Lancée en 2007 à l’initiative du Comité français de l'UICN et du magazine Terre Sauvage, la Fête de la Nature se tient chaque année pendant 5 jours autour de la Journée mondiale de la biodiversité du 22 mai. Nos organisations y participent depuis sa création avec enthousiasme et conviction. L’an dernier, l’événement a connu une mobilisation record avec près de 10 000 animations gratuites organisées par plus de 1 000 structures à travers tout le pays, et destinées à reconnecter les citoyens au vivant qui les entoure. L’engouement est tel que le gouvernement a intégré ce grand rendez-vous dans la Stratégie nationale pour la biodiversité, avec l’ambition de rassembler 5 millions de participants d'ici 2027.
La 19e édition débute cependant aujourd’hui dans un contexte politique particulièrement hostile à la nature. Les régressions environnementales s’enchaînent en effet depuis plus d’un an sur fond de colère agricole, de tensions géopolitiques et de restrictions budgétaires. Les lois d’accélération et de simplification se multiplient, niant l’effondrement en cours de la biodiversité et sa capacité à fournir les biens et services nécessaires à nos sociétés. Le budget 2025 fait ainsi de la transition écologique la principale victime des réductions de dépenses publiques avec plus de 2 milliards d’euros de crédits supprimés, notamment pour le Fonds vert destiné à l’accompagnement des collectivités locales.
Reculs législatifs
Présentée en février 2024 mais finalement promulguée le 24 mars 2025, la loi d’orientation agricole s’est muée en un vecteur de soutien au modèle productiviste sous couvert de souveraineté alimentaire, sans résoudre la question centrale du revenu des paysans. Dicté par les syndicats agricoles majoritaires, ce texte allège les réglementations relatives aux pesticides et dépénalise la destruction d’espèces protégées ou de haies essentielles à la biodiversité rurale.
Actuellement examinée par l’Assemblée nationale, la proposition de loi Duplomb visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur s'apprête maintenant à assouplir les procédures d’autorisation environnementale, à affaiblir l’Office français de la biodiversité (OFB) chargé de faire respecter les réglementations, à réautoriser les néonicotinoïdes « tueurs d’abeilles » interdits depuis 2018, à faciliter l’implantation de mégabassines qui accaparent les ressources en eau au profit de l’agriculture intensive et à modifier la définition des zones humides pour en diminuer la protection alors qu’elles sont essentielles face aux inondations et sécheresses.
L’urgence est déjà là
En 30 ans, près de 80% des insectes volants ont disparu des campagnes en Europe, qui a également perdu 800 millions d’oiseaux depuis les années 1980 et 75% des poissons migrateurs d'eau douce en à peine un demi-siècle. Or cette vie sauvage demeure indispensable à celles des humains : environ 1 ,5 millions d’emplois salariés en France dépendent directement de la biodiversité et de sa capacité à fournir les biens et services nécessaires à l’approvisionnement des entreprises, l’immense majorité de nos cultures végétales est tributaire de la pollinisation animale, les milieux naturels assurent la filtration de l’eau et de l’air, ainsi que la régulation du climat, etc.
Alors demain, aurons-nous encore un peu de nature à fêter ? Possiblement, si nous saisissons l’opportunité d’unir nos efforts à ceux de toute l’Europe.
Ce 23 mai commence en effet, pour une durée de trois mois, une concertation publique sur le plan national que la France doit soumettre à la Commission européenne en septembre 2026 en application du Règlement pour la restauration de la nature entré en vigueur le 18 août 2024. L’État doit y recueillir l’avis des citoyens sur sa stratégie pour restaurer tous les écosystèmes marins et terrestres dégradés d’ici 2050. Nous invitons les Français à prendre part massivement à cette consultation malgré la période estivale, afin de faire entendre la voix de la nature et rappeler aux pouvoirs publics que la garantie de léguer une planète viable à nos enfants n’est jamais une option négociable.