Une espèce sauvage qui n’est plus classée en ESOD peut-elle être toujours chassée ?

Actualité

Toutes les ESOD (Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts), nouvelle définition des espèces qu’on désignait avant sous le vocable de « nuisibles », sont chassables mais toutes les espèces chassables ne sont pas des ESOD. Ce qui signifie qu’une espèce peut ne plus être classée en ESOD (exemple récent du renard dans l’Yonne) mais demeure dans tous les cas chassable dans le cadre de la réglementation de la chasse (en tenant compte des modalités et des dates fixées par le plan de chasse de chaque département) puisque la liste des espèces chassables en France (90 espèces) est pour l’instant, et cela depuis 1987, intangible !

Renard roux - © Thibault Cuenot

Renard roux - © Thibault Cuenot

Expliquons-nous. Prenons le cas du plan de chasse à tir et au vol du département de l’Yonne 2023-2024 qui fixe les dates de chasse :

  • Du 17 septembre 2023 au 29 février 2024 pour toutes les espèces gibier mais également pour d’autres espèces comme celles faisant partie des ESOD qu’elles y soient classées ou non !
  • du 15 septembre 2023 au 15 janvier 2024 en ce qui concerne la chasse de la vénerie sous terre à laquelle s’oppose la LPO et qui concerne principalement le renard et le blaireau *, autre espèce chassable ;
  • du 15 septembre au 31 mars 2024 pour la chasse à courre, à cor et à cri mais que cette chasse reste très limitée dans l’Yonne tout comme celle de la vénerie sous terre (un seul équipage).

 

Cela signifie qu’en ce qui concerne le renard dans le département de l’Yonne, il ne peut plus être détruit hors des périodes de chasse, donc du 1 mars au 14 septembre puisqu’il n’est plus classé en ESOD. Dans l’Yonne, restent classées en ESOD du Groupe 2, le corbeau freux et la corneille noire.

Tableau - espèces classées ESOD en Bourgogne-Franche-Comté

On comprend donc que les finalités des espèces chassables ne sont pas les mêmes car :

  • d’un côté, on chasse pour le plaisir mais aussi pour se nourrir car l’homme a toujours été, et surtout lorsque c’était une nécessité, chasseur, pêcheur et cueilleur ! Cependant, tout au moins dans notre pays, on ne chasse pas a priori le renard, la martre, la fouine ou encore le corbeau freux ou la corneille noire pour les consommer en tant que nourriture !
  • d’un autre côté, on « régule » certaines espèces pour limiter les dégâts aux activités anthropiques et c’est dans ce cas-ci qu’on parle des espèces ESOD.

 

On constate donc que parmi la faune et la flore, toutes les espèces, quel que soit leur intérêt écologique, ne sont pas appréciées à la même hauteur. Certaines, par leur proximité avec l'homme, par leurs impacts sur nos activités, par leurs risques sanitaires, sont ainsi considérées comme néfastes ou dites « nuisibles ». Les ESOD sont ainsi soumises à une réglementation particulière, autorisant leur destruction en dehors de la période de chasse. Toute espèce animale sauvage non protégée peut être classée "susceptible d’occasionner des dégâts" pour l’un au moins des motifs visés à l’article R. 427‑6 du code de l’environnement.

  • santé et sécurité publique
  • protection de la flore et de la faune
  • prévention des dommages importants aux activités agricoles, forestières et aquacoles
  • prévention des dommages importants à d’autres formes de propriétés.

Par ailleurs, les espèces classées ESOD connaissent un régime plus souple quant aux modalités de leur destruction par tir ou piégeage que le régime applicable aux espèces chassables.

 

On constate donc que lorsqu’une espèce n’est plus classée ESOD comme c’est le cas récent du renard, de la martre et de la fouine dans l’Yonne, espèces qui ont été retirées lors du dernier arrêté du 3 août 2023 ayant trait au Groupe 2 (voir ci-dessous les espèces concernées), on peut donc continuer à la chasser parce qu’elle est - et on peut le regretter - toujours considérée comme un gibier. On met juste fin à une double peine pour l’espèce considérée ! On peut ainsi estimer que la destruction d’un renard, d’une martre ou d’une fouine pendant la période de chasse alors que ces espèces ont été retirées de la liste des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts est un geste totalement gratuit effectué pour le seul plaisir de tuer un animal par tir ou par piégeage ! En matière d’éthique, c’est évidemment très contestable et surtout contradictoire vis-à-vis du fait que l’espèce n’est plus classée dans celles considérées comme nuisibles mais le plan de chasse l’autorise.

*

Le classement des espèces considérées comme « susceptibles d’occasionner des dégâts » relève de décisions ministérielles ou préfectorales après un avis donné par une formation spécialisée mise en place dans chaque département et où participent souvent la LPO (c’est le cas dans l’Yonne) ainsi que d’experts, selon trois groupes d’espèces distincts.

Rappelons ceux-ci :

Le premier groupe concerne les espèces animales non indigènes (non originaires de France) et donc introduites. L'arrêté du 2 septembre 2016, relatif au contrôle par la chasse des populations de certaines espèces non indigènes, fixe la liste des espèces concernées, les périodes et modalités de destruction. Cela concerne le Chien viverrin, le Vison d'Amérique, le Raton laveur, le Ragondin, le Rat musqué et la Bernache du Canada. Ce groupe d’espèces dépend d’une décision nationale du MEDD et est identique dans tous les départements de notre pays.

Le second groupe est composé par des espèces animales indigènes. Le récent arrêté ministériel du 3 août 2023 pris pour application de l’article R. 427‑6 du code de l'environnement fixe, pour 3 ans, la liste des espèces concernées, les périodes et modalités de destruction. Les espèces concernées sont désormais au nombre de 9 : le Renard roux, la Fouine, la Martre des pins, la Belette d'Europe, la Pie bavarde, le Corbeau freux, la Corneille noire, l'Etourneau sansonnet et le Geai des chênes (le Putois a été récemment retiré de cette liste). La liste peut être totalement différente d’un département à un autre car la formation ESOD puis le Préfet de chaque département soumettent au MEDD une liste en tenant compte des dommages qui ont été déclarés ou susceptibles de porter atteinte aux biens en amont par les fédérations de chasse et de piégeage, la profession agricole et des particuliers.

Le troisième groupe définit une liste complémentaire d'espèces animales indigènes susceptibles d'être classées en fonction des conditions locales existantes. Chaque année, le préfet établit, par arrêté préfectoral et après l’avis de la formation spécialisée, une liste pour son département, parmi les espèces listées par arrêté ministériel (Lapin de garenne, Pigeon ramier et Sanglier d'Europe). Il prévoit également les modalités spécifiques de destruction de ces espèces. Cette liste est valable 1 an (du 1er juillet au 30 juin).On notera que contrairement aux espèces du Groupe 2, les espèces du Groupe 3 sont des espèces chassées en tant que gibier.

* Concernant la chasse au blaireau, les fédérations de chasse et de piégeage demandent régulièrement une période complémentaire de la chasse de cette espèce par vènerie sous terre entre le 15 mai et le 14 septembre en pleine période de reproduction. Cette demande a été régulièrement refusée par les services de l’Etat de l’Yonne mais a été acceptée dans d’autres départements de la région Bourgogne-Franche-Comté.

 

Guy Hervé

Délégation Yonne de la LPO BFC

(Personne qualifiée participant aux formations ESOD de la CDCFS de l’Yonne)