Les grands cormorans européens n'ont pas besoin d'être « gérés »

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Ce 4 octobre, le Parlement européen vote sur un rapport appelant à un "plan européen de gestion des cormorans". En clair, cela signifie contrôler leur population par des mesures létales. La LPO demande aux eurodéputés de s'opposer à cette stratégie contre-productive.

Grand cormoran © Yves Adams

Le 12 juillet 2022, la Commission de la pêche (PECH) du Parlement européen a adopté le rapport intitulé « la recherche d’une aquaculture durable et compétitive dans l’Union européenne: la voie à suivre ». Le paragraphe 56 de ce rapport demande à la Commission d’« élaborer une proposition relative à un plan européen de gestion des grands cormorans qui permettrait de résoudre de manière appropriée et définitive le problème auquel le secteur aquacole est confronté depuis de nombreuses années » et « demande instamment à la Commission d’élaborer, à titre de mesure immédiate, un document d’orientation sur les modalités d’application des dérogations prévues à l’article 9 de la directive «Oiseaux», et d’évaluer la nécessité de modifier la législation actuelle lorsque les mesures préventives se sont révélées insuffisantes et que l’incidence financière et sociale ne permet pas de trouver des solutions de coexistence. »

A travers son partenaire BirdLife International, la LPO demande aux eurodéputés de voter l’amendement 7 qui invite la Commission à plutôt promouvoir des solutions efficaces au sein du cadre juridique existant pour résoudre les conflits entre les cormorans et la pêche et l'aquaculture, sur la base des meilleures pratiques déjà expérimentées dans les États membres, et des compensations adéquates pour pertes et mesures, financées par des fonds européens ou nationaux, tels que le FEAMP, tout en soutenant de nouvelles recherches pour améliorer l'efficacité des mesures existantes et développer et tester des méthodes supplémentaires afin de minimiser les dommages, là où les mesures existantes se sont avérées insuffisantes.

Voici 5 raisons pour lesquelles ce plan n'est pas une bonne solution.

  1. Le régime alimentaire du cormoran est composé de poisson. L'industrie de l'aquaculture est en colère contre eux pour cette raison. C'est aussi simple que ça. Il est évident que, lorsqu'il s’agit de se nourrir, les cormorans seront attirés par des plans d'eau où les poissons sont abondants et faciles à attraper. Est-ce à dire que certains d'entre eux seront attirés par les installations aquacoles? Oui. Devraient-ils être tués à cause de cela ? Absolument pas. La réduction de la population globale de cormorans ne changera pas cet état de fait. Si un site est populaire, quels que soient le nombre de cormorans restants, ils continueront à revenir. Pendant ce temps, presque toutes nos eaux sont affectées par la surpêche.
  2. Les cormorans ont presque disparu dans les années 1970 en raison de la persécution humaine et de la perte d'habitat. Grâce à la Directive Oiseaux de 1979, il est devenu illégal de les déranger, de les capturer ou de les tuer, ainsi que de détruire leurs nids. Associé à la réduction de la pollution de l'eau et à l'interdiction de certains pesticides dangereux, cela a permis de restaurer les populations de grands cormorans à travers l'Europe au cours des 30 dernières années. Il serait stupide de défaire tout ce beau travail simplement parce que les cormorans aiment manger du poisson.
  3. Nous ignorons les vrais problèmes. Il est facile pour les industries de blâmer les cormorans pour le déclin des populations de poissons, mais la réalité est beaucoup plus complexe. Il existe en fait toute une série de raisons pour lesquelles la production de poisson est en déclin : les espèces envahissantes, le changement climatique, la mauvaise qualité de l'eau, la pollution ou l’eutrophisation. Pour favoriser la production du poisson, la restauration des habitats naturels est primordiale. Tuer les cormorans ne changera rien.
  4. Il existe d'autres solutions ! Un large éventail d'actions permet de réduire la vulnérabilité des poissons à la prédation et éloigner les cormorans de sites spécifiques. Cela comprend des solutions pour rendre les sites moins attrayants pour la nidification ou l'alimentation et des mesures pour protéger les poissons, par exemple : des refuges artificiels, des moyens de dissuasion sonores et visuels, des filets et des câbles aériens, etc. Leur mise en œuvre nécessite des ressources supplémentaires, comme celles du nouveau Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).
  5. La discussion en cours au Parlement européen sur la « nécessaire gestion » des grands cormorans ne repose pas sur le dernier consensus scientifique. Des experts de l’UICN et Wetlands International, qui travaillent sur le sujet depuis des années, ont publié une lettre s'opposant au plan de gestion, jetez-y un œil ici (en anglais).