Noms communs en Europe :
- Français : Faucon crécerellette
- Espagnol : Cernicalo primilla
- Portugais : Peneirero das torres
- Italien : Falco grillaio
- Anglais : Lesser Kestrel
- Allemand : Rötelfalke
Description de l'espèce
Taille
Le Faucon crécerellette est un petit rapace rare, dont la taille est légèrement inférieure à celle du Faucon crécerelle Falco tinnunculus. Son envergure atteint 58 à 72 cm. La longueur du corps est de 29 à 32 cm. Le mâle et la femelle pèsent respectivement, 140 et 160 grammes en moyenne
Silhouette
En vol, sa silhouette élancée aux ailes fines lui donne une allure souple et gracieuse. En chasse, il pratique souvent le vol stationnaire dit en « Saint-Esprit ».
Plumage
Il existe un dimorphisme sexuel marqué : le mâle possède des grandes couvertures grises, un manteau roux sans taches et des rectrices grises terminées par une barre noire, tandis que la femelle présente un plumage entièrement brun, tacheté et barré.
Le plumage des jeunes est très semblable à celui de la femelle adulte. Cependant au cours de leurs premières semaines, en juillet et août, les jeunes se reconnaissent à l’apparence plus neuve de leur plumage et aussi à leurs ailes plus courtes et légèrement plus arrondies.
Les juvéniles acquiert leur plumage d’adulte à l'âge d’environ 16 mois, au terme de la première mue qui s'étale de janvier à septembre. Durant cette période, les individus mâles présentent un plumage intermédiaire qui se caractérise principalement par le remplacement progressif de l’ensemble du plumage, grandes couvertures alaires et des rectrices. Certains mâles possèdent encore à l’âge de 2 ans des traces du plumage juvénile au niveau des tertiaires.
La mue annuelle des adultes se déroule généralement après la nidification à la mi-juillet. Les individus qui échouent leur reproduction muent prématurément à partir du mois de juin.
Par ailleurs, les femelles âgées présentent souvent des teintes plus grises au niveau de la tête et des rectrices.
Voix
C’est un faucon relativement silencieux, sauf pendant la période de reproduction où il émet diverses manifestations vocales. La plus connue étant une série répétée de sons clairs, qu’il émet au moment des parades en vol mais aussi en cas d’alarme. Il dispose également de différents cris de contact (Tous les oiseaux d’Europe, J-C Roche, CD 1/plage 90).
Confusion
Sur le terrain, le Faucon crécerellette peut aisément être confondu avec le Faucon crécerelle car il pratique aussi le vol en "saint esprit", mais outre son plumage, sa taille plus svelte, sa voix très différente "tchii tchii tchii" et son comportement grégaire sont les critères qui permettent souvent son identification. De prés, les ongles blanchâtres sont caractéristiques du Faucon crécerellette.
En vol, le mâle adulte du faucon crécerellette se distingue assez aisément grâce à ses parties inférieures plus claires, plus blanchâtres. Posé, le dos roux sans tâches permet facilement de le distinguer du mâle adulte du faucon crécerelle. Parfois, la silhouette plus trapue en vol permet l’identification du faucon crécerelle, mais souvent cette identification reste délicate.
Par contre, il existe peu de risques de confusion avec les autres espèces de faucons du fait de la taille ou de coloris très différents.
Distribution du Faucon crécerellette Falco naumanni
Répartition mondiale
L'aire de répartition du Faucon crécerellette s'étend à travers la zone méditerranéenne de l'Afrique du Nord et de l'Europe du sud et du sud-est (Maroc, Algérie, Tunisie, Portugal, Espagne, sud de la France, Italie, Grèce, Bulgarie, Macédoine, Roumanie, Ukraine,…) ; puis, elle se prolonge vers l'est, à travers certains pays du Proche et du Moyen-Orient (Turquie, Palestine, Syrie, Arménie, Iran, région Caucasienne, Turkménistan) et au sud de la Russie, à travers le Kazakhstan et la Mongolie jusqu'au lac Baïkal. Un noyau plus isolé est présent dans le Nord-Est de la Chine (Cramp et al., 1998).
