adaptés à la vie sur les murs. De son côté, la petite faune sauvage profite des anfractuosités pour se cacher ou se reproduire et c’est également à tous les niveaux que les animaux se sont installés.

Faune des vieux murs

Au pied du mur, au niveau du sol, les petits trous ombragés et humides serviront d’abris aux amphibiens (rainettes, crapaud commun, grenouilles) et les mulots, campagnols, musaraignes et souris pourront creuser des galeries sous les pierres.

Les invertébrés sont présents à tous les étages. D’abord les tous petits acariens entièrement rouges, nommés à tort « araignées rouges », de la famille des Trombidiidae, qui aiment courir dans tous les sens sur les murs chauds. Ils sont des acteurs majeurs de la chaîne alimentaire, étant nécrophages, détritivores, herbivores ou prédateurs de la micro-faune.

Les araignées sauteuses ou saltiques (famille Salticidés) sont des araignées de 2 à 15 mm selon les espèces. Elles sautent pour se déplacer ainsi que pour capturer leurs proies. Ces araignées sont très curieuses : si vous les approchez doucement, la curiosité les pousse non pas à fuir, mais à s'approcher pour vous observer ! Vous pouvez rencontrer plusieurs espèces sur les vieux murs lors des journées ensoleillées.

Araignée saltique (Salticidé) sur un vieux mur © Nicolas Macaire / LPO

Araignée saltique (Salticidé) sur un vieux mur © Nicolas Macaire / LPO

Ces chasseuses se caractérisent par des pattes généralement courtes et fortes, les antérieures parfois renflées. Elles sont aussi très colorées, ce qui les rend particulièrement intéressantes à observer à la loupe (grossissement 10 X).

Chez les insectes, vous ne passerez pas à côté des colonies de gendarmes ou Pyrocorrhes Pyrrhocoris apterus, appelés aussi "diables" ou "cherche-midi", en raison de leur attirance pour le soleil au zénith. Et bien sûr, les fourmis noires courent à la belle saison à la recherche de nourriture pour la colonie.

Parmi les reptiles, le lézard des murailles remporte sûrement la palme de l’espèce omniprésente sur les murs et murets, mais c’est peut-être oublier que la couleuvre verte et jaune peut hiberner entre les grosses pierres des remparts et des citadelles. En été, les interstices des vieux murs seront des abris diurnes pour les petites chauves-souris du genre Pipistrellus qui recherchent la chaleur.

Le lézard des murailles (Podarcis muralis) est un hôte commun des vieux murs © Nicolas Macaire / LPO

Le lézard des murailles (Podarcis muralis) est un hôte commun des vieux murs © Nicolas Macaire / LPO

Les oiseaux cavicoles sauront trouver les niches où installer leurs nids : Rougequeue noir, bergeronnettes et Mésanges charbonnières ou bleues. Le Faucon crécerelle s’installe quant à lui sur les corniches en surplomb des forteresses, celles-ci lui rappellent ses falaises d’origine. Le Faucon pèlerin fait de certains monuments remarquables son territoire de chasse, comme les alentours de la cathédrale d’Albi, alors que les colonies de Choucas des tours animent de leurs cris « kiak » le bâti médiéval en volant en groupe. N’oublions pas non plus l’Hirondelle de rocher qui investit quelques grands monuments dans la partie sud de la France.

Rougequeue noir (Phoenicurus ochruros) / Pixabay

Rougequeue noir (Phoenicurus ochruros) / Pixabay

Bien d’autres animaux occupent les vieux murs selon la localité géographique et leurs situations. Avec un peu de curiosité, vos découvertes seront nombreuses.

Conclusion

En dépit du milieu hostile et minéral que constituent les vieilles pierres et leur verticalité, les murs, murets et murailles abritent une faune et une flore insoupçonnées et passionnantes à étudier. Chaque espèce s’est adaptée à ces conditions extrêmes, profitant de l’absence de compétiteurs et de la place disponible pour se reproduire, s’alimenter. Ces espèces sont en général fragiles car elles dépendent de ce milieu très particulier. Si vous avez la chance d’avoir un mur de vieilles pierres chez vous, préservez-le précieusement : chaque pierre, chaque anfractuosité abrite un monde… N’oubliez pas votre carnet de terrain, un crayon, une loupe et vos jumelles pour scruter les murailles !

Savoir plus

  • Le guide Refuges LPO – LPO France (2022) « Accueillir la biodiversité dans les bâtiments historiques ».
  • Journal La Hulotte n°58 (1987) – Les plantes des vieux murs.
dernière mise à jour : 17 mai 2024