Grand-duc d’Europe

Conseil Biodiversité

Il existe de nombreuses sous-espèces réparties sur l’ensemble du globe :

  • Afrique : le grand-duc à aigrettes (Bubo poensis), ascalaphe (Bubo ascalaphus), d’Afrique (Bubo africanus), de Mackinder (Bubo mackinderi), de Shelley (Bubo shelleyi), de Verreaux (Bubo lacteus), des Usumbara (Bubo vosseleri), du Cap (Bubo capensis), tacheté (Bubo leucostictus) et vermiculé (Bubo cinerascens)
  • Asie : le grand-duc bruyant (Bubo samatranus), de Coromandel (Bubo coromandus), des Philippines (Bubo philippensis), du Népal (Bubo nipalensis), indien (Bubo bengalensis) et de Blakinston (Bubo blakistoni)
  • Amériques : le grand-duc d’Amérique (Bubo virginianus) et de Magellan (Bubo magellanicus)

Nom allemand : Uhu
Nom anglais : Eurasian Eagle-Owl
Nom espagnol : Buho real
Nom italien : Gufo reale
Nom néerlandais : Oehoe
Nom russe : Filin
Nom suédois : Berguv

Grand-duc d’Europe

Grand-duc d'Europe © Christian Aussaguel

Description

Envergure : 150-188 cm

Longueur : 58-75 cm

Poids : 1,6-2,8 kg (mâle) à 1,8-4,2 kg (femelle)

Dimorphisme sexuel : Les femelles ont une tête et un corps nettement plus larges, et sont donc plus lourdes que les mâles.

Voix : Dès le début de l’hiver et jusqu’au printemps, le mâle fait entendre son chant, un hou-ôh grave, puissant et portant loin. La femelle répond de la même façon mais de manière plus aiguë.

Durée de vie : Dans la nature, le grand-duc peut vivre une vingtaine d’années, mais rares sont les individus qui meurent de leur mort naturelle.

Habitat : En France, le grand-duc niche principalement dans les falaises. Mais il se contente parfois de petites barres rocheuses, de simples éboulis voire d’un bloc rocheux isolé dans une pente boisée. En plaine, les carrières sont parfois occupées. Des cas de reproduction en forêt, sans habitat rupestre, sont exceptionnellement notés en France ; ils sont cependant communs dans le nord et le centre de l’Europe. Il niche alors au sol ou dans les aires de rapaces, de cigogne noire, de hérons, etc.
Le grand-duc peut également nicher à proximité immédiates des habitations, preuve de sa grande capacité d’adaptation.

Reproduction : La femelle pond 2-3 œufs qu’elle couve pendant 35 jours. Elle est ravitaillée par le mâle pendant l’incubation et l’élevage des jeunes. Ces derniers restent au nid environ 60 jours

Poussins en duvet © C. Fosserat

Alimentation : La capacité d’adaptation du grand-duc transparait dans son régime alimentaire, très varié. Il peut aussi bien capturer des mammifères (petits rongeurs, lapins, hérissons) que des oiseaux (corvidés, columbidés, etc.), des poissons, des amphibiens, des reptiles (gros lézards notamment) et des insectes (coléoptères). Il adapte donc son régime à la diversité des proies de son territoire.
Il est aussi un superprédateur capable de maitriser des mustélidés (fouine, martre, belette, hermine, genette, etc.) voire des renards. Les rapaces diurnes (buses, faucons, milans, épervier, etc.) et nocturnes (effraie, moyen-duc, chevêche, etc.) paient eux-aussi un lourd tribut au roi de la nuit

Identification : le grand-duc est le plus grand nocturne d’Europe. Il a un vol puissant et régulier, à coups d’ailes amples, avec des planés droits similaires à ceux de la buse. Les ailes, rondes et souples, ont une longueur presque trois fois supérieure à celle du corps. Pendant le vol, le dessus de la base de la main apparaît un peu plus clair (brun-jaunâtre) que le reste des rémiges, qui sont largement barrées de noir. La queue, courte et légèrement cunéiforme, semble faire partie des ailes.
Le disque facial incomplet est jaunâtre et surmonté par de longues aigrettes noires, bordées de roux sur le côté interne, visibles (sauf en vol). Elles sont tenues basses sur les côtés quand l’oiseau est calme ou inquiet, et dressées quand il chante ou qu’il est irrité.
La poitrine roussâtre est rayée de flammes brun-noir. Le dos, de teinte brune à rousse, est marqué de barres noires. La gorge présente un croissant blanc, surtout chez le mâle, visible lors du chant.
L’iris est normalement rouge – orangé, mais il existe des individus avec un iris jaune. Le bec et les ongles sont noirs tandis que les pattes sont emplumées jusqu’aux ongles.

Répartition

Le grand-duc est présent de l’ouest de l’Europe jusqu’à l’extrême est de l’Asie, en passant par la toundra boisée, le nord de l’Inde et l’ex-Indochine. Son aire de répartition aurait donc une superficie d’environ 30 millions de km². Il semblerait que dans certains pays de l’est et du sud de l’Europe, les effectifs diminuent (essentiellement en Russie). Il est par contre absent des îles Britanniques, de l’Islande et de la plupart des îles de la Méditerranée. 

