Condamnation du sucrier TEREOS pour la pollution de l’Escaut en 2020

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Le géant du sucre a été condamné le 12 janvier 2023 par jugement du tribunal judiciaire de Lille à payer une amende de 500 000 euros et à verser plus de 9 millions d’euros aux parties civiles, dont la LPO. La rupture d'une de ses digues en avril 2020 avait engendré le déversement de millions de litres d’eaux de lavages des betteraves sucrières dans le fleuve l'Escaut et entraîné une hécatombe chez les poissons.

En avril 2020, la rupture d’une digue d’un bassin de décantation appartenant à l'entreprise TEREOS provoquait à Thun-Saint-Martin (Nord) une dramatique pollution de plusieurs cours d’eau, dont l’Escaut, un fleuve transfrontière traversant la France, la Belgique et les Pays-Bas.

Environ 100 000 m3 d’eaux de lavage de betteraves très riches en matières organiques s’étaient déversés dans le réseau hydrographique, causant l’anoxie des milieux aquatiques et la mort par asphyxie des poissons sur des dizaines de kilomètres en France et dans la Région Wallonne.

Un impact durable sur les milieux aquatiques

Fin 2020, les analyses réalisées par l’Office Français de la Biodiversité (OFB) montraient une baisse de 90% du nombre de poissons et une baisse de 50% du nombre d’espèces.

Si en 2022 les mêmes analyses constataient un début d’amélioration de la qualité de l’eau et des effectifs piscicoles, elles confirmaient surtout l’impact durable de la pollution. Le cortège piscicole était désormais dominé par des espèces exotiques envahissantes et des espèces autochtones peu exigeantes (gardon, perche) tandis que des espèces communes n’avaient toujours pas fait leur retour (goujon, épinoches, brèmes…).

La difficile réparation des dommages

Le retour à l'état initial par une remise en état n'étant pas possible s’agissant d’une telle pollution, le préfet du Nord avait pris en août 2021 un arrêté imposant à TEREOS de réaliser des mesures de réparation secondaire et compensatoires. Fin 2022, l’OFB constatait cependant que les travaux proposés par TEREOS pour répondre à ces obligations n’avaient toujours pas abouti et restaient hypothétiques.

En parallèle, après de long mois d’enquête et d’expertises, TEREOS était poursuivi les 17 et 18 novembre 2022 devant le tribunal judiciaire de Lille pour pollution de l’eau et exploitation d’un barrage de retenue sans autorisation environnementale.

De nombreuses parties civiles (dont la LPO, la Fédération de pêche, le Parc naturel régional et la région belge de Wallonie), s’étaient constituées pour demander réparation du préjudice écologique et de leur préjudice moral.

Pas de réparation du préjudice écologique

Le 12 janvier 2023, le tribunal a déclaré TEREOS coupable des infractions reprochées, retenant les négligences et manquement de l’industriel à la législation environnementale. Le sucrier est condamné au paiement d’une amende délictuelle de 500 000 euros et à la publication de la décision.

Le montant total des indemnisations que le sucrier devra verser aux victimes au titre des préjudices moral et écologique est de plus de 9 millions d’euros, dont plus de 8 millions pour la Région Wallonne et plus de 100 000 euros pour la Fédération de pêche. Suite à un long combat de la LPO, le préjudice écologique avait été reconnu pour la première fois dans le procès de l'Erika, qui avait fait naufrage au large des côtes bretonnes en décembre 1999. 

La LPO, qui avait rappelé que la pollution avait affecté l’ensemble de la chaîne trophique (les poissons mais aussi les invertébrés, les oiseaux, etc.) a pour sa part obtenu 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral, 10 000 euros au titre du préjudice écologique et 750 euros de frais de justice.

Si la LPO est satisfaite de la reconnaissance de la culpabilité de l’industriel, elle regrette l’absence de condamnation de celui-ci à exécuter les mesures de réparation requises. Le juge lillois n’a en effet pas condamné l’industriel à exécuter des mesures de réparation du dommage écologique malgré les réquisitions du Procureur en ce sens.

Quant aux condamnations pénales et civiles, elles peuvent sembler lourdes mais sont à mettre en perspective avec l’ampleur de la pollution et la responsabilité qui doit être celle d’un industriel tel que TEREOS. Avec un chiffre d’affaires de 5,1 milliards € (2021-2022), le géant du sucre a en principe les moyens de prévenir les atteintes à l’environnement que peut générer son activité, et est tenu par la loi à une obligation de vigilance.