Faucon pèlerin

Conseil Biodiversité
Jeune Faucon pèlerin

Jeune Faucon pèlerin © Jean-Claude Capel

Présentation

Classification

  • Nom français : Faucon pèlerin
  • Nom latin : Falco peregrinus
  • Embranchement : Vertébrés
  • Classe : Oiseaux
  • Ordre : Falconiformes
  • Famille : Falconidae
  • Genre : Falco
  • Espèce : peregrinus

A l’étranger :

  • Anglais : peregrine falcon
  • Allemand : Wanderfalke
  • Espagnol : Halcón Peregrino
  • Néerlandais : Slechtvalk
  • Italien : Falco pellegrino
  • Suédois : Pilgrimsfalk
  • Russe : Sapsan


La taxonomie distingue 18 à 28 sous-espèces de faucons pèlerins, parmi lesquelles on recense en Europe et en Méditerranée :

  • Falco peregrinus peregrinus, réparti en Europe, de l'Atlantique à l'Oural, et de la Scandinavie à la mer Méditerranée;
  • Falco peregrinus brookei, présent sur tout le pourtour de la Méditerranée (il se distingue du précédent par sa taille légèrement moindre et son plumage souvent plus ocre).

Sur le continent américain, on rencontre les quatre sous-espèces suivantes : Falco peregrinus pealei, tundrius, anatum et cassini.
Sur le continent australien et les îles indonésiennes, se côtoient Falco peregrinus ernesti, macropus, submelanogenys et nesiotes.
Sur le continent africain et à Madagascar, on rencontre du nord au sud Falco peregrinus brookei (au Maghreb), pelegrinoïdes, madens, arabicus (pointe est de la Somalie), minor, radama et perconfusius.
Au Proche et au Moyen-Orient ainsi que sur la péninsule arabique, on distingue Falco peregrinus rabicus et babilonicus.
Sur le continent asiatique, on rencontre Falco peregrinus calidusbrevirostrisperegrinatorkleinschmidtipleskeijaponensis et fruitii.

 

Description

 

Faucon pèlerin adulte

Faucon pèlerin adulte © Christian Aussaguel

« Un corps de corpulence modeste, à la fois effilé et compact, des couleurs sobres et brillantes, un plumage serré, quasi métallique, une tête ronde, un bec, certes crochu mais court, des yeux noirs au regard presque humain donnent au faucon pèlerin l’apparence d’une connaissance un peu hautaine, mais familière.
Quand il plane lentement à perte de vue dans le ciel nu, il peut, en quelques secondes, passer de l’état d’oiseau de chair et de plumes à celui de projectile irréel déchirant l’espace comme un météore. Voilà ce qui fait de cet oiseau exceptionnel la figure emblématique de la nature sauvage, celle à laquelle aspire plus ou moins consciemment l’être humain avide de liberté. »

