Naufrage de l’Erika : 20 ans après

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La marée noire de 1999 a marqué un tournant dans la lutte contre les catastrophes écologiques.

L'Erika sombrant

L'Erika sombrant - Crédit photo : Marine nationale

Le 12 décembre 1999, le pétrolier maltais Erika affrété par la société Total, en provenance de Dunkerque (59) et à destination de l’Italie, se brise en deux et déverse 20 000 tonnes de fioul au large du Finistère avant de sombrer au fond de l’océan. Dès le 14 décembre, un premier oiseau mazouté s’échoue à Lesconil (29).

Face à l’ampleur de la catastrophe, la LPO décide de suspendre toutes ses autres activités et l’ensemble des salariés et bénévoles se mobilise afin d’organiser le ramassage des oiseaux mazoutés et d’installer dans l’urgence des structures de soins. Malgré l’hiver, les fêtes de fin d’année et la « tempête du siècle » du 26 décembre 1999, plus de 8 000 personnes se succéderont pendant plusieurs mois pour gérer la crise, secourir les oiseaux et nettoyer les 400 km de côtes recouverts de pétrole.

Kristell, bénévole à la station LPO de L’Ile Grande en 2000 : « Même si une grande majorité des oiseaux n'a pas survécu, il était important de ne pas céder à un sentiment d'impuissance devant une telle hécatombe. Les images que je garderai sont celles de Guillemots, de Fous de Bassan, de Pingouins retrouvant le large. J'ai eu la chance de relâcher plusieurs oiseaux, et chaque fois, quelle émotion ! C'est l'aboutissement de nombreuses heures de soins, de suivi attentif, qui pour certains peuvent paraître dérisoire, mais qui à mes yeux, sont essentiels à la préservation de notre environnement. »

Hécatombe chez les oiseaux marins

Le naufrage de l’Erika reste à ce jour la catastrophe la plus meurtrière pour l’avifaune marine : sur les 74 000 oiseaux mazoutés identifiés de décembre 1999 à mars 2001, 36 000 ont été recueillis vivants et seuls 2 200 ont finalement été relâches en bonne santé. Les autres n’ont pas survécu aux dégâts causés par le pétrole sur leur organisme. Ces chiffres effroyables ne sont en outre que partiels : beaucoup d’autres victimes ont coulé à pic dans l’océan sans jamais venir s’échouer sur les côtes. Selon les estimations, environ 150 000 oiseaux auraient en réalité été tués par la marée noire.

Amélie, bénévole sur les plages de Groix en 1999-2000 : « Prendre dans mes mains des oiseaux morts tellement couverts de mazout qu'on avait du mal à reconnaître qu’il s’agissait d’oiseaux, ça m'a fait vraiment mal. Pour déterminer l’espèce, il fallait nettoyer et examiner les cadavres qu'on ne nous apportait parfois que trois jours après la mort, voire dévorés par les rats. J'ai vu mes meilleurs amis, de gros gars costauds, pleurer sur une plage noire de mazout et d'oiseaux morts. »

Faire reconnaître le préjudice écologique

Dès le début de la procédure judiciaire, la LPO demande la reconnaissance du préjudice écologique causé par le naufrage de l’Erika.  Auditionné en sa qualité de président de la LPO, Allain Bougrain Dubourg déclare alors : « Les dégâts pour l’ostréiculture, la pêche ou la conchyliculture sont légitimement reconnus, mais le préjudice écologique ne l’a encore jamais été ! L’enjeu majeur pour la LPO est de faire admettre la reconnaissance du vivant non commercial. »

Près de 10 ans après la catastrophe, en 2008, le Tribunal correctionnel de Paris donne raison à la LPO. Sa décision historique est confirmée en appel en 2010, puis par la Cour de cassation en 2012, avec un préjudice écologique finalement établi à 13 millions d’euros. Jusqu’alors simple jurisprudence, le préjudice écologique devient officiellement inscrit dans le code civil par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.  

Quelles avancées depuis ?

Suite au naufrage de l’Erika, l’arsenal législatif relatif au risque de marée noire a également été renforcé par le Parlement Européen, conduisant notamment à la généralisation des pétroliers à double coque, à une meilleure surveillance du trafic maritime et au renforcement des mesures de contrôle des navires et des sociétés de classification. Un important travail de révision des plans d’urgence a également été mené avec l’intégration d’un volet pollution maritime dans le dispositif ORSEC (organisation de la réponse de sécurité civile) afin d’améliorer en particulier le confinement et la récupération des polluants en mer, le nettoyage du littoral et la prise en charge de la faune sauvage intoxiquée.

Les risques de nouvelles marées noires n’ont toutefois pas disparu tandis que les dégazages illégaux demeurent fréquents au large des côtes françaises, avec des conséquences non négligeables pour la faune marine. Pour Anne-Laure Dugué, responsable du programme Faune en détresse à la LPO : « Afin de pouvoir faire face à de graves catastrophes telles que le naufrage de l’Erika, il est crucial de développer et maintenir une importante capacité d’accueil et de soins pour la faune sauvage sur l’ensemble du territoire et de renforcer la coordination entre les différents acteurs impliqués. »

Découvrez en image le combat de la LPO face aux marées noires