En hiver, l'espèce est notée en petit nombre dans le sud de l'Espagne et au Maroc, mais la plupart des individus se rendent en Afrique, à partir de la zone sahélienne jusqu'à l'extrémité sud de l'Afrique, ainsi qu'en Arabie ; l'espèce hiverne aussi irrégulièrement dans le sud de l'Asie. La zone d'hivernage de la population d'Europe occidentale se situe en Afrique de l’ouest.
Répartition du Faucon crécerellette dans le monde (D’après www.iucnredlist.org, 2008)
Répartition française
La population Française est située en limite nord de l'aire de répartition de l'espèce. Le Faucon crécerellette habite le pourtour méditerranéen, la présence de colonies a été autrefois notée dans la plupart des départements (Aude, Gard, Bouches-du-Rhône, Vaucluse, Var). Mais, actuellement, l'espèce ne niche plus que dans la plaine de la Crau, dans les Bouches-du-Rhône et dans l’Hérault. Depuis 2006, une opération de réintroduction vise la formation d’une nouvelle colonie dans le massif de la Clape du département de l’Aude. En 2014, un couple a été trouvé nicheur dans un village du département du Gard.
En période de nidification, des groupes comptants entre 1 et 20 individus sont régulièrement observés dans des secteurs apparemment favorables à la nidification des départements du Var, des Bouches-du-Rhône et de l’Hérault. Ces groupes composés d’une majorité d’individus sub-adultes d’origine ibérique stationnent, sans s’y reproduire jusqu’à présent.
Effectifs du Faucon crécerellette Falco naumanni
Statut au niveau mondial
Les effectifs de la population mondiale du Faucon crécerellette ont diminué rapidement et de façon importante à travers toute son aire de distribution (Tucker & Heath, 1994). Par exemple, les effectifs de la population espagnole, compris entre 20 000 et 50 000 couples en 1980, étaient estimés entre 4 300 et 5 100 couples en 1990 (Gonzales et al., 1990).
Statut au niveau européen
En 2004, Birdlife International estime la population européenne entre 25 000 et 42 000 couples nicheurs et la tendance d’évolution est considérée comme en « léger déclin » pour la période 1990-2000. Les principales populations sont : 12 000 à 20 000 couples en Espagne (2002), 2 000 à 3 500 couples en Grèce (2000), 3 700 couples en Italie (2001), 5 000 à 7 000 couples en Turquie (2001), 1 500 à 3 000 couples en Macédoine (2002). En Europe, les effectifs de certains pays (France, Portugal, Italie, Russie) sont en augmentation, d’autres sont considérés comme stables (Espagne, Grèce, Moldavie, Azerbaîjan) et d’autres en diminution (Turquie, Ukraine, Bulgarie, Géorgie, Croatie, Macédoine, Serbie, Ukraine).
En Espagne, l’effectif global est considéré comme stable entre 1990 et 2000 par Birdlife International (2004), cependant certaines populations du nord de l’Espagne montrent une tendance à l’accroissement telles que les populations de la vallée de l’Ebre et de Catalogne.
Statut au niveau national
Statut actuel
En 2020, la population française totalise 565 couples nicheurs répartis dans 3 sites des régions Occitanie et Provence-Alpes-Côtes d’Azur : plaine de Crau (230 couples), centre de l'Hérault (254 couples) et plaine audoise (81 couples).
Statut historique
La première mention de l'espèce en France est de Millet-Horsin (1918) qui le décrit comme nicheur dans les ruines romaines de la région de Fréjus (Var). La redécouverte relativement récente de l'espèce en France (Rivoire & Hue, 1947; 1950) ne permet pas de préciser l'évolution ancienne de ses effectifs. Pour la période postérieure à 1945, Cheylan (1991) a résumé cette évolution comme suit :
- Dans les années 1947-1965, il nichait dans le Vaucluse, le Gard, les Bouches-du-Rhône et dans l'Aude, avec un effectif estimé à 70-150 couples ;
- Dix années plus tard (1970-1977), l'effectif français était réduit à 40-50 couples, avec une nidification exceptionnelle en Corse et la disparition des colonies nombreuses du nord de l'étang de Berre (Bouches-du-Rhône). Bien que connue depuis le début des années 1960 (Hoffmann, 1959 ; Blondel, 1964), la population de la Crau n'a pas été contrôlée au cours de la première enquête nationale et n'apparaissait pas sur la carte publiée dans l'atlas de Yeatman (1976), qui donnait comme seuls sites de nidification Alès et Roquemaure dans le Gard, les Alpilles et l'ouest du Lubéron.
