Pie-grièche méridionale

Conseil Biodiversité
Pie-grièche méridionale

Pie-grièche méridionale © Emile Barbelette

Description

Lanius meridionalis

Longueur 24 cm.

C’est une pie-grièche blanche, grise et noire ressemblant à la Pie-grièche grise Lanius excubitor dont elle a aussi la taille. Sexes indiscernables. Le dessus (calotte, manteau, dos) est gris plomb. Les scapulaires sont blanches, et les ailes noires marquées d’un seul miroir blanc à la base des rémiges primaires. Le masque facial est bien marqué et surmonté d’un fin sourcil blanc, généralement bien visible et contrastant avec le gris sombre de la calotte et le bandeau noir sur l’œil. La queue est noire bordée de blanc. La gorge et les joues blanches contrastent avec le reste des parties inférieures d’une belle couleur rose lilas. Les jeunes oiseaux sont identiques aux adultes, mais plus ternes avec des parties inférieures grisâtres ou teintées de rose jaunâtre. De fines vermiculures sont parfois présentes sur la poitrine.

 

Répartition

Cette pie-grièche niche uniquement dans la péninsule Ibérique et dans le sud de la France.

En France, la Pie-grièche méridionale niche exclusivement dans les régions appartenant au domaine biogéographique méditerranéen. On la retrouve ainsi principalement dans les régions Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur. La limite orientale de son aire de répartition est atteinte dans le département des Alpes-Maritimes. Les recensements entrepris au cours des dernières années montrent la présence de plusieurs sous-populations disjointes au sein des régions, comptant parfois plus d’une centaine de couples.

Répartition de la Pie-grièche méridionale en France sur la période 2005-2012 (Issa & Muller, 2012) et 2016-2019 (Faune France et INPN)

Répartition de la Pie-grièche méridionale en France sur la période 2005-2012 (Issa & Muller, 2012) et 2016-2019 (Faune France et INPN)

 

Reproduction

Les couples se forment tôt, vers la mi-janvier quand les conditions météorologiques sont favorables.

Le nid est un peu plus petit que celui de la Pie-grièche grise et est largement constitué de brindilles et de plantes sèches. La hauteur moyenne de 39 nids trouvés dans le sud de la France (surtout Bouches-du-Rhône) était d’environ 1 m, mais le nid peut parfois être placé jusqu’à 5 m de hauteur dans des chênes verts, des micocouliers, etc. Il est souvent bien dissimulé, situé en profondeur à l’intérieur de filaires ou de gros ronciers.

Le début de la ponte s’étale de la fin mars à la fin juin, avec un pic dans les deux dernières décades d’avril. En Estrémadure (Espagne), la période de ponte se situe entre mars et avril ; la moitié des pontes étant déposées en mars. Les pontes de remplacement sont fréquentes. En France, il n’existe pour le moment aucune preuve de seconde ponte normale après réussite de la première. En Espagne, au sud des Cantabriques, on a cependant découvert quatre deuxièmes pontes normales sur 24 premières pontes. Selon des données françaises, la ponte comprend de 4 à 7 œufs. L’incubation dure en moyenne 18 jours et les jeunes quittent le nid à l’âge de 15 jours.

 

Habitat

L’habitat originel de cette pie-grièche est probablement à rechercher dans les formations arbustives semi-ouvertes de la région méditerranéenne.

La Pie-grièche méridionale est souvent perchée entre 1 et 3 m de hauteur et construit généralement son nid à faible hauteur dans un gros buisson ou sur un arbuste. La superficie du territoire d’un couple est de l’ordre de 10 à 20 ha, et varie sans doute selon les saisons et en fonction de la qualité du milieu.

En France, l’espèce niche depuis des altitudes très basses, voisines du niveau de la mer jusqu’à 1800 m, valeurs atteintes sur le plateau de Cerdagne (Pyrénées Orientales). En moyenne montagne, dans les secteurs de roches calcaires (Alpilles & Lubéron par exemple), l’habitat typique est constitué par la garrigue basse très dégradée à chênes kermès, typiques des secteurs régulièrement incendiés dans lesquels l’oiseau peut cacher son nid. Sur les Grands Causses, la Pie-grièche méridionale est présente dans les landes à buis entre 550 et 1000 m d’altitude. En haute montagne, dans les Pyrénées-Orientales, l’espèce habite les landes des versants bien orientés, les prés de fauche et pâtures parsemés de buissons et d’arbustes, entre 1400 et 1800 m d’altitude.

A basse altitude, par exemple dans la plaine languedocienne, des couples s’installent typiquement en zone agricole dans des secteurs dominés par des vignes, à condition que subsistent des secteurs prairiaux ou en friche, voire des lambeaux de garrigue dégradée et des buissons divers, notamment des ronciers où les nids sont souvent dissimulés. L’espèce peut également occuper des habitats arides semi-steppiques comme la Crau sèche, vaste désert de pierres à végétation rase. Ce sont principalement les zones marginales qui sont fréquentées, où les poiriers sauvages (Pyrus amygdaliformis) et les chênes verts servent de support au nid. Celui-ci peut également se trouver dans des ronciers, y compris dans ceux qui poussent le long des nombreux tas de pierres édifiés dans le centre de la Crau. Les pelouses sableuses à filaires de Camargue sont également des habitats arides occupés par l’espèce. La fermeture de ces milieux a peut-être conduit à une disparition récente dans ces secteurs.

