Une espèce classée en danger critique d’extinction
Le Vison d’Europe (Mustela lutreola), espèce remarquable de notre patrimoine naturel, est l’un des mammifères les plus menacés d’Europe. Avec moins de 250 individus en France, ce petit carnivore en régression constante depuis le milieu du XXème siècle est aujourd’hui tout près de disparaître de nos régions.
Le Vison d’Europe, de son nom scientifique Mustela lutreola, appartient à la famille des Mustélidés. 57 espèces composent cette famille à travers le monde et 8 espèces natives sont présentes en France :
- La Belette (Mustela nivalis)
- L’Hermine (Mustela erminea)
- Le Vison d’Europe (Mustela lutreola)
- Le Putois d’Europe (Mustela putorius)
- La Fouine (Martes foina)
- La Martre des Pins (Martes martes)
- La Loutre d’Europe (Lutra lutra)
- Le Blaireau européen (Meles meles)
Comme tous les membres de sa famille, le Vison d’Europe possède un corps allongé et souple avec des pattes courtes et de petites oreilles dépassant peu de la fourrure. Entièrement brun-chocolat il est caractérisé par une tache blanche présente sur le museau sur ses lèvres inférieure et supérieure. Les individus de cette espèce pèsent rarement plus d’un kilo et mesurent moins de 50 cm. Un dimorphisme sexuel est observé en faveur des mâles (en moyenne 850g pour les mâles et 500g pour les femelles).
Une espèce discrète et souvent méconnue
Principalement crépusculaire et nocturne, le Vison d’Europe est très discret et difficile à observer. Il est donc peu connu du grand public. Dans le milieu naturel, il est d’ailleurs souvent confondu avec le vison d’Amérique, espèce introduite en Europe pour sa fourrure, ou le putois.
Le Vison d’Europe est une espèce adaptée à la vie semi-aquatique et dépend des zones humides. A ce titre il utilise tous les types de milieux aquatiques disponibles allant des cours d’eau forestiers ou agricoles et des ruisseaux aux boisements inondables, marais et prairies humides. Une végétation terrestre basse et dense tels que les carex, les roseaux ou les ronces est essentielle pour qu’il puisse s’abriter et chasser.
Carnivore généraliste, il est peu exclusif dans son alimentation et consomme tout type de proies disponibles liées au milieu aquatique. Il se nourrit ainsi d’amphibiens, de petits mammifères, de poissons, d’oiseaux et de crustacés.
Solitaire et territorial, il occupe des territoires vastes pouvant s’étendre de 3 à 15 km de cours d’eau principal par individu. La ressource alimentaire et la disponibilité en habitats de qualité influent sur la taille du territoire. Le mâle et la femelle vivent séparés la plus grande partie de l’année et se retrouvent à l’époque du rut de février à avril. Chaque année une seule portée de 2 à 5 jeunes voit le jour au printemps. La femelle assure seule leur élevage et les jeunes sont sevrés après environ dix semaines. Ces derniers atteignent leur maturité sexuelle l’année qui suit leur naissance. Dans le milieu naturel, le Vison d’Europe a une durée de vie d’environ 4 à 5 ans.
Menacée à court terme
Le Vison d’Europe occupait autrefois une grande partie du continent européen, de l’Oural aux côtes atlantiques françaises. Depuis la moitié du XIXème siècle les populations n’ont cessé de régresser, disparaissant de plus de 20 pays et ne laissant plus que quelques zones occupées en Europe de l’est (Roumanie, Russie, Estonie), et en Europe occidentale, dans le sud-ouest de la France et le nord de l’Espagne. De nos jours, le Vison d’Europe a ainsi perdu 85% de son aire de répartition d’origine.
En France, au début du XXème siècle, l’espèce pouvait être vue dans une quarantaine de départements français. Aujourd’hui, l’aire de présence supposée du Vison d’Europe se limite 7 départements de Nouvelle Aquitaine :
- Charente-Maritime
- Charente
- Gironde
- Dordogne
- Landes
- Lot-et-Garonne
- Pyrénées Atlantiques
Les études en cours suggèrent toutefois une nouvelle diminution et une fragmentation de l’aire de répartition de l’espèce en France.
Des causes multiples de régression et majoritairement anthropiques
Différents facteurs, la plupart d’origine anthropique, contribuent au déclin de l’espèce. L’intensification agricole, la régulation du débit des cours d’eau, le développement de l’urbanisation, la pollution des eaux… ont entraîné la dégradation et la disparition des zones humides, habitats de prédilection du Vison d’Europe. Les habitats de repos, de reproduction et de chasse du Vison ainsi que les disponibilités en proies ont progressivement diminué au cours du XXème siècle impactant le maintien de l’espèce.
Le fort développement des infrastructures routières a entraîné une augmentation de la mortalité directe par collision avec des véhicules.
L’importation en France du Vison d’Amérique, originaire d’Amérique du Nord, au début du XXème siècle pour le commerce de sa fourrure a eu des conséquences désastreuses pour les populations de Vison d’Europe. Des individus de Vison d’Amérique se sont échappés des fermes d’élevage et ont colonisé progressivement le réseau hydrographique français avec succès.
Trois populations férales sont actuellement observées : en Bretagne, au sud de la région Nouvelle-Aquitaine et au sud-est de l’Occitanie. Il concurrence directement le Vison d’Europe pour l’habitat et les ressources alimentaires. L’expansion de cette espèce exotique envahissante constitue ainsi une menace importante pour les dernières populations de Vison d’Europe présentes dans le milieu naturel dans toute l’Europe.
De plus, les campagnes de destruction engagées envers le Vison d’Amérique ont impacté de manière indirecte les populations de Vison d’Europe car la distinction entre les deux espèces est difficile et des visons d’Europe ont pu être détruits accidentellement. Les empoisonnements par intoxication secondaire aux anticoagulants utilisés contre les rongeurs ont également affecté les populations de Visons d’Europe, même si aujourd’hui l’évolution de la réglementation a permis d’en diminuer l’impact.
Enfin, la population ouest-européenne de Vison d’Europe est caractérisée par une très faible hétérogénéité génétique ce qui la rend certainement plus vulnérable aux maladies telles que la maladie de Carré, très mortelle chez cette espèce.
Quel avenir pour le Vison d’Europe ?
Sans intervention d’ampleur pour enrayer le déclin de cette espèce patrimoniale, le Vison d’Europe pourrait disparaître d’ici quelques années.
Face à l’urgence de la situation, la LPO, en partenariat avec le GREGE et le Département de Charente-Maritime, a décidé de lancer un programme majeur de conservation à l’échelle du bassin de la Charente, le programme LIFE VISON.