R.-J. Monneret

  • Envergure : 70 à 85 cm chez le mâle, 95 à 105 cm chez la femelle
  • Longueur : 38 à 50 cm
  • Poids : 800 g à 1 000 g pour la femelle, 550 g à 650 g pour le mâle
  • Dimorphisme sexuel : la femelle est beaucoup plus imposante que le mâle (1/3 plus petit, d'où son nom de tiercelet). Outre la nette différence de taille entre les deux sexes, la femelle est généralement plus rousse et plus mouchetée à la gorge.
  • Voix : cliquer ici pour entendre son cri d’appel. Son extrait des CD "Tous les oiseaux d'Europe" avec l’aimable autorisation de Sittelle.
  • Durée de vie : jusqu’à 20 ans, mais la moyenne est plus proche de 8 à 10 ans, en raison de nombreuses causes de mortalité (tir, prédation, manque de ressources alimentaires, conditions climatiques défavorables, etc.).
  • Habitat : le faucon pèlerin niche sur les falaises rocheuses, du bord de mer jusqu'à la montagne (jusqu'à plus de 2 000 mètres d’altitude dans les Alpes du Nord). En hiver, il fréquente les plaines, attiré par des concentrations d'oiseaux. Quelques nidifications arboricoles ont été signalées (notamment en Allemagne). Désormais, on le rencontre également sur des sites artificiels, tels que châteaux d’eau, cheminées de centrales électriques et nucléaires, cathédrales, carrières, etc.
  • Reproduction : Le faucon pèlerin niche le plus fréquemment en falaise et, comme tous les faucons, il ne construit pas de nid. Il utilise les cavités et plateformes existantes. Les couples adultes se retrouvent tous les ans sur le même site (mais peuvent changer d’aire de nidification), alors que les immatures cherchent un partenaire et un site de nidification. Le territoire de reproduction, d’environ 500 mètres autour de l’aire dans nos régions, est fortement défendu.
  • Alimentation : le faucon pèlerin se nourrit exclusivement d'oiseaux de petite et moyenne tailles (corneilles, pies, geais, étourneaux, grives, merles, mouettes, pigeons, etc.), qu'il attaque en plein vol.
  • Identification : le faucon pèlerin se caractérise par un corps puissant et fuselé, à large poitrine. Les parties dorsales du mâle présentent une coloration gris bleu métallique, alors que les parties ventrales, plus claires, sont striées de bandes noires. La femelle, quant à elle est globalement plus foncée. La tête, presque entièrement noire, présente deux tâches noires sur les joues (caractéristiques du genre Falco), dénommées "moustaches", qui contrastent avec la gorge et la poitrine blanches. Les jeunes se distinguent des adultes par les parties inférieures ocre, et les bandes noires de forme plus allongée.

Fiche d’identification du faucon pèlerin

A ne pas confondre avec l'Epervier d'Europe : 

Epervier d'Europe

Epervier d'Europe © Photo Fabrice Croset

 

Biologie et écologie

Habitat

Faucon pèlerin sur une falaise

© Michel Menanteau

Le faucon pèlerin niche sur les falaises rocheuses, du bord de mer jusqu'à la montagne (jusqu'à plus de 2 000 mètres d’altitude dans les Alpes du Nord). Bien qu’il ne soit pas un nicheur rupestre exclusif, le faucon pèlerin reste cependant largement inféodé aux falaises rocheuses. Il n’a donc pas de biotope particulier, si ce n’est la présence de sites de reproduction de type rupestre (falaises, bâtiments, carrières, etc.). Les falaises lui servent de site de nidification, de poste d’observation, de lardoire (plateforme utilisée par le faucon pèlerin pour dépecer et manger sa proie) et de dortoir. L’espèce a également besoin d’une densité de proies suffisante pour assurer sa propre subsistance et celle de ses jeunes.

En période d’hivernage, le faucon pèlerin se rencontre aussi dans les plaines, qui servent de haltes migratoires et de sites d’hivernage pour les nombreuses espèces d’oiseaux dont il se nourrit.

Quelques nidifications arboricoles ont été signalées (notamment en Allemagne).

Désormais, l’espèce s’installe également dans les villes, dont les sites artificiels (cathédrales, cheminées de centrales, grands bâtiments, cimenteries, etc.) lui rappellent ses sites de prédilection et lui offrent une certaine tranquillité. Plus récemment, des nidifications sur pylônes électriques (dans d’anciens nids de corvidés) ont été détectées.

© Fabrice Croset

 

Reproduction

L’installation

Habitat naturel de nidification

Habitat naturel de nidification © Fabienne David

Si la recherche d’un partenaire, et donc la formation des couples ainsi que la recherche d’un site de nidification peuvent avoir lieu dès l’été, les parades et accouplements, traduisant le commencement de la saison de reproduction, débutent, eux, dès le mois de janvier, et se poursuivent jusqu’en février (soit un mois et demi à 15 jours avant la ponte).
Le faucon pèlerin, tout comme les autres faucons et les rapaces nocturnes, ne construit pas de nid. En grattant le sol, les adultes aménagent une cuvette de 10 à 20 centimètres de diamètre pour 1 centimètre à 8 centimètres de profondeur, selon la nature du sol (rocher nu, sable ou terre plus ou moins mêlé de pierres).

