Refuge LPO dans l’Hérault

Mobilisation citoyenne

Dans l’Hérault, d’anciennes parcelles de vignes ont été agrémentées d’arbustes indigènes méditerranéens et reconverties en Refuge LPO sur le domaine de Micheline Blavier.

Pour quelles raisons vous êtes-vous engagée dans la démarche Refuge ?

Je me suis engagée dans la démarche Refuge bien avant d’adhérer à la LPO, dans les années 1990, à une époque où la LPO Hérault n’existait pas. C’est d’ailleurs à la faveur d’une réunion du groupe LPO 34, le 23 novembre 2002 au Refuge LPO La Ferme du Dolmen au Pouget, à laquelle étaient conviés tous les propriétaires de Refuge, que j’ai souhaité intégrer le comité de pilotage et donc devenir adhérente de la LPO. J’ai toujours aimé la nature et particulièrement les oiseaux, passion transmise par mes grands-parents vivant dans un petit village. Le programme Refuge répondait à mes attentes : faire partie d’un grand réseau, être accompagnée dans la démarche de protection globale de la biodiversité, connaissance des espèces, des milieux…

Quelles sont les principales actions que vous avez mis en place pour protéger la biodiversité dans votre Refuge ?

Le Refuge est une ancienne parcelle de vignes abandonnées. Les vignes ne sont plus, mais subsistent les terrasses bordées de haies d’arbustes méditerranéens : pistachiers térébinthes, lauriers tin, paliures, aubépines, azeroliers, prunelliers, nerprun alaterne... et d’arbres que les paysans plantaient au temps où les vendanges se faisaient encore à la main : amandiers, cognassiers, grenadiers, micocouliers…
Sous la première terrasse, un imposant talus de chênes verts et très vieux chênes pubescents domine une petite jungle d’arbustes et de lianes. Un talus herbacé, une friche et un grand roncier ferment la terrasse supérieure. Lors des fortes pluies, un fossé recueille l’eau d’une petite source intermittente. Les murs de soutènement en pierre de basalte ont été remontés. Une terrasse a été plantée de néfliers, oliviers, cyprès, arbres fruitiers. Deux terrasses accueillent la flore printanière : soucis, crépides, vesces, gesses, trèfles... Un petit potager occupe la terrasse supérieure.

Le muret de granite et sa flore muscinale © Micheline Blavier

Ce n’est pas un jardin extraordinaire, seulement un jardin « naturel » où tout ce qui veut pousser, grandir, monter en graine ou encore se reproduire est libre de le faire. La végétation est adaptée au climat méditerranéen donc pas d’arrosage pour les essences indigènes et peu pour les jeunes plantations (compost et paillage suffisent). C’est donc une mosaïque de milieux propice à l’accueil de la petite faune sauvage : oiseaux, insectes dont de nombreux papillons, amphibiens, reptiles et petits mammifères (écureuils roux, hérissons d’Europe).

Bien sûr, il faut maintenir ouvertes les prairies menacées par la pousse de jeunes frênes, transplanter les petits noisetiers que les écureuils ont involontairement semés ici et là, faucher de temps en temps, tailler parfois… Mais les talus, les ronciers, le sous-bois de chênes ne voient jamais la main de l’homme. Et c’est le domaine de la couleuvre à échelons, de la couleuvre de Montpellier, du rossignol philomèle qui y niche chaque année, de l’écureuil roux qui, cette année, a bâti son nid tout en haut d’un des vieux chênes blancs, tandis que le hérisson d’Europe, le lézard vert et le lézard des murailles ont élu domicile dans les tas de feuilles, les vieux tas de bois et les murs de pierres sèches. Ici, pas de produits chimiques mais, en toutes saisons, de l’eau à disposition pour la petite faune et quelques nichoirs artificiels pour certaines espèces (huppe fasciée, occupé cette année par un couple de rougequeue à front blanc ; un nichoir à mésange, laquelle a préféré cette année élever ses deux nichées dans le vieil arrosoir).

Pouvez-vous expliquer quels sont les végétaux nourriciers que vous avez plantés ? Et pour quelles raisons ?

