Pernis apivorus
Famille des accipitridae
Buse ou bondrée...
De fait, la ressemblance existe : quasi même taille, même recto couleur de terre, même verso mi-sombre mi-strié, mêmes larges ailes de planeur, même queue souvent étalée en éventail lorsque l'oiseau plane, "pompe" avec délices dans une ascendance estivale, et presque autant de variantes dans cette face ventrale tantôt nettement contrastée, tantôt brune, tantôt très claire avec juste les poignets sombres. Que faut-il donc regarder ? Au posé, c'est facile.
Aucun autre Rapace ne porte cette "tête de Pigeon", grise, à laquelle l'iris jaune de l'œil donne décidément une expression de volaille. En vol, plusieurs détails vous montreront "ce qui cloche" : ces ailes qui paraissent un rien trop longues ; cette façon de les tenir arquées vers le bas, quand la Buse les maintiendrait plutôt en V assez ouvert.
Si l'éclairage vous est propice, vous verrez la queue invariablement terminée par une large barre sombre. Enfin, Géroudet fournit un détail bien commode et plutôt fiable : comparez la longueur de la queue à la largeur de l'aile à sa base. Chez l'athlétique Buse variable, cette dernière sera plus importante. Si la queue l'emporte, vous avez affaire à une Bondrée... J'oubliais : avant de vous dévisser la rétine pour chercher pareils détails, braquez-la d'abord sur le calendrier.
La Bondrée est un migrateur au long cours, un aviateur transsaharien qui n'est présent dans notre région que de mi-avril à fin octobre. Mai et août-septembre sont les mois principaux de migrations, qui rendent possibles des observations de flux parfois importants.
A la recherche de proies souterraines
Si la Bondrée ne daigne nous rendre visite que quatre à cinq mois par an, il y a une bonne raison ; une raison qu'elle porte dans son nom. La Bondrée est apivore : non, cela ne signifie pas que vous la verrez pourchasser guêpes et bourdons en vol en lançant ses larges battoirs dans d'improbables loopings. La Bondrée chasse principalement à terre, parfois "à pied", et recherche les nids souterrains d'hyménoptères (1). Sitôt la colonie repérée, la Bondrée la déterre des pattes, parfois du bec, avec la dernière énergie, jusqu'à 20 cm de profondeur et plus. La cité prise est mise à sac, emportée par morceaux jusqu'à l'aire, quand le couvain n'est pas dévoré sur place. Les adultes sont capturés et mangés généralement sans l'aiguillon. Ce régime alimentaire des plus originaux est complété à l'occasion par d'autres familles d'insectes, et rarement de petits vertébrés. L'abondance en hyménoptères conditionne largement la présence de l'espèce.
La Bondrée fréquente donc des paysages divers, mêlant milieux ouverts riches en proies, et en bois et bosquets, où sera installée l'aire. La lisière d'un bois entouré de prairies et de champs formera un milieu typique.
Applaudir des ailes
Au retour de migration, les couples sont généralement déjà formés. La fourche d'un grand arbre, généralement à plus de dix mètres, et bien souvent une ancienne aire, formeront le support du nid de l'année. La construction est lente, entrecoupée de ces fameuses parades aériennes qui ont fait la célébrité de l'espèce. Alors que le couple plane dans une colonne d'air chaud, l'un des oiseaux se lance dans une figure qui l'amène à "applaudir" des ailes, celles-ci venant presque à se toucher au-dessus de la tête à plusieurs reprises.
Finalement, la Bondrée mériterait donc son heure de gloire à la Ferté-Alais ; mais pas de meetings pour les Rapaces ; juin est le mois de la ponte et de l'élevage des jeunes, qui se déroule dans la plus grande discrétion. 35 jours d'incubation, à peu près autant de croissance, seront nécessaires avant que les aspirants pilotes quittent l'aire. Ils seront nourris à son voisinage encore deux longues semaines, avant de prendre, comme les adultes, la direction du sud, à partir de mi-août.
En migration, la Bondrée démontre sa science du vol à voile. Souvent réunies dans les mêmes ascendances, les Bondrées "pompent" - montent en spirale - puis "tirent" vers le sud, perdant lentement de l'altitude en direction de l'ascendance suivante, souvent sans donner un coup d'aile. Les grands entonnoirs migratoires offrent l'occasion de les observer par centaines en peu d'heures.
(1) Hyménoptère : insecte possédant deux paires d'ailes solidaires pendant le vol, et dont la larve ne peut subvenir seule à ses besoins tel que l'abeille, la fourmi, la guêpe... (d'après Larousse).