Aussi appelée île de la Passion, Clipperton est depuis 1858 une possession tricolore de l'océan Pacifique située à plus de 1000km des côtes mexicaines et administrée depuis la Polynésie française. Par son isolement géographique, l’atoll corallien d’une superficie d’à peine 170 hectares constitue un site de reproduction providentiel pour une dizaine d’espèces d’oiseaux marins. Il héberge notamment près de la moitié de la population mondiale de Fous masqués, avec environ 35000 couples nicheurs. La présence centrale d’un lagon d’eau douce, unique au monde, en fait également un lieu de halte apprécié par de nombreux migrateurs.
Or ce sanctuaire de biodiversité est aujourd’hui menacé, en particulier depuis l’introduction accidentelle du Rat noir en 1999 par un bateau naufragé. Outre la prédation exercée sur les œufs et les poussins, la présence du rongeur a surtout décimé la population de crabes terrestres herbivores, entraînant la prolifération de lianes rampantes qui limitent les possibilités de nicher au sol pour les oiseaux. De plus, la pollution plastique ou la montée du niveau de la mer en lien avec le réchauffement climatique accentuent encore la vulnérabilité du site.
Dans ce contexte et avec le soutien du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, du ministère de la Transition écologique, du Gouvernement de Polynésie française et de l’Office français pour la biodiversité, cinq naturalistes de la LPO accompagnés d’une médecin, se rendent sur Clipperton depuis le Mexique à bord du Persévérance, le voilier océanographique du médecin explorateur Jean-Louis Etienne. L’équipe séjournera sur place du 11 au 22 novembre 2025 avec plusieurs objectifs :
- Actualiser les données sur l’avifaune observée
- Cartographier précisément l’atoll à l’aide de drones afin de documenter l’évolution de la végétation et de l’érosion.
- Étudier la faisabilité de l'élimination des rats noirs, dans le but de préserver les espèces indigènes et les équilibres écologiques.
- Réaliser un suivi des déchets présents sur l’île et notamment des dispositifs de concentration de pêche (DCP) de poissons laissés à la dérive.
A terme, l’enjeu vise le renforcement des dispositifs de protection de l’environnement à Clipperton. Depuis 2016, une aire marine protégée coïncide avec les eaux territoriales françaises, soit 12 miles nautiques (environ 22 km) autour de l’île. Il s’agit désormais de l’étendre jusqu’aux limites de la zone économique exclusive (ZEE), soit 200 miles nautiques (environ 370 km), pour atteindre une surface totale de plus de 400 000 km2.
Clipperton symbolise une biodiversité aussi exceptionnelle que fragile : celle de nos outremers. Le projet de restauration écologique de l’atoll illustre la responsabilité qui incombe à la France de protéger la nature sur l’ensemble de ses territoires, même les plus isolés.
