Néonicotinoïdes : la Cour de cassation valide notre action en justice contre l’industrie agrochimique

Actualité

La LPO et Intérêt à Agir tentent de faire reconnaitre par la justice le préjudice écologique résultant de la commercialisation de pesticides néonicotinoïdes, responsables de l’effondrement des populations d’oiseaux en milieu rural.  

En mai 2021, la LPO, représentée par Me Sébastien Mabile du cabinet Seattle et appuyée par l’association Intérêt à agir, a assigné en justice les sociétés Bayer, Nufarm, Fertichem, Agri Canigou, Saga et Gritche devant le tribunal judiciaire de Lyon, en raison du rôle de l’imidaclopride dans l’effondrement des populations d’oiseaux, et plus largement de l’ensemble de la biodiversité, dans les milieux agricoles.  

Ces entreprises sont en effet impliquées dans la production et/ou la commercialisation de produits à base d’imidaclopride, substance active insecticide de la famille des néonicotinoïdes, qui était utilisée en enrobage de diverses semences, telles que le blé, les betteraves, le maïs ou le tournesol. Ses effets délétères sur l’environnement ont conduit la France et l’Union européenne à interdire son utilisation en 2018 bien qu’elle continue à être produite et exportée vers des pays tiers. 

En parallèle, les populations d’oiseaux spécialistes des milieux agricoles (ex : Alouette des champs, Perdrix grise, Bruant jaune) ont chuté de près de 60 % en l’espace de 40 ans en Europe. Plusieurs études confirment que l’imidaclopride contribue fortement à cet effondrement et que ses effets persistent après son interdiction. Elles ont notamment démontré un effet létal direct sur les oiseaux ingérant les graines enrobées d’imidaclopride, et un effet létal indirect sur les espèces insectivores, à travers la contamination de l’ensemble des composantes de l’environnement et la réduction de leurs ressources alimentaires.  

Objectifs et enjeux  

Pour la LPO et Intérêt à agir, cette action en justice vise à obtenir la reconnaissance et la réparation du préjudice écologique découlant de la commercialisation de produits à base d’imidaclopride. Depuis 2021, les sociétés défenderesses ont joué la montre pour éviter ou reporter les débats sur le fond : d’abord en contestant la compétence du juge judiciaire au profit du juge administratif, puis en arguant de la prescription de l’action.

En 2022, le tribunal judiciaire de Lyon a déclaré l’action non prescrite et recevable, décision confirmée le 21 décembre 2023 par la Cour d’appel de Lyon et définitivement ce 13 novembre 2025 par l'arrêt de la Cour de cassation. Les juges ont notamment considéré que “le point de départ de la prescription décennale de l'action en réparation d'un préjudice écologique, laquelle ne saurait courir dès les premières suspicions d'un effet indésirable d'un produit sur l'environnement, ne peut être fixé avant la date à laquelle des indices graves, précis et concordants d'imputabilité du préjudice environnemental dont le demandeur sollicite réparation peuvent être raisonnablement invoqués au soutien de cette action.” En résumé : la Cour a jugé que le délai de prescription a commencé à courir dès lors que la LPO disposait “d’indices graves, précis et concordants” permettant d’imputer l’effondrement des populations d’oiseaux en milieu agricole aux effets de l’imidaclopride. 

En étant le premier à se prononcer ainsi sur la question du délai de prescription en matière de réparation du préjudice écologique, cet arrêt de la Cour de cassation constitue une décision historique qui pourra faire jurisprudence pour de futures actions en justice.  

Désormais, le tribunal judiciaire de Lyon pourra prochainement se prononcer sur la responsabilité des producteurs et distributeurs de produits à base d’imidaclopride et la réparation du préjudice écologique considérable qui en résulte.

Documents à consulter

Arrêt Cour de Cassation - 13 Novembre 2025
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