- En 1978-1981, la répartition de l'espèce est inchangée, mais ses effectifs chutent à 15-20 couples;
- Au cours des années 1982-1992, le Faucon crécerellette disparaît des sites du Vaucluse, puis du Gard, et se maintient entre 2 et 4 couples dans les Alpilles jusqu’en 1993.
Paradoxalement, l'évolution de l'espèce en Crau est inverse de celle observée sur les autres sites de nidification. En effet, avant 1980, les chiffres cités pour la Crau n'ont jamais excédé 5 couples nicheurs (Hoffman, 1959 ; Blondel, 1964 ; Port, 1962), puis, à partir de 1983, le nombre de couples nicheurs augmente, Brun et al. (1999) ont décrit l'augmentation de cette population et les principales causes de cette évolution comme suit :
- La population de Faucon crécerellette en Crau redécouverte en 1983 avec 2 couples nicheurs, va augmenter, en particulier sur une bergerie partiellement en ruine. Cette bergerie constitue entre 1984 et 1986 l'unique site de nidification jusqu'à sa colonisation par les Choucas.
- Puis en parallèle à la colonisation croissante de cette bergerie par les Choucas, le nombre de Crécerellettes diminue dès 1988 et les couples se dispersent sur d'autres bergeries. En 1992, la découverte de colonies en tas de pierres porte d'un coup à 19 couples la taille de la population (16 couples dans 7 tas de pierres et 3 couples sur 2 bergeries).
- Après 1992, la population continue d'augmenter de 16 à 26 % par an pour atteindre 42 couples en 1996, puis 48 couples en 1997.
- En 1999, on observe une baisse des effectifs avec un total de 39 couples reproducteurs puis, en 2000, on observe une augmentation spectaculaire, avec 60 couples nicheurs.
- En 2015, on dénombre 166 couples nicheurs en Crau.
La colonie héraultaise est découverte en 2002. Cette colonie se développe rapidement, avec 11 couples en 2002, 64 couples en 2008, 148 couples en 2013 et 171 couples en 2015 (Ravayrol & Buhot, 2002 ; Saulnier, 2008).
Par ailleurs, on note la tentative de colonisation d’un nouveau site, en 2003 et 2004, dans la basse plaine de l’Aude (commune de Fleury d’Aude) avec l’installation de 1 puis de 2 couples nicheurs mais qui ne sont pas réobservés en 2005 (Rousseau et al., 2004). Dans l’Aude, l’opération de réintroduction qui démarre sur le même site à partir de 2006 permet l’installation d’un premier couple en 2007, de 5 couples en 2008, 25 couples en 2014 et 2015. Cette population réintroduite atteint 81 couples nicheurs en 2020 (Lelong, 2009 ; Bonot, 2014 ; Bourgeois, 2020).
En 2007, on note également l’installation spontanée mais sans suite, d’un couple sur le plateau de l’Arbois (commune de Vitrolle) (Vincent-Martin et Marmasse, comm. pers.).
En 2014 et 2015, un couple pionnier s'installe dans le Gard mais il n'est pas réobservé à partir de 2016.
En 2020, l’effectif de la population française est de 565 couples.
Statuts du Faucon crécerellette Falco naumanni
Statut légal
Le Faucon crécerellette, comme toutes les espèces de rapaces, est protégé en France selon la loi du 10 juillet 1976 (arrêté d'application du 17 avril 1981).
Il fait aussi partie de la liste des espèces de vertébrés protégées menacées d'extinction en France et dont l'aire de répartition excède le territoire d'un département (arrêté d'application du 9 juillet 1999).
Il est inscrit en Annexe I de la Directive "oiseaux" 79/409 CEE du Conseil relative à la conservation des oiseaux sauvages et fait donc partie des espèces devant faire l'objet de mesures spéciales de conservation.