Tout d’abord, les arbres fruitiers fournissent au printemps le nectar et le pollen aux insectes pollinisateurs. Ensuite des néfliers (se ressemant seuls) fleurissent tardivement en octobre-novembre et permettent ainsi d’offrir une ressource alimentaire aux pollinisateurs. Enfin, deux figuiers car les fruits et la sève sont notamment très appréciés des papillons silènes, brintesia et circe. Concernant les conifères, on retrouve le pin noir d’Autriche, le pin parasol et le cèdre pour accueillir, l’hiver, les roitelets à triple bandeau et, au printemps, les nids des chardonnerets élégants, serins cini, pigeons ramiers...

Je peux citer également les feuillus : un tilleul pour nourrir les abeilles, des micocouliers pour leurs petits fruits appréciés des fauvettes à tête noire, trois mûriers platanes pour les mûres que dégustent de nombreux oiseaux, de l’étourneau sansonnet au rougequeue à front blanc.

Différents arbustes sont également présents : Pittosporum truncatum, Oranger du Mexique, althéa hibiscus ou mauve en arbre, lilas pour leurs fleurs au printemps. Cotoneaster sp. pour les fruits en fin d’hiver, laurier tin (transplantés car se ressèment partout !) très fructifères et très appréciés des oiseaux notamment de la grive musicienne l’hiver. Viennent ensuite des plantes à fleurs : sauge de Jérusalem, iris (les fleurs sont très appréciées des escargots !), lys, lavandes, valériane ou barbe de Jupiter, belles de nuit et belles de jour pour la nourriture des insectes notamment des papillons.

Chrysomèle du romarin (Chrysolina americana), magnifique coléoptère phytophage qui se nourrit de lavande, thym, romarin © Micheline Blavier

Et enfin pour terminer, des plantes grimpantes : trois glycines dont les fleurs sont couvertes d’insectes au printemps (abeilles dont la charpentière, bourdons…), chèvrefeuille, pour ses fleurs et son feuillage servant de nourriture à certains papillons (sylvain azuré), vigne vierge et lierre pour leurs petits fruits. Le lierre est une plante particulièrement intéressante. Ses fleurs sont mellifères et c’est une des rares plantes dont les fruits, très nourrissants, mûrissent en fin d’hiver. Une trentaine d’espèces se gavent ainsi de ses baies noires, des pigeons aux corvidés, en passant par le merle noir, les grives et la fauvette à tête noire. Son feuillage sert de nourriture à la chenille de l’azuré des nerpruns, et dans son épaisseur les nichées sont à l’abri.

Quelles sont les principales actions de sensibilisation réalisées sur votre Refuge ? Comment sensibilisez-vous votre entourage ? (voisin, quartier, amis…)

Notre jardin est largement ouvert aux voisins et amis avec lesquels nous échangeons beaucoup. Pour la LPO, une seule visite est organisée. Nous sommes la plupart du temps en voyage une partie du printemps et à l’automne. Et pour des raisons familiales, nous ne pouvons prendre d’engagement à court et à moyen terme.

Quels résultats avez-vous obtenus depuis que vous êtes Refuge ? Quels changements voyez-vous ?

Depuis cette mise en Refuge et les actions entreprises, nous pouvons dire que nous avons un jardin plus naturel ainsi qu’une meilleure connaissance de la petite faune et de ses besoins.

Huppe fasciée (Upupa epops) sur pelouse sèche © Micheline Blavier

Quelles difficultés avez-vous rencontrées et quelles solutions avez-vous trouvées ?

D’une manière générale, les maladies sont absentes du jardin. Si l’une survient, il est parfois difficile de la contrer avec des méthodes naturelles.
Le problème, au fil des dernières années, est la sècheresse. De nombreuses plantes, même indigènes, même adultes, souffrent. Comment les sauver sans utiliser plus d’eau, telle est la question que nous nous posons actuellement.

Que diriez-vous aux gens pour qu’ils s’engagent dans la démarche Refuge ?

C’est merveilleux d’observer, d’admirer et de mieux connaître la diversité du vivant ayant choisi de grandir, pousser, se reproduire dans un jardin "naturel". C’est une formidable mine de découvertes parfois étonnantes.

Micheline Blavier est vice-présidente de la LPO Hérault (34).

Année de réalisation : 1990