L’aire

Bien que dans certaines régions désertiques, le faucon pèlerin niche au sol ou dans les arbres, il est avant tout un nicheur rupestre. Les falaises calcaires, sans doute du fait des nombreuses vires et excavations disponibles, sont plus fréquemment utilisées. L’aire est souvent située dans la partie supérieure de la paroi rocheuse. L’orientation (préférentiellement est, nord, sud et ouest), la facilité d’accès en vol, l’inaccessibilité aux prédateurs terrestres, la protection contre les intempéries et l’humidité et la qualité du substrat sont des critères rentrant en compte dans le choix de l’aire de nidification, et sont, par conséquent, des facteurs déterminants pour la réussite des nichées.

Aire de nidification

Aire de nidification © Fabienne David

La ponte

Le pic des pontes est atteint vers la mi-mars. La ponte compte 3 ou 4 œufs, plus rarement 1, 2 ou 5, et même 7. Ces derniers sont pondus à des intervalles de 48 à 72h pendant lesquels les accouplements se poursuivent. Si la première couvée est détruite dans un délai de 8 à 12 jours après la ponte du dernier œuf, il peut y avoir une ponte de remplacement.
Les œufs sont de couleur crème, tachetés de rouge-ocre, ce qui donne un aspect global rouge brique.

Accouplement

Accouplement © Claude Le Pennec

L’incubation

L’incubation commence généralement à la ponte de l’avant dernier ou du dernier œuf. Il en découle des éclosions simultanées, à quelques heures près. La durée de l’incubation est d’environ 30 jours. Le mâle, surnommé « tiercelet », n’assure que 25% à 30 % du temps d’incubation. La règle veut que la femelle couve pendant la nuit. Pendant la période d’incubation, le mâle se charge de chasser et d’apporter les proies à la femelle, qui abandonne alors la couvée pour s’alimenter. Pendant ce temps, le mâle prend le relais de la femelle, en couvant les œufs (plus ou moins maladroitement).

L’élevage des jeunes

Les premiers nourrissages commencent quelques heures après l’éclosion. Ils sont assurés par la femelle, le mâle s’occupant d’apporter les proies à l’aire (il arrive que le mâle participe aux nourrissages). La taille des proies et la quantité de nourriture augmentent avec le développement des jeunes. Ces derniers voient leur duvet blanc disparaître progressivement dès le 30e jour, laissant apparaître le plumage de vol, de teinte brune dominante.

Eclosion

Eclosion © Guy Robbrecht

En dehors des nourrissages, les jeunes passent leur temps à dormir. Leur activité s’accroît avec le désir d’émancipation. Dès l’âge de trois semaines, les jeunes peuvent se tenir debout et se déplacer maladroitement. Âgés d’environ 35 jours, ils sont de plus en plus actifs, se déplacent dans l’aire, font des bonds et agitent frénétiquement leurs ailes. Les premiers vols, incertains et désordonnés, ont lieu durant la 6e semaine après l’éclosion. La période d’apprentissage du vol et de la chasse débute alors et durera jusqu’à la 7e et 8e semaine après l’envol. Poussés par un instinct erratique et l’absence de proies apportées par les adultes, les jeunes quittent ensuite le site (juin/juillet) et partent à la recherche d’un territoire.

Jeunes de trois semaines

Jeunes de trois semaines © Béatrice Creignou

"Cycle de reproduction du faucon pèlerin", fiche issue du Cahier technique Faucon pèlerin.

Maturité sexuelle

Le faucon pèlerin est adulte à l'âge de deux ans. Il peut cependant s’accoupler, sans se reproduire, dès l’âge d’un an.