Habitat occupé par la Pie-grièche méridionale dans le sud de la France (source : salamandre.org)

Habitat occupé par la Pie-grièche méridionale dans le sud de la France (source : salamandre.org)

 

Alimentation

Comme toutes les pies-grièches, la Pie-grièche méridionale chasse à l’affût et prélève la majorité de ses proies au sol. Dans son domaine méditerranéen, les perchoirs naturels potentiels sont généralement peu élevés. Localement, grâce à la présence de lignes électriques par exemple, l’espèce n’hésite pas à se percher entre 6 et 10 m de hauteur, voire plus haut. Cela lui permet de mieux surveiller son territoire et particulièrement les zones de chasse. L’espèce pratique moins le vol stationnaire que la Pie-grièche grise.

En Crau sèche, peu de vertébrés sont consommés par les adultes, tout au plus quelques jeunes oiseaux. L’importance des différents groupes d’invertébrés varie selon les saisons, les hyménoptères étant consommés surtout en automne, les arachnides en automne et en hiver, les orthoptères en été et en automne, les chenilles de lépidoptères en hiver et au printemps, puis, un peu plus tard, des jeunes oiseaux capturés hors du nid. Des coléoptères sont capturés toute l’année en grand nombre.

 

Effectifs et tendances

D’après les chiffres de BirdLife International (2021) la population mondiale de Pie-grièche méridionale comprendrait entre 360 000 et 600 000 couples. L’Espagne représentant le bastion de l’espèce avec plus de 95% des effectifs.

L’espèce est considérée comme en déclin au sein de son aire de répartition avec une diminution des effectifs d’environ 60% au cours de la période 1998-2016, en Espagne (BirdLife International, 2021).

En France la population est estimée à 550-1200 couples nicheurs.

La comparaison des effectifs actuels avec ceux enregistrés au cours de l’enquête 1993/94 (1100-2000 couples) suggère une régression de l’ordre de 40%.

Estimation des effectifs nicheurs (nbr de couples) et des tendances de population à court terme de Pie-grièche méridionale dans les différents pays d’Europe. Pour l’estimation des tendances « + » correspond à une augmentation, « - » : diminution, « 0 » : stabilité (variation de +/- 20%) et « ? » : inconnu (données insuffisantes). En orange figurent les pays appartenant à l’Union Européenne.

Estimation des effectifs nicheurs (nbr de couples) et des tendances de population à court terme de Pie-grièche méridionale dans les différents pays d’Europe. Pour l’estimation des tendances « + » correspond à une augmentation, « - » : diminution, « 0 » : stabilité (variation de +/- 20%) et « ? » : inconnu (données insuffisantes). En orange figurent les pays appartenant à l’Union Européenne.

 

Menaces

1-Disparition de l’habitat sur les zones de nidification

Selon les lieux, la Pie-grièche méridionale peut être victime de l’intensification ou de la déprise agricole. Dans les milieux semi-naturels montagnards du sud de la France, les paysages ouverts ou semi-ouverts se referment rapidement quand cessent les activités humaines liées à l’élevage (ovins surtout). Une agriculture extensive basée sur le pastoralisme est importante pour maintenir les habitats favorables aux pies-grièches. Dans la plaine agricole du Languedoc Lanius meridionalis peut, au contraire, souffrir des aménagements agricoles qui tendent à uniformiser le paysage : agrandissement des parcelles, arrachage de haies ou vergers traditionnels d’amandier-olivier, élimination des indispensables ronciers, goudronnage des chemins, etc. L’urbanisation galopante dans la région méditerranéenne peut également faire disparaître des habitats favorables à cette espèce.

2-Dégradation de la qualité de l’habitat sur les zones de nidification

Outre la disparition de son milieu de vie, c’est aussi une dégradation de la qualité des habitats existants qui pourrait affecter la Pie-grièche méridionale et les pies-grièches en général. En effet, une fertilisation excessive entraîne un appauvrissement du cortège floristique et donc d’insectes. Les ressources trophiques se font ainsi moins abondantes ce qui réduit le succès reproducteur. De même les vermifuges utilisés sur les animaux domestiques fréquentant les milieux à Pie-grièche méridionales, et les produits phytosanitaires en général réduisent la disponibilité en insectes et sont susceptibles de causer des empoisonnements secondaires sur les pies-grièches.

 

Statut légal de protection

Au niveau Européen, la Pie-Grièche méridionale est inscrite en annexe II de la convention de Berne, relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel en Europe, en tant qu’espèce de faune strictement protégée.

En France, l’espèce est protégée par l’arrêté ministériel du 09 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire ainsi que par l’arrêté ministériel du 6 janvier 2020 fixant la liste des espèces animales et végétales à la protection desquelles il ne peut être dérogé qu'après avis du Conseil National de Protection de la Nature.