Il est inscrit en Annexe II de la convention de Berne (19 sept. 1979) dont les objectifs sont d'instituer une protection minimale de la grande majorité des espèces sauvages végétales et animales et de leurs habitats en Europe, d'assurer une protection stricte pour les espèces et les habitats menacés, en particulier les espèces migratrices, et de renforcer la coopération des parties contractantes dans le domaine de la conservation de la nature.
Il est inscrit en Annexe II de la convention de Bonn (23 juin 1979) qui regroupe les espèces migratrices se trouvant dans un état de conservation défavorable et nécessitant l’adoption de mesures de conservation et de gestion appropriées. A ce titre, l’espèce bénéficie de la mise en œuvre d’un Plan d’actions international.
Le commerce de l’espèce est strictement interdit dans l’Union Européenne (Annexe C1 du Règlement CEE / CITES ) ; il est strictement réglementé à l’échelle mondiale (Annexe II de la convention de Washington).
Statut de conservation
L'espèce est inscrite à la Liste Rouge de la faune menacée de France dans la catégorie "Vulnérable". Elle est aussi classée dans la catégorie "CMAP 1" qui regroupe les espèces présentes en France et menacées à l’échelon mondial dont la Conservation Mérite une Attention Particulière (ROCAMORA et YEATMAN-BERTHELOT, 1999).
A l'échelle européenne, d'après les critères définis par BirdLife International (TUCKER et HEATH, 1994), le Faucon crécerellette est classé en "SPEC 3" c'est à dire dans la catégorie des espèces dont les populations ne sont pas concentrées en Europe, mais dont le statut de conservation y est défavorable.
A ce titre, elle fait partie des 45 espèces considérées comme nicheuses rares et menacées, qui font l'objet de suivis quantitatifs annuels (SERIOT, TROTIGNON et al., 1996; SERIOT et al., 1997), programme initié par le service Direction de la Nature et des Paysages du Ministère de l'Environnement.
Elle est également classée par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) dans la catégorie "Préoccupation mineure" de la Liste Rouge mondiale depuis 2011.
Biologie et écologie
La reproduction du Faucon crécerellette
La reproduction chez le faucon crécerellette comprend quatre phases caractérisées par des comportements et des besoins alimentaires particuliers.
Ces quatre phases sont décrites ci-dessous:
1ère phase : l’installation
En France, les Faucons crécerellettes sont présents sur une période de 7 mois. Ils arrivent dès le début du mois de mars et nous quittent au début du mois d'octobre. Au cours de cette période, les colonies de reproduction sont occupées de début mars à la fin du mois de juillet.
Les adultes visitent dès leur arrivée les sites de reproduction et les premiers couples se forment à partir du 7 mars. La période de formation des couples s'achève à la fin du mois de mai. A son arrivée, le mâle choisit une cavité de nidification où il parade. Au passage d'une femelle, il effectue un vol caractéristique accompagné de cris afin de l'attirer sur le site de nidification. Si celle-ci, après visite de la cavité de nidification, accepte la copulation, le couple est alors uni pour la saison de reproduction.
En plaine de Crau, les colonies sont établies dans des tas de pierres, et rassemblent de 1 à 50 couples. On compte, actuellement, 10 colonies régulièrement occupées. Depuis l’année 2000, grâce à la pose de nichoirs, une partie des couples de faucon crécerellette niche également sur les bergeries.
Dans le village héraultais, les couples sont installés sous les toitures des maisons. Sept couples ont même élu domicile sur la mairie du village !
2nde phase : la ponte
Quelques jours avant la ponte, la femelle se cantonne sur la colonie durant plus de 90 % de son temps et le mâle assure son ravitaillement journalier.
Les pontes sont déposées courant mai. Elles contiennent de 1 à 5 œufs, la moyenne observée est de 4,29 en plaine de Crau.
Photo : Gérard Schmitt
3ème phase : l'incubation
L'incubation dure environ 28 jours.
Elle est assurée par les deux partenaires avec une prédominance de la femelle au début et en fin d'incubation.
Au milieu de l'incubation, les deux partenaires se répartissent équitablement les temps d'incubation et se relaient en moyenne toutes les deux heures et demie.