En France, l’espèce occupe tous les principaux reliefs : Pyrénées, Massif central, Alpes, Jura, Bourgogne, Vosges et Ardennes. Le Massif central et la bordure méditerranéenne, du Languedoc à la Provence, sont les deux secteurs les plus riches avec, respectivement 700 et 430 couples. Toutefois, l’estimation de la richesse du pays doit être utilisée avec précaution puisque les données sur certaines régions sont incomplètes et l’effectif des populations varie fortement d’une région à l’autre.
L’espèce est absente de Corse et de la partie nord-ouest de la France.

Répartition du Grand-duc en Europe

Répartition du Grand-duc en Europe ; source : Rapaces nocturnes de France et d’Europe. Mebs T. et Scherzinger W. Delachaux et Niestlé. Paris, 2006

Répartition du Grand-duc en France en 2010. Source : Cahiers de la surveillance. LPO Mission Rapaces, 2011.

Répartition du Grand-duc en France en 2010. Source : Cahiers de la surveillance. LPO Mission Rapaces, 2011.

Effectifs

Nombre de couples en Europe : la population européenne, difficile à estimée, est comprise entre 19 000 et 38 000 couples (Cochet, 2006).
Nombre de couples nicheurs (France) : la population française est estimée à un peu plus de 1500 couples (Cochet, 2006)

Statuts

Statut légal

Le grand-duc, comme toutes les espèces de rapaces, est protégé en France, selon la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, codifiée aux articles L-411-1 et suivants du code de l’environnement (pour plus de détails, voir également l’arrêté d’application modifié du 17 avril 1981 fixant les listes des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire).

Il figure en annexe I de la Directive Oiseaux (n° 79/409 du 6 avril 1979). Cette directive européenne s'applique à tous les Etats membres de la Communauté, depuis le 6 avril 1981. Elle vise à assurer la protection de toutes les espèces d'oiseaux désignées en annexe I de la dite Directive et elle permet la désignation de Zones de Protection Spéciale, qui sont destinées à renforcer le réseau Natura 2000.

Le grand-duc figure également en annexe II de la Convention de Berne du 19 septembre 1979. Cette convention a pour objet d'assurer la conservation, au niveau européen, de la flore et de la faune sauvages et de leurs habitats naturels, notamment des espèces et des habitats dont la conservation nécessite la coopération de plusieurs états.

Il est aussi protégé par la Convention de Washington ou CITES du 3 mars 1973 et figure à l’annexe II. Cette annexe concerne les espèces qui, bien que n'étant pas nécessairement menacées d'extinction, pourraient le devenir si le commerce de leurs spécimens n'était pas étroitement contrôlé. Cette Convention sur le commerce international des espèces est un accord international entre états qui a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent.

En outre, le grand-duc est présent à l’annexe C1 du règlement communautaire n°3626/82/CEE relatif à l’application de la CITES dans l’Union Européenne.

Statut de conservation

A l’échelle européenne, selon les critères définis par Birdlife International (Tucker & Heath, 1994), le grand-duc est classé dans la catégorie SPEC 3 (espèce non concentrée en Europe au statut de conservation défavorable).

Elle figure sur la liste rouge de l’UICN des espèces menacées de disparition au niveau mondial et sur la liste rouge des espèces menacées de disparition en France, dans la catégorie « LC » « préoccupation mineure ».

 

Biologie et écologie

Migration et hivernage

Le grand-duc n’est pas un oiseau migrateur. Si les jeunes sont erratiques, les adultes sont sédentaires.

Reproduction

La maturité sexuelle est atteinte à 1 an mais ils ne se reproduisent avec succès, dans la nature, que vers 3 ans. Des études avec radiopistage ont révélés que les couples ne s’unissaient pas pour la vie. Certains ont même évoqué l’hypothèse de l’existence de bigamie ou de polygamie.

L’installation

V. Penteriani, dans le Lubéron, a observé deux périodes de chant, séparées dans le temps et de significations différentes. D’octobre à décembre, le chant du mâle a une fonction territoriale et s’adresse aux mâles alentour. Par contre, de janvier à février, le chant est destiné à la femelle, qui lui répond fréquemment. Le mâle adopte alors une posture caractéristique : corps à l’horizontale, queue tenue relevée, presque à la verticale.
En montagne, le grand-duc niche dans les cavités des parois rocheuses boisées, sur des corniches abritées par un surplomb protégeant le nid des intempéries ou dans des carrières. En plaine, l’espèce occupe les nids délaissés par d’autres rapaces ou niche au sol. Les sites de nidification sont souvent occupés pendant plusieurs années.