Territoire de reproduction

Dans nos régions, le territoire de reproduction est d’environ 500 mètres autour de l’aire.

Mue

Chaque année, le faucon renouvelle intégralement son plumage. La mue commence au mois de mars (soit au début de la période de reproduction) et s'achève à l'automne, selon un schéma fixe. La mue de la femelle est plus précoce et relativement plus rapide que celle du mâle.
Les jeunes faucons acquièrent le plumage adulte dès leur première mue, qui se termine vers l’âge de 18 mois.

 

Régime alimentaire

Le faucon pèlerin est avant tout un chasseur d’oiseaux capturés en vol. Sa biologie est donc tributaire à la fois de l’abondance des proies dont il se nourrit et de sa technique de chasse particulière : l’attaque en piqué.

Son régime alimentaire est très diversifié : la taille des proies varie de celle du pinson à celle de la corneille, en fonction de l’abondance respective des espèces présentes sur son territoire. Son régime fluctue éminemment en fonction de la région considérée, voire de la période de l’année.
C'est sa technique de chasse particulière qui a attiré l'intérêt des fauconniers sur ce rapace. En effet, le faucon pèlerin attaque en plein vol les oiseaux dont il se nourrit. Son attrait pour les falaises lui donne un avantage certain aussi bien pour localiser sa proie que pour piquer sur elle à grande vitesse.

Sa technique de chasse peut varier selon la topographie de la région – plaine ou montagne – et les conditions aérologiques :
En plaine, et plus particulièrement dans les régions marécageuses où stationnent de fortes concentrations d’oiseaux migrateurs, la méthode de chasse du pèlerin consiste souvent à faire des passages répétés en vol battu ou des piqués de faible pente. Ces attaques sont initiées soit à partir du sol ou d’un perchoir peu élevé – arbre, piquet de clôture, pylône, etc. - soit à partir d’un vol battu ou plané à faible hauteur, l’objectif étant de faire décoller les oiseaux pour en capturer un en vol (les captures au sol sont extrêmement rares) ;

En région accidentée, la technique la plus employée est le piqué à grande vitesse, ailes plus ou moins fermées. Ces attaques sont entreprises aussi bien à partir d’un poste d’observation élevé – le plus souvent d’un affût situé dans ou à proximité de la falaise, qu’à partir d’un vol plané à grande hauteur – on dit « un vol d’amont ». Dans ces circonstances, l’attaque se développe en deux temps :

  • un vol de placement, au cours duquel le faucon prend de la hauteur à grands coups d’ailes amples et persistants, pour se positionner en situation favorable pour le piqué terminal. La direction du vol de placement ne présage en rien de la direction finale de l’attaque. La hauteur à partir de laquelle le piqué final est déclenché, varie en moyenne de 300 à 600 mètres, mais le faucon peut aussi entreprendre son piqué de beaucoup plus haut - jusqu’à 1 ou 2 kilomètres d’altitude ;
  • un piqué terminal à grande vitesse, qui se termine par la capture de la proie ou par une « ressource » verticale si la capture a échoué. Vers la fin du placement, la direction du vol s’incline vers le bas, les battements d’ailes deviennent de plus en plus rapides et précipités. Les ailes finissent par être collées au corps sur une trajectoire plus ou moins inclinée vers le bas (20 à 40° en moyenne). À la fin du piqué, la trajectoire s’aplatit, de sorte que la proie est abordée par dessous et par derrière, sur une trajectoire légèrement montante. Au dernier instant, le corps se redresse, et la capture est faite par la projection des serres en avant, au niveau de la tête. Si tout se passe bien, la proie est « liée » - c’est-à-dire agrippée et maintenue dans les serres. Si la proie esquive au dernier moment, elle peut être « buffetée » - c’est-à-dire frappée avec les serres sans être « liée » immédiatement. Mais si la première attaque échoue, le faucon peut aussi basculer vers le bas pour un piqué « secondaire », au cours duquel il tentera de nouveau sa chance.

