Oui aux énergies renouvelables mais sans régressions écologiques

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En l’état, le projet de loi pour l’accélération des énergies renouvelables serait une atteinte supplémentaire à la biodiversité.

La LPO, membre du collectif « Cap nature & biodiversité «, est favorable au développement des énergies renouvelables (EnR) mais à condition qu’il se fasse dans le respect des procédures de consultation publique et du droit de l’environnement, conditions indispensables de leur développement à long terme, afin de ne pas faire subir des pressions supplémentaires à la biodiversité.

À ce titre, l’exposé des motifs du projet de loi relatif à l’accélération des EnR, tel que présenté au Conseil National de la Transition Écologique le 12 août 2022, n’est pas acceptable en l’état. Pas plus que la consultation du CNTE en urgence en pleine période estivale et dans des délais contraints, et la non-consultation du Comité National de la Biodiversité.

De nouvelles implantations d'ENR ne pouvant entrer en service avant plusieurs années, l'invocation de l’urgence liée à la guerre en Ukraine n’est pas pertinente. La seule réponse acceptable à cette urgence serait des mesures législatives sur la sobriété énergétique et cette loi ne contient aucune mesure dans ce domaine. Il n'est pas acceptable qu’on attribue la lenteur du développement des EnR aux procédures environnementales et aux consultations et débats publics prévus par les lois en vigueur : les causes du retard sur les objectifs affichés sont à trouver du côté des fluctuations des politiques publiques depuis des années, la diminution progressive des moyens des services déconcentrés de l’Etat pour instruire et suivre les projets, le non-respect par les services de l’État des avis négatifs des structures d’évaluation environnementale, source de contentieux, ainsi que dans l’absence de planification aux différentes échelles territoriales et d’une dépendance trop grande à l’énergie nucléaire.

L’érosion de la biodiversité n’est mentionnée que comme une conséquence des dérèglements climatiques dans le projet de loi, alors qu’elle résulte principalement jusqu’à maintenant, essentiellement, de multiples autres pressions, notamment la dégradation des habitats naturels et agricoles, que ce projet de loi risque d’aggraver en l’état. Au contraire la préservation des écosystèmes est une solution pour lutter contre le réchauffement climatique et limiter ses conséquences pour les sociétés humaines.

Des dérogations inadmissibles

Les mesures dérogatoires temporaires envisagées pour une durée de 4 ans pour « simplifier » le développement des projets EnR risquent au contraire de complexifier inutilement les procédures et d’augmenter l’insécurité juridique des projets. De plus et contrairement à sa dénomination, le périmètre d’application de ces dérogations dépasse celui des filières énergétiques renouvelables et intègre d'autres installations et activités qui, si elles ne sont pas correctement encadrées par l’Etat, peuvent générer des incidences notables sur le climat ou la biodiversité. La dérogation au principe de non régression du droit de l’environnement prévue à l’article 3 n’est pas admissible, et créerait un précédent qui pourrait se renouveler dans d’autres domaines. La LPO s’étonne vivement de la volonté exprimée dans le texte du projet de loi de s'aligner, en matière de protection de l'environnement, sur le "moins disant" des pays partenaires européens (parangonnage européen, article 3). Cela apparaît, eu égard aux enjeux de perte de biodiversité, et au principe de non régression environnementale, difficilement acceptable et cela ne tient pas compte des stratégies et pratiques différentes des pays voisins en matière de protection de la biodiversité, ce qui rend ces comparaisons peu pertinentes.

La LPO déplore le mécanisme de reconnaissance automatique de la raison impérative d'intérêt public majeur (RIIPM) et la limitation du contrôle par le juge. La reconnaissance généralisée de la RIIPM pour les projets d'ENR risque de constituer un argument très fort pour permettre aux promoteurs de surmonter les réticences de citoyens peu informés ou enclins à suivre l'avis des autorités, affaiblissant ainsi la légitimité de l’acceptation locale des projets d’EnR. Il serait indispensable d’encadrer au niveau législatif les conditions selon lesquelles « la déclaration d’utilité publique, peut reconnaitre, pour l’opération concernée, le caractère d’opération répondant à une raison impérative d’intérêt public majeur » (article 6). Il est en effet dangereux de déroger à la protection des espèces protégées.

De nouvelles dérogations à la loi littoral et à la loi montagne, qui encadrent l’aménagement et limitent l’artificialisation dans ces territoires riches en biodiversité sont en contradiction avec la politique de lutte contre l’artificialisation (l’installation de photovoltaïque au sol constitue de l’artificialisation). De même que les forêts brûlées ne doivent en aucun cas servir pour l’implantation d’installations EnR : elles doivent être reboisées en favorisant la régénération naturelle et des écosystèmes forestiers diversifiés et fonctionnels.

La participation du public aux débats et enquêtes publiques contribue à l’acceptation sociale d’une transition énergétique choisie et est un facteur essentiel du bon développement des projets. Cette participation ne doit en aucun cas être envisagée de manière totalement dématérialisée. Les difficultés de certains projets sont en premier lieu leur médiocrité et, notamment, l’absence de prise en compte effective des enjeux de sauvegarde de la biodiversité. Tous les projets ne sont pas forcément et a priori sans impacts. La « parallélisation » des procédures prévue à l’article 2 introduit un risque juridique majeur par rapport aux directives européennes. Nous rappelons en effet que l’avis de l’autorité environnementale doit être disponible et publiée en amont du débat public.

La LPO souhaite qu’une définition contraignante de la notion d’agri-photovoltaïsme soit instaurée, préférablement de niveau législatif, pour garantir la compatibilité de l’implantation de panneaux photovoltaïques avec la poursuite d’une activité agricole respectueuse de la biodiversité et permettant d’assurer une autonomie alimentaire.

Il est regrettable que le projet de loi fasse l’impasse sur le photovoltaïque en toiture, sur l’autoconsommation et sur les projets citoyens. À cet égard, il serait très utile de permettre un accès massif des particuliers, a fortiori les plus modestes, à des installations solaires thermiques ou photovoltaïques sur toiture en autoconsommation. Cet accès permettrait non seulement de contribuer aux objectifs de décarbonation et de souveraineté, mais aussi d’alléger immédiatement le budget énergie des ménages, dans un contexte où les prix de l’électricité sont élevés. De même les seuils d’obligation d’équipement des parkings auraient pu être plus exigeants.

Il faut limiter la taille maximale des projets photovoltaïques au sol ou flottants, de manière à éviter les méga-projets aux conséquences environnementales désastreuses, alors même que le coût de sortie est à peine plus bas que sur des parcs plus petits. Enfin, la LPO regrette qu’aucun objectif de réduction effective des impacts directs et indirects des énergies renouvelables sur les composants de la biodiversité (mortalité des individus, populations, espèces, dérangement, perturbation des voies de migration) et sur les surfaces encore peu anthropisées, ne soit évoqué dans le projet de loi, alors qu'il devrait être mis en avant avec un fort degré de priorité.

Un des objectifs d'une telle loi devrait être de promouvoir un dialogue constructif entre scientifiques, gestionnaires, décideurs locaux et industriels des ENR pour développer des cahiers des charges de mesures d'atténuation des impacts des installations d'ENR, en prenant en compte l'expérience et les pratiques de réduction des impacts développées dans d’autres pays, plus avancés que le nôtre. Parallèlement, la recherche scientifique devrait pouvoir bénéficier de moyens supplémentaires pour accompagner cette ambition de réduction des impacts des ENR. A ces conditions l'accélération du déploiement des ENR pourra réellement être confortée.