Photo : P. Pilard
4ème phase : l'élevage des jeunes
Les éclosions s'échelonnent entre la fin du mois de mai et la fin du mois de juin.
Pendant la première semaine, la femelle quitte peu le nid : elle assure la fin de l'incubation et les soins aux jeunes poussins; le mâle apportant au nid la totalité des proies. Puis, au début de la deuxième semaine, les parents se relaient pour la surveillance des poussins et les apports de proies. Au cours de la troisième semaine, les poussins restent sans surveillance tandis que les parents chassent. Pour certains nids, on a observé une désertion totale de la femelle durant les deux dernières semaines du nourrissage.
Les poussins sont exclusivement nourris à l'intérieur du nid pendant les 3 premières semaines; puis ceux-ci commencent à sortir prudemment. Aux alentours du 35ème jour, les jeunes deviennent progressivement indépendants et sont de moins en moins présents sur la colonie. Dans une même nichée, les envols peuvent se répartir sur une dizaine de jours.
A partir de la fin juillet, les colonies sont désertées. Les reprises de bagues montrent que les jeunes quittent rapidement la plaine de la Crau après leur envol malgré les disponibilités alimentaires encore très importantes.
Photo : Gérard Schmitt
Les sites de nidification
Généralités
Le Faucon crécerellette est une espèce coloniale et cavernicole. Ces caractéristiques déterminent la nature des sites de nidification occupés. En effet, ces sites doivent présenter de nombreuses cavités et être peu accessibles aux prédateurs. Une grande diversité de sites de nidification peuvent être utilisés, tels des constructions humaines (toiture des habitations, murets, bâtiments agricoles…), des falaises rocheuses ou limoneuses, et plus rarement, des tas de pierres ou des trous d’arbres. L’espèce adopte aussi assez facilement les nichoirs posés à son intention.
La grande majorité des colonies d’Europe de l’ouest occupent des constructions humaines. Par exemple, en Andalousie, (Serrano & Delgado, 2004) indiquent que 91 % des couples nicheurs nidifient sur des constructions (villes, villages, bâtiments agricoles, ruines…) et seuls 9 % des couples utilisent des sites naturels (falaises, carrières).
France
Entre 1950 et 1980, la majorité des sites français de nidification était établie dans des falaises comme au Mont-du-Bouquet dans le Gard, dans le massif de la Clape dans l’Aude, dans le Lubéron dans le Vaucluse à Barbentane, Santa Fé, Calissane et Boulbon dans les Bouches-du-Rhône. Mais, quelques bâtiments ont aussi été utilisés comme, par exemple, l'abbaye de Montmajour (13), les remparts de la ville d’Aigues-mortes (30), les bergeries de la plaine de Crau (13), les ruines du Pébre en Camargue (13). Depuis 1980, en France, plus aucun couple ne nidifie dans les falaises. La colonisation des sites de nidification en falaises s’est produite à une époque où les conditions d’hivernage étaient bonnes. Ce type de nidification a probablement été favorisé par la lutte intensive contre les nuisibles qui, d’une part, a diminuée les densités de prédateurs dans les sites naturels (Hibou grand-duc, Fouine…) et d’autre part, a empêché l’occupation des bâtiments et des sites urbains par les faucons. Puis, le rapide déclin de ces colonies coïncide avec la période de sécheresse observée dans les quartiers d’hivernage entre 1960 et 1990 et la diminution de la lutte contre les nuisibles. Il est probable que les paramètres reproducteurs aient été insuffisants pour contrebalancer la diminution de la survie consécutive à la dégradation des conditions d’hivernage.
En plaine de Crau, les colonies sont établies dans des tas de pierres ou sur des bâtiments aménagés en sites de nidification. C’est un cas exceptionnel puisqu’un seul autre cas similaire est relaté en Espagne. On compte, actuellement, 10 colonies principales régulièrement occupées dont 3 en tas de pierres et 7 sur des constructions humaines (bergerie, plates-formes). Les cavités utilisées peuvent être des cavités naturelles ou des nichoirs. Les principales colonies comptent entre 10 et 50 couples nicheurs.