La vitesse atteinte par le faucon au cours de ces attaques sur de faibles pentes, est couramment comprise entre 200 et 250 km/h ; cependant, les mesures faites en soufflerie montrent que, sur des trajectoires plus pentues et suffisamment longues, la vitesse pourrait atteindre 400km/h.
Le pourcentage de réussite des attaques est variable selon les régions, la topographie, la saison et les conditions climatiques. Au mieux, pour des oiseaux se déplaçant au-dessus d’un plan d’eau – lac ou bras de mer – ou d’une étendue désertique, le pourcentage est de l’ordre d’une prise pour 5 à 10 échecs. Sur des régions montagneuses et boisées, le taux de réussite tombe à une capture pour 15 à 20 attaques. On est donc loin du taux de réussite extraordinaire et légendaire avancé par certains.

Dessin

© Alexis Nouailhat

 

Migration

En Europe centrale et de l'Ouest, les faucons pèlerins adultes sont sédentaires ou partiellement migrateurs alors que les jeunes se dispersent, vagabondant dans toutes les directions.
En revanche, les oiseaux nordiques (Scandinavie) migrent pour hiverner, à partir du Sud de la Suède jusqu’à l’Afrique du Nord, principalement en plaine et sur les régions côtières.
En hiver, le faucon pèlerin peut donc être observé un peu partout sur le territoire français. Les zones sur lesquelles les observations les plus nombreuses sont réalisées, sont les lacs de Champagne au Nord, la Camargue et la Crau au Sud. Plus récemment, certains oiseaux hivernent sur des sites artificiels.

 

Distribution et effectifs

Distribution

Le faucon pèlerin est très largement répandu dans le monde, puisqu'il occupe tous les continents, à l'exception de l'Antarctique et de quelques archipels océaniques.

Distribution dans le Monde

Distribution mondiale

Carte fournie avec l’aimable autorisation de Lynx Edicions (extraite del Hoyo, J., Elliott, A. & Sargatal, J. eds. (1994). Handbook of the Birds of the World. Vol. 2. New World Vultures to Guineafowl. Lynx Edicions, Barcelona).

Distribution en France

En France, le faucon pèlerin occupe un territoire situé au sud d'un axe Metz / Biarritz mais également les côtes normandes, bretonnes et du nord du pays, qu’il colonise à nouveau depuis une quinzaine d’années. Actuellement, son aire de répartition ressemble, à peu de choses près, à celle qui existait avant le déclin des effectifs de sa population, mais le nombre de sites de reproduction occupés reste largement inférieur.

répartition en France

Effectifs

Europe

Le faucon pèlerin est répandu de façon hétérogène sur le continent européen. La population nicheuse est estimée en Europe entre 12 500 et 25 000 couples et représente moins d’un quart de la population mondiale. Sa tendance globale est à l’augmentation modérée (à l’exception de la Turquie où elle est à la baisse).

France

La dernière enquête, réalisée entre 2000 et 2002, estime la population nicheuse à 1 250 couples (Jean-Marc Thiollay, Vincent Bretagnolle, Rapaces nicheurs de France, Delachaux et Niestlé, 2004).