Grands-ducs d'Europe

© Fabrice Cahez

L’aire

Les œufs ne sont jamais pondus à même la pierre ou à même le sol. Le mâle (ou la femelle quand elle a choisi l’emplacement de l’aire parmi plusieurs choix) creuse une cuvette circulaire dans la terre meuble (la couche de terre ne fait parfois pas 5 cm d’épaisseur). Ce creux est parfaitement rond quelques jours avant la ponte.
Bien que le grand-duc n’apporte pas de matériel pour la construction de son aire, il aménage toutefois les environs : en cassant les branches ou en taillant du bec les buissons autour du nid, en « creusant » des tunnels dans les arbustes pour faciliter l’accès au nid… .

La ponte

La ponte du grand-duc peut s’étaler de mi-décembre à fin mai, avec un pic en mars. Les variations observées diffèrent selon les régions et les proies à disposition. La femelle pond 2-3, parfois 4 (et 5 exceptionnellement). Des pontes de remplacement sont parfois observées, sans doute dues au fait que le régime alimentaire du grand-duc est très varié, ce qui lui permet de nourrir les jeunes sur une grand période.

L’incubation

L’incubation, qui débute dès le premier œuf (d’où des différences de taille importante parfois entre les jeunes), dure entre 34 et 36 jours. Seule la femelle couve et de façon assidue. Lors des rares sorties de nid qu’elle s’octroie, le mâle en profite pour lui apporter une proie. Ce comportement est un moyen de repérer l’aire, surtout sur des grands sites de prospection.
Durant cette période, la femelle est dépendante du mâle, tout comme au début de l’élevage des jeunes.

L’élevage des jeunes

Après l’éclosion, la femelle reste dans l’aire en permanence. Seul le mâle assure le ravitaillement jusqu’à ce que les jeunes soient assez grands pour que le couple chasse, mais c’est la femelle qui se charge de la distribution de la nourriture aux jeunes.
A 4 semaines, les jeunes sont capables de se tenir debout ; ils font leur première tentative de vol à 8 semaines mais c’est seulement à 10 semaines qu’ils seront aptes à voler correctement. La sortie du nid peut néanmoins se faire au bout de 3 semaines et demie seulement si le nid est au sol mais à 10 semaines, quand les jeunes savent voler, pour les nids sur les falaises.
Après avoir quitté l’aire, les jeunes ne semblent plus y revenir. Toutefois, ils restent sur le site où ils sont nés jusqu’en octobre. Ensuite, ils se dispersent jusqu’à plusieurs dizaines de kilomètres, voire plus loin encore.

 

Régime alimentaire

Le régime alimentaire du grand-duc est très éclectique : mammifères, oiseaux, amphibiens, poissons et invertébrés. L’espèce fait preuve d’opportunisme, chassant toutes les espèces qui abondent sur son territoire. Mais globalement, 70 % de ses proies sont des mammifères (particulièrement des rongeurs). Son régime alimentaire est très étudié en France.

Le régime alimentaire des grands-ducs de la garrigue montpelliéraine a été bien étudié : sur 6 808 proies, Defontaines a identifié près de 22 % de lapins, 23 % de surmulots et 15,3 % d’invertébrés.
Au large de Marseille, sur l’archipel de Riou, le goéland leucophée représente 54 % des proies. En Camargue, le grand-duc capture aigrettes et hérons garde-bœufs. En Bourgogne, sur 361 proies étudiées. 60 % sont composées de surmulots, hérissons et lapins. En tout, 70 % de mammifères. Sur les 120 oiseaux identifiés, on note 10 effraies et 39 corneilles.

Compte tenu de la grande diversité des proies capturées, les techniques de chasse du grand-duc sont tout aussi variées : chasse à l’affût d’un poste plus ou moins élevé (rongeurs, hérissons, poissons), vol en rase-mottes ou le long des parois rocheuses (lièvres, perdrix, pigeons, canards), chasse à pieds (lézards, grenouilles, insectes, crustacés)… .

 

Utilisation des habitats

Le grand-duc vit dans des milieux très variés : falaises surplombant la Méditerranée ou à plus de 2 000 m d’altitude (Alpes), voire 4 500 m (Himalaya), gorges étroites, fjords (Norvège), marécages (Pologne, Roumanie), forêts de feuillus de l’Europe moyenne (Pologne), forêts boréales de résineux, taïga (Sibérie), steppes d’Asie centrale, déserts de roche et de sable, maquis et garrigues du bassin méditerranéen.

Il chasse dans les milieux ouverts ou peu boisés, mais niche dans les zones rocheuses ou les carrières pourvues de cavités offrant un accès facile. Néanmoins, il peut faire preuve d’une grande flexibilité vis-à-vis de son site de nidification, du moment qu’il n’est pas trop dérangé.

Falaise dans les Ardennes ©

Falaise dans les Ardennes © Daniel Gayet

Falaise de terre dans le sud toulousain

Falaise de terre dans le sud toulousain © Thomas Buzzi

Survie et mortalité

Dans la nature, le grand-duc peut vivre jusqu’à 27 ans et entre 28 et 34 ans en captivité (deux individus ont même atteint respectivement l’âge de 53 et 68 ans).

La mortalité moyenne la première année après l’envol est de 70 %. Et de 20 % les autres années.

 

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