Dans l’Hérault, la population nidifie sur les constructions humaines au sein des villages. Les couples nicheurs s’installent dans l’espace étroit situé entre les tuiles romaines et les voliges. Dans cet espace, l’ancienneté des toitures a permis l’accumulation de substrat qui permet aux faucons de déposer leur ponte. Les cavités disponibles apparaissent donc comme nombreuses dans les centres des villages qui présentent des toitures anciennes dont les tuiles rondes du débord n’ont pas été bouchées au ciment. La présence de gouttières facilite l’accès des faucons aux cavités de nidification car leurs entrées sont situées au dessus de celles-ci, sous la première rangée de tuiles.
Dans l’Aude, deux types de sites ont été aménagés pour capter la population réintroduite: des nichoirs sont installés à l’intérieur d’un ancien grangeot agricole et des nichoirs en bois ont été posés sur les poteaux électriques. Ces deux types de nichoirs ont été utilisés dès 2008 par la population réintroduite.
En Espagne, la comparaison de deux types de nidification, la nidification urbaine en Andalousie et la nidification en milieu rural en Aragon montre qu’il existe généralement un taux de prédation plus élevé dans les colonies rurales mais, par contre, un succès reproducteur plus faible en colonie urbaine dû à des apports de proies aux poussins moins fréquents (Tella et al.,1996).
De façon exceptionnelle, la reproduction a été notée dans des arbres. A Matera dans le sud de l’Italie, du fait de l’importance de la population et du manque de disponibilités en cavités, certains couples adoptent les boîtes électriques restées entrouvertes ou encore les bouches d’égouts. En Grèce, des cas de nidification ont été signalés dans des tonneaux abandonnés.
Le régime alimentaire
Généralités
Le régime alimentaire de l'espèce comporte une grande majorité d'invertébrés, mais aussi, des micromammifères, des lézards et parfois des oiseaux. Localement, ces vertébrés peuvent représenter une partie importante du régime alimentaire (Cramp & Simmons, 1980).
Le régime alimentaire varie en fonctions des sites mais aussi des années en relation avec les quantités de proies disponibles. Il varie également en fonction de la phase de la reproduction (Franco & Andrada,1977).
En Espagne, Franco et Andrada (1977) ont déterminé 23 960 proies à partir de l'analyse des pelotes de réjection. Ils ont trouvé 94 % d'invertébrés et 6 % de vertébrés. Les ordres les mieux représentés étaient ceux des Orthoptères et des Coléoptères avec respectivement 60 % et 22 % des proies. Les familles les mieux représentées étaient les Criquets (26.4 %), les Sauterelles (18.4 %), les Fourmis (9 %), les Bousiers (7.9 %) et les Courtilières (7.7 %).
France
Etude d’un cas / Le régime alimentaire de la population de la plaine de Crau
En plaine de Crau, Pilard & Lepley (2000) ont déterminé 5 604 proies à partir de 279 pelotes récoltées sur les colonies de la plaine de Crau. Les résultats sont indiqués dans le tableau suivant en fonction des quatre phases de la reproduction.
On note que pendant les phases de ponte et d'incubation, deux proies, la Courtilière et le Scolopendre, représentent plus de 70 % de la biomasse consommée par les adultes, alors que, pendant la période d’élevage, on observe une part prépondérante (68 %) des Criquets et des Sauterelles. En effet, la fréquence des proies dans le régime alimentaire varie en fonction de leurs disponibilités dans les milieux et selon les saisons. Ainsi, les imagos de Courtilières et de Scolopendres sont, du fait de leur cycle pluriannuel, disponibles dès le début du printemps ; à l'inverse, les pics d'abondance des imagos de Criquets de la plaine de la Crau sèche, se situent aux mois de juillet, août et septembre.
Les apports de proies sont effectués durant la phase de ponte et la phase d’élevage. Lepley et al. (2000) constatent que le Faucon crécerellette sélectionne les proies de grande taille pour les apports au nid.
En période de ponte, soit de la fin avril à début mai, le mâle nourrit sa femelle sur le site de nidification afin de lui permettre d’atteindre une condition corporelle suffisante pour réaliser la ponte. Pilard (inédit) a observé sur 139 apports de proies : 69 % de Courtilières, 22 % de Scolopendre, 4 % de Lézards, 2 % de Micromammifères, 1 % d'Araignées, 1 % de Coléoptères, 1% de Lombrics. La Courtilière et la Scolopendre représentent plus de 90 % des proies apportées au nid. Choisy et al. (1999) constatent aussi la prépondérance (68 %) des Courtilières dans le régime alimentaire des Faucons crécerellettes en Crau au cours de la période prénuptiale.