Evolution des effectifs

Les connaissances sur l’avifaune avant les années 1950 sont extrêmement réduites et peu approfondies. Aussi la fourchette (probablement sous-estimée) de 500 à 1 000 couples est-elle avancée comme effectif de la population nicheuse en 1930. L’inventaire des oiseaux réalisé en 1936 mentionne le faucon pèlerin en France comme « nidificateur dans la moitié Nord sur les falaises, régulièrement répandu dans le Sud et la Corse ». Ce n’est qu’en 1968 qu’un inventaire est lancé par Jean-François Terrasse qui révèle l’existence de 122 couples pour la France. L’extinction de l’espèce est alors annoncée par certains ornithologues. La baisse de fécondité et la mortalité due aux pesticides organochlorés employés dans l’agriculture, combinées aux destructions directes par tirs et aux désairages, ont conduit à cette situation dramatique. Le faucon pèlerin connaît entre 1945 et 1970 ses années noires, frôlant ainsi l’extinction.
Fort heureusement, le bannissement quasi total des pesticides organochlorés, l’inscription de l’espèce sur la liste des espèces protégées (protection totale des rapaces en 1972), et la surveillance des aires de nidification ont permis de stopper la chute des effectifs dans de nombreuses régions. Dès le début des années 70, le faucon pèlerin a vu ses effectifs remonter progressivement, et l’on considère aujourd’hui que l’espèce a retrouvé son aire de répartition d’avant le déclin, avec toutefois des effectifs moins conséquents sur quelques régions, en particulier dans l’Ouest de la France. Pour autant, si l’espèce est sauvée de l’extinction, ses populations restent fragiles, certaines à l’Est du pays ayant même amorcé un déclin.

 

Menaces et statuts

Menaces et facteurs limitants

Les causes du déclin qu’a connu le faucon pèlerin au milieu du siècle dernier ont été enrayées. Les pesticides organochlorés (DDT) ont été proscrits et l’inscription de l’espèce sur la liste des espèces protégées corrélée à la surveillance des aires de nidification ont permis de limiter le désairage des nichées et le tir des oiseaux. Mais ces menaces ont-elles été totalement enrayées ?

Les pesticides

Bien que les pesticides organochlorés (DDT) aient été interdits, d’autres pesticides, aux effets mal connus mais tout aussi dangereux pour la biodiversité, existent sur le marché mondial.

Tirs et désairage des nichées

Malgré la protection légale dont bénéficie le faucon pèlerin, des oiseaux tirés sont retrouvés (alors que d’autres ne le seront jamais) et des cas de désairage sont recensés.

Activités de pleine nature

Les activités telles que l’escalade, la randonnée ou encore le vol à voile connaissent aujourd’hui un essor considérable. Elles sont source de dérangements en période de nidification (absence de reproduction, abandon de couvées ou de nichées) et contribuent à réduire le nombre de sites naturels favorables (abandon de sites). Cette problématique affecte tous les rapaces rupestres et nécessite des actions d’information et de sensibilisation du grand public et des acteurs concernés.

Le grand-duc d'Europe

Le grand-duc d’Europe Bubo bubo, est le plus grand rapace nocturne de nos contrées. Il est aussi un redoutable prédateur au régime alimentaire très varié. Si les mammifères représentent la part majoritaire de son alimentation, les oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons et, dans une moindre mesure, les invertébrés figurent dans la composition de son alimentation. Et le faucon pèlerin ne fait pas exception.
Il faut dire que le grand-duc d’Europe a connu, en France notamment, une période critique s’étalant de 1950 à 1970. L’espèce n’était à l’époque pas protégée et faisait l’objet de destructions systématiques. La myxomatose, décimant les populations-proies de lapins de garenne, a également contribué à fragiliser et réduire la population. Dès la fin des années 70, le grand-duc a entamé la reconstitution de ses effectifs et la recolonisation de ses territoires. Aujourd’hui, l’espèce, inféodée au milieu rupestre, occupe tous les reliefs français et son aire de répartition s’étend des Pyrénées aux Vosges jusqu’aux Ardennes. Son aire de répartition en France, recouvre donc pour beaucoup celle du faucon pèlerin.
Le grand-duc d’Europe en prédatant le faucon pèlerin (les jeunes mais également les adultes) affecte ses populations et participe à leur régulation (de nombreux cas de disparition de couples nicheurs ont été constatés). Il faut dire qu’après son déclin, le faucon pèlerin a recolonisé le territoire en l’absence de prédateur et doit donc réapprendre à cohabiter avec lui.
Par ailleurs, moins exigeant que le faucon pèlerin quant aux sites de nidification, le grand-duc d’Europe réduit la disponibilité des sites favorables pour le faucon pèlerin dans les régions où les sites rupestres sont peu abondants. Cette crise de logement est moins marquée dans les secteurs riches en falaises, tels que les Alpes et les Pyrénées. La faible capacité de vol à longue distance du grand-duc, et par conséquent son installation à proximité des territoires de chasse, laisse des possibilités de sites de nidification au faucon.

