Le braconnage en France accélère la disparition de l'ortolan

Actualité

Une étude scientifique internationale, coordonnée par le Muséum D’Histoire Naturelle et publiée le 22 mai dans la revue américaine Sciences Advances, démontre les menaces existentielles que fait peser le braconnage dans le sud-ouest de la France sur les populations de Bruant ortolan

Ces travaux, menés pendant prés de 5 ans par une trentaine de chercheurs, ont mesuré l’état de conservation de l’espèce et ses rythmes de migration. Les conclusions étaient très attendues à la fois par les associations de protection de la nature et par les chasseurs, ces derniers ayant même cofinancé l’étude et s’étant engagés à en respecter le verdict.

En voie d'extinction

Il est sans appel : la population européenne d’ortolans, aujourd’hui estimée à près de 5 millions de couples, a diminué de 88% depuis 1980, ce qui en fait l’un des passereaux les plus menacés du continent.  Si d’autres facteurs telles que l’agriculture intensive et la destruction des habitats restent majoritairement responsables de l’effondrement des populations d’oiseaux, le braconnage pratiqué en France reste la cause directe d’une partie importante de la mortalité des ortolans. En effet, ceux qui évitent notre territoire au cours de leurs trajets migratoires entre l’Afrique et l’Europe connaissent un déclin moindre de leur population.

A un tel rythme, l’étude prédit à terme une extinction quasi certaine de l’espèce. D’après Fréderic Jiguet, l’ornithologue qui a dirigé les travaux, un arrêt total de la chasse illégale donnerait deux fois plus de chances à l’ortolan de s’en sortir mais seule une réforme en profondeur du modèle agricole permettrait véritablement de garantir la pérennité de l’espèce.

Chasser ce migrateur est pourtant interdit depuis 1979 par la Directive Oiseaux de l’Union Européenne, et il est inscrit sur la liste des espèces protégées de France depuis 1999. La LPO a fait de la lutte contre braconnage de l’ortolan l’un de ses principaux combats, menant chaque année des opérations de terrain pour débusquer les contrevenants et détruire leurs pièges grillagés, ou matoles. En 2015, l’homme en slip attaquant à coups de pelle notre Président Allain Bougrain Dubourg avait fait le buzz sur le web, et attiré l’attention sur cette pratique. Il a depuis été condamné à des amendes pour violences (une première fois en 2017 par le tribunal de Dax, puis en appel par celui de Pau en 2018) mais pas pour les faits de braconnage, le tribunal considérant qu’il pratiquait une chasse autorisée, celle de l’alouette, alors même que l’emplacement de ses pièges prouvait le contraire !

Des complices haut placés

Le problème vient en fait des pouvoirs publics et des dérogations, ou de la tolérance complice, dont ont pu bénéficier les amateurs d’ortolans sous couvert de tradition. Ils ont également pu compter sur des soutien de poids, de grands chefs étoilés à l’animatrice TV Maïté, sans oublier le Président Mitterrand ou Alain Juppé, consommateurs avoués. Les puissants lobbies de la chasse n’ont eu de cesse de faire pression sur les Ministres en charge de l’Environnement pour réclamer qu’ils dérogent officiellement aux réglementations en vigueur (voir ici par exemple un courrier adressé en 2015 à Ségolène Royal par Willy Schraen, Président de la Fédération National des Chasseurs), non sans un certain succès puisque certaines estimations ont fait état de 30000 individus illégalement capturés chaque automne dans les Landes, sans que les autorités n’interviennent.

Les récents jugements de la cour de cassation à l’encontre des braconniers d’ortolan semblent montrer que la justice est enfin prête à faire respecter la loi. La Fédération départementale des chasseurs des Landes a également pris ses responsabilités et demandé à ses membres d’arrêter cette activité.

La LPO poursuit son combat pour obtenir la fin de tous les modes de chasses dites traditionnelles encore admis en France, tel que le piégeage à la glu qui reste autorisé dans plusieurs départements de la région PACA. Une plainte contre la France a dans ce cadre était déposée pour non-respect de la Directive Oiseaux de l’Union Européenne.

Pour Yves Verilhac, Directeur général de la LPO : « Alors que les plus éminents experts mondiaux tirent la sonnette d’alarme sur une extinction massive des espèces animales et végétales sur la planète, en France, selon les régions, les oiseaux sont piégés dans des cages, dans des filets ou sur de la colle, écrasés avec des pierres, ou bien étranglés avec des lacets ! L’enjeu est donc de faire cesser au plus vite ces pratiques archaïques, surtout que plus de 90 % des Français sont contre. »