En période d’élevage, soit en juin et juillet, les apports de proies aux poussins sont effectués par les deux parents. Sur un total de 2 527 proies, nous avons observé les apports de 43 % de Criquets et de Sauterelles, 34 % de Scolopendres, 9 % de Courtilières, 7.5 % de chenilles de Sphinx, 5.5 % d'araignées, 1 % de micromammifères (Pilard, inédit).
Pour les apports au nid, le spectre des proies est plus réduit, on remarque, par exemple, la quasi absence des Coléoptères. Les principales proies sélectionnées sont pendant la phase d’élevage: les Criquets, les Sauterelles (Dectique à front blanc) et les Scolopendres. A noter que seuls les mâles capturent des micromammifères et des lézards, les femelles pourtant de taille identique ne le font pas.
Les habitats d’alimentation
Généralités
Le Faucon crécerellette préfère les sites à végétation rase avec des parties de sol nu où il trouve facilement ses proies, il utilise les habitats de type steppe, les terres cultivées de façon non intensive et, occasionnellement, les zones buissonnantes (garrigues) et les forêts peu denses (Biber, 1996). Il exploite les milieux à forte densités de proies et a un comportement de chasse très grégaire (Cramp & Simmons, 1980).
Cette description prévaut pour l’ensemble des habitats utilisés par l’espèce au cours de son cycle biologique :
En nidification, les habitats d’alimentation de la plaine de Crau et de l’Hérault sont des milieux cultivés (vignes, rizières, friches) ou des formations naturelles, telles que des pelouses (steppes), des garrigues basses, des prairies humides pâturées.
En période post-nuptiale, les milieux agricoles (chaumes de céréales, prairies pâturées…) sont également sélectionnés.
En hivernage, l’espèce fréquente principalement les savanes ouvertes, localement riche en orthoptères. Le facteur déterminant semble être la présence de proies abondantes et tout particulièrement d’orthoptères.
France
En France, les colonies audoise et héraultaise présentent des similitudes importantes concernant les habitats utilisés puisqu’elles sont situées toutes deux dans des paysages très marqués par la viticulture ; on y trouve des vignes, des friches viticoles et des zones de garrigues basses. Par contre, en plaine de Crau, les habitats utilisés par l’espèce sont assez originaux et peu répandus, ce sont la steppe à brachypode appelée localement « coussouls », des prairies humides pâturées et des secteurs rizicoles.
Cas de la Crau
Une opération de radiotracking (Pilard & Lepley, 2000) a permis d'identifier les principaux milieux utilisés par les Crécerellettes en plaine de Crau. Les principaux résultats sont présentés dans le tableau suivant.
En plaine de Crau, l'aire totale utilisée autour de la colonie suivie s'étend jusqu'à 7 kilomètres et couvre 5 875 hectares. Elle comprend des milieux très diversifiés qui sont localisés à la fois en Crau et en Camargue. On note également une concentration importante des activités de chasse puisque 80 % sont effectuées sur seulement 11 % de l’aire totale. Pour comparaison, Negro et al. (1991) trouvent en Andalousie une aire utilisée beaucoup plus importante égale à 21 200 hectares et notent également des concentrations d’activités de chasse dans certains endroits qui varient en fonction de la phase de la reproduction.
Parmi les milieux les plus utilisés, on note la présence de prairies sèches telles que les coussouls et aussi de prairies humides à Molinie ; ces deux types de prairies sont pâturées, respectivement, par des ovins et des bovins. Les coussous non pâturés, bien qu'ils ne représentent que 0.3 % de l'aire totale, sont utilisés jusqu'à hauteur de 20.7 % pendant la phase d’élevage, alors qu'ils sont délaissés durant les phases précédentes. Les faucons y capturent le Dectique à front blanc, Orthoptère de grande taille, présent en très forte densité dans ce milieu (Lepley et al., 2000). On constate, également, que le secteur agricole préféré des Crécerellettes, est une zone de polyculture (rizières, céréales, prairies, luzerne) et d'élevage (présence d'un troupeau d'ovins et de bovins) qui présente une mosaïque de parcelles. Par contre, les faucons délaissent les secteurs rizicoles en monoculture.