Le nombre et la disponibilité des sites

L’expansion géographique du grand-duc et le développement des activités de pleine nature liées au milieu rupestre réduisent les disponibilités en sites de nidification favorables. De plus, étant donné que le faucon pèlerin colonise les sites naturels en s’installant de proche en proche, certaines régions voient l’ensemble de leurs sites rupestres favorables occupés par des couples de faucons pèlerins (la distance connue la plus faible entre deux couples est d’environ 200 mètres dans le Jura). Par ailleurs, les régions dépourvues de falaises contribuent à limiter la progression de la recolonisation du territoire par le faucon pèlerin.

La colombophilie

La Fédération colombophile de France se plaint depuis plusieurs années de nombreuses attaques imputées aux rapaces (principalement le faucon pèlerin, l’autour des palombes et l’épervier d’Europe) sur leurs pigeons voyageurs. Des réunions de concertation ont dès lors, été organisées entre le Ministère chargé de l’Ecologie, la LPO et la fédération colombophile. La LPO a proposé des mesures et expérimentations pour une meilleure cohabitation entre les rapaces et la colombophilie.

Statuts

Statut légal

Le faucon pèlerin, comme toutes les espèces de rapaces, est protégé en France, selon la loi du 10 juillet 1976 (arrêté d’application du 17 avril 1981) relative à la protection de la nature.

De plus, il figure en annexe I de la Directive « Oiseaux » (n° 79/409 du 6 avril 1979). Cette directive européenne s'applique à tous les Etats membres de la Communauté, depuis le 6 avril 1981. Elle vise à assurer la protection de toutes les espèces d'oiseaux désignées en annexe I de la dite Directive et permet la désignation de Zones de protection spéciales (ZPS) destinées à renforcer le réseau Natura 2000.

Le faucon pèlerin figure également en annexe II de la Convention de Berne qui a pour objet d'assurer la conservation, au niveau européen, de la flore et de la faune sauvages et de leurs habitats naturels, notamment des espèces et des habitats dont la conservation nécessite la coopération de plusieurs Etats.

De plus, en tant qu’espèce migratrice, la Convention de Bonn (82/461/CEE du Conseil, du 24 juin 1982) lui accorde un statut de protection à l'échelle mondiale (annexe II : espèce migratrice se trouvant dans un état de conservation défavorable et nécessitant l’adoption de mesures de conservation et de gestion appropriées).

Comme l’ensemble des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction, le faucon pèlerin est protégé par la CITES ou Convention de Washington (annexe I : espèce menacée d’extinction pour laquelle le commerce ne doit être autorisé que dans des conditions exceptionnelles). Cette Convention sur le Commerce International des Espèces est un accord international entre Etats qui a pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent.

Statut de conservation

Au niveau mondial, le faucon pèlerin figure dans la catégorie « préoccupation mineure » (Least Concern) sur la liste rouge de l’UICN. En effet, l’espèce a une large distribution, la tendance globale de la population semble être stable et la taille de la population est importante. C’est pourquoi l'espèce ne semble-t-elle pas approcher le seuil des critères de déclin de population définis par l'IUCN (BirdLife International, 2011).

A l'échelle européenne, d'après les critères définis par BirdLife International (TUCKER et HEATH, 1994), le faucon pèlerin est classé en NON-SPEC.
(rappel de la signification des catégories : NON-SPEC = espèce non concentrée en Europe au statut de conservation favorable ; SPEC 1 = espèce menacée à l'échelle planétaire ; SPEC 2 = espèce à statut européen défavorable, dont la majorité de la population mondiale se trouve en Europe; SPEC 3 = espèce à statut européen défavorable dont la majorité de la population se trouve hors d'Europe ; SPEC 4 = espèce à statut européen non défavorable dont la majorité de la population mondiale se trouve en Europe)

En France, l'espèce est inscrite sur la Liste rouge des espèces menacées dans la catégorie « préoccupation mineure (LC) » (liste rouge, 2008).