Les milieux utilisés offrent des disponibilités en proies qui, de par leur complémentarité, permettent à l'espèce de subvenir aux besoins alimentaires nécessaires à sa reproduction. Ainsi, les prairies humides à Molinie, les rizières et la zone agricole sont principalement utilisées en début de reproduction car elles abritent alors, la Courtilière, proie très recherchée et absente des coussouls. Par contre, les coussous sont très utilisés en période d’élevage des jeunes car ils offrent à cette époque de nombreux Criquets et Sauterelles.
Cas de l’Hérault
La cartographie réalisée couvre une surface totale de 1708 hectares. Les résultats montrent que la zone étudiée est structurée par une mosaïque paysagère viticole ouverte. En effet, les surfaces viticoles représentent à elles seules presque la moitié (49,79%) de la surface totale cartographiée. Loin derrière, on trouve par ordre décroissant d’importance : les surfaces construites mais pouvant abriter un jardin, les surfaces herbacées de type prairie (7,79%) et les friches jeunes (5,71%), les surfaces arborées (forêts 4,68%) et arbustives (garrigue, 4,13%). Malgré ces quelques formations dominantes, le caractère de mosaïque est révélé par le nombre important de formations paysagères cartographiées, à savoir 25 formations, soulignant ainsi la diversité de ces habitats. Cette mosaïque est également mise en valeur par le morcellement des habitats : 1810 parcelles ont été identifiées sur cette surface soit une taille moyenne de 0,94 hectares (σ = 0,015).
Grâce à cette cartographie, nous avons pu pondérer les scores par parcelles obtenus en 2012 par les surfaces de chaque formation paysagère permettant ainsi de minimiser l’influence de l’occurrence surfacique sur les scores. Nous avons pu ainsi obtenir le graphique suivant. À noter sur ce dernier que les formations de type fossés, talus et roselière ont dû être supprimées. En effet, leur faiblesse surfacique ou leur intégration au sein d’autres formations (telles que les vignes enherbées) a rendu impossible leur cartographie.
Sans rentrer dans une analyse statistique, nous pouvons brièvement constater sur ce dernier graphique que :
- l’exploitation alimentaire préférentielle par les crécerellettes des vignes nues semble résulter de l’occurrence surfacique de cette formation. Ainsi, leur attractivité est beaucoup plus faible lorsque les scores de cette formation sont pondérés par la surface de cette formation,
- l’exploitation alimentaire par les crécerellettes des friches jeunes, qui arrive en seconde position des formations les plus exploitées apparait une fois pondérée comme la formation préférentiellement exploitée par l’espèce. Son exploitation pourrait donc résulter d’un choix actif de l’espèce clairement orienté vers cette formation,
- ce même type d’orientation est visible pour les formations de type vigne abandonnée, labour et prairie qui, bien que d’une faible surface totale, ont une attractivité caractérisée par le rapport score/surface importante.
- la faible exploitation alimentaire par les crécerellettes des zones de bâtis visibles sur les données brutes comme pondérées, semble résulter d’un évitement actif, étant donné le caractère surfacique dominant de cette formation
Bien que les surfaces viticoles dominantes sur ce site soient proportionnellement exploitées par le crécerellette, les tout premiers résultats et analyses semblent suggérer et confirmer l’importance des friches jeunes comme habitat d’alimentation à forte attractivité pour l’espèce et donc à préserver dans le cadre d’une gestion adaptée des habitats en faveur du crécerellette. Nous pouvons également remarquer que, même si l’espèce se caractérise par un caractère anthropophile pour sa nidification, elle évite lors de ses activités de chasse les zones de bâtis (jardins, villages…). Cet aspect souligne l’importance de préserver sur ses habitats d’espèces de vastes zones non bâties notamment en développant des politiques de concentration des zones constructibles et donc en évitant les phénomènes de dispersion urbaine.