 

Et découvrez le Faucon pèlerin en langue des signes 

 

 

Depuis sans doute des centaines de milliers d’années, le faucon pèlerin a su s’imposer sur la scène de l’évolution comme la plus parfaite machine à voler pour capturer en vol les oiseaux dont il se nourrit. Preuve de cette perfection, il est unique en son genre et à quelques détails près occupe presque toute la planète.

Cette perfection ne l’a pas empêché de connaître bien des mésaventures quand il s’est agi de cohabiter avec Homo sapiens…
L’homme primitif, encore paléolithique, a bien dû découvrir et utiliser ses fabuleuses facultés de chasseur… La fauconnerie était née et ce rapace allait connaître ses heures de gloire, quand il fut célébré dans toutes les cours d’Europe, comme l’oiseau de haut vol par excellence.

La haine des prédateurs qui a accompagné les réformes cynégétiques des derniers siècles n’a pas épargné notre faucon, qui d’oiseau roi est devenu nuisible et bec-crochu, à éliminer par tous les moyens.

Si l’on ajoute le « Printemps silencieux » décrit dans les années 1950 par Rachel Carson, où les pesticides organochlorés empêchaient ce rapace de se reproduire, on a frisé le désastre de sa disparition imminente.

Il n’en fallait pas moins pour déclencher un mouvement sans précédent pour venir en aide à ce rapace mythique, et c’est bien à l’appel de ces amoureux du faucon pèlerin, que sont nées à la fin des années 60, de nombreuses initiatives pour empêcher l’irrémédiable. Le Fonds d’Intervention pour les Rapaces, très vite connu comme le FIR dès 1972, va regrouper et dynamiser toutes ces énergies. Un réseau de surveillance des aires de faucons jusqu’à l’envol des jeunes se met en place, d’abord en Lorraine et dans le Jura, puis en Alsace et dans les pays limitrophes comme la Belgique, l’Allemagne ou la Suisse, afin d’empêcher les fauconniers venus d’Europe ou du Moyen-Orient, de dénicher les derniers et précieux nids.

En 1974, les premières circulaires du FIR font état d’une cinquantaine d’aires de faucon pèlerin surveillées, cette fois jusqu’au Massif central et dans les Pyrénées.

Aux USA, la même situation de quasi-extinction de cette espèce prestigieuse, a permis la création d’une autre formidable machine à protéger les rapaces, le Peregrine Fund qui s’est donné pour mission de reconstituer l’ancienne population de faucon pèlerin américain.

Aujourd’hui, le Peregrine Fund est l’un des plus puissants organismes mondiaux de protection des rapaces.

Quant à nous qui avons vécu ces presque cinquante années de lutte, nous mesurons avec émerveillement le chemin parcouru. Avoir été les témoins de la disparition totale, année après année, des faucons de Normandie dans les années 1960 et de leur retour triomphal depuis une dizaine d’années, dans les falaises du Pays de Caux et de la vallée de Seine, laisse bien imaginer les déchirements et les joies que nous avons connus.

Dernières bonnes nouvelles: l’installation en ville de nombreux couples vient ajouter un nouveau jalon plein d’espoir à l’histoire mouvementée de cette espèce, bien décidée à nous prouver encore un peu plus son incroyable plasticité et son aptitude à coloniser de nouveaux territoires.

Paradoxalement, l’oiseau chasseur est entré en beauté dans ce XXIe siècle. Nous ne doutons pas qu’il sera accompagné dans cet avenir plein d’embûches par le même enthousiasme et le même élan de protection.

Michel Terrasse, Vice-président de la LPO Mission Rapaces