Sanglier d'Europe

Conseil Biodiversité

Un voisin très opportuniste et généraliste mal aimé et persécuté mais qui nous ressemble bien plus que l’on ne veut le croire…

Sanglier d'Europe

Sanglier d'Europe © M. Delmotte

Le cochon sauvage de la forêt

Le sanglier d’Europe, Sus scrofa, est un mammifère robuste de la famille des suidés.

Trapu, puissant et massif, il ressemble beaucoup au porc, lui-même issu de la domestication du sanglier d’Europe. Plusieurs critères les distinguent malgré tout. Un de ces critères est la présence de 2 canines protubérantes (sortant vers l’extérieur et le haut) au niveau de la mâchoire inférieure chez le sanglier mâle, ressemblant à des défenses et utilisées pour le combat et pour se défendre face à des prédateurs.

Cette espèce présente un fort dimorphisme sexuel : les femelles et les mâles diffèrent à la fois au niveau de la dentition (absence de défenses apparentes chez les femelles), de la taille et du poids. Les femelles adultes pèsent en général entre 70 et 80 kg en moyenne, mesurent 100 à 150 cm de long, et possèdent une queue de 16 à 28 cm de long tandis que les mâles adultes sont plus grands et lourds, pesant entre 100 et 110 kg en moyenne, plus grands mesurant de 100 à 180 cm de long et possédant une queue de 17 à 30 cm de long. Chez les deux sexes, la hauteur au garrot est d’environ 90 cm - 1 m (variant de 55 à 110 cm).

La couleur du pelage du sanglier d’Europe évolue avec son âge mais diffère également entre individus (différents phénotypes et donc différentes couleurs). Les jeunes sangliers appelés marcassins (0 à 6 mois), possèdent ainsi un pelage beige et marron rayé dans la longueur. De 6 mois à 10-12 mois, le pelage des sangliers tend vers le roux puis devient plus terne, on parle de “bête rousse”. Chez les subadultes (1-2 ans) et les adultes (> 2 ans), le pelage varie ainsi du gris au noir, étant le plus souvent marron foncé, lui permettant de se fondre dans la forêt. Le pelage de cet animal est également dru, composé de poils raides appelés soies et très épais, tout comme sa peau. Les poils du sanglier forment une crinière au niveau de la ligne de son dos, y étant plus longs.

Un élément notable chez cette espèce est à quel point sa tête est volumineuse. Celle-ci est en effet plus massive que son arrière-train.

Les oreilles du sanglier sont par ailleurs dressées sur sa tête, triangulaires et arrondies ainsi que très mobiles, lui permettant d’être très réactif en cas de danger.

L’aspect robuste, massif et impressionnant du sanglier ainsi que sa taille évoquent un animal préhistorique, ses longs poils faisant penser aux mammouths laineux aujourd’hui disparus et aux représentations d’animaux par nos contemporain.e.s dans les grottes…

Ecologie de l’espèce

Une espèce généraliste, opportuniste et ingénieure de l’écosystème ayant de très bonnes capacités d’adaptation

Le sanglier d’Europe est une espèce généraliste et opportuniste aussi bien en termes de régime alimentaire que d’habitat, présentant une très grande plasticité et adaptabilité. Ce mammifère a une préférence marquée pour les forêts de feuillus et les forêts mixtes et visite très régulièrement les champs et prairies mais occupe une grande diversité d’écosystèmes et tous types d’habitats.

Il se nourrit de nombreuses ressources alimentaires dont la proportion ingurgitée varie selon la saison et la disponibilité : principalement (> 50 %) des végétaux (fruits forestiers comme les glands et les châtaignes, tubercules, racines, bulbes, plantes herbacées, céréales, maïs, …) mais également des champignons et des animaux aussi bien morts que vivants, (vers de terre, amphibiens, insectes, mollusques, petits mammifères, oiseaux, reptiles, myriapodes…). En tant que charognards occasionnels, les sangliers contribuent à la limitation de la propagation de certaines maladies dont des zoonoses. Ils causent en revanche souvent des dégâts non négligeables aux cultures agricoles en venant s’y nourrir et en les piétinant. Ils sont d’autre part nourris par certains chasseurs dans certaines zones, avec du maïs notamment, on parle d'agrainage. Cela favorise leur appétence pour les cultures et entraîne des augmentations de leurs effectifs.

Pour chercher à manger, le sanglier à tendance à fouisser (creuser et retourner le sol), en particulier pour trouver des insectes et leurs larves, des tubercules ou encore des lombrics. Cette caractéristique en fait une espèce dite “ingénieure de l’écosystème” : le sanglier modifie son environnement et modifie la structure et les processus du sol. Le fait de retourner la terre peut engendrer une réduction de la couverture végétale du sol, de la diversité et de la régénération de plantes en les déterrant mais aère également le sol, ce qui peut favoriser l’activité des micro-organismes du sol. Certaines communautés de plantes sont en revanche davantage résilientes que d’autres face aux perturbations du sol que peuvent occasionner les sangliers.

En France, le principal prédateur non-humain du sanglier est le loup gris qui s’attaque aussi bien aux adultes qu’aux subadultes, juvéniles et marcassins. D’autres grands prédateurs peuvent en revanche s’attaquer aux marcassins comme le lynx boréal ou encore l’ours brun, le renard roux et certains grands rapaces. Globalement et sur tous les continents, les grands prédateurs sont les principaux prédateurs du sanglier.

Du fait du déclin des populations et de la disparition des grands prédateurs en Europe et en France, de croisements des sangliers avec des cochons (“cochongliers”) relâchés ensuite dans la nature dans les années 70 (augmentation du nombre de petits par femelle), de l’agrainage, de l’importation de sangliers d’autres pays, d’enclos de chasse, d’élevage, d’hivers plus doux (réchauffement climatique), de l’augmentation de la surface forestière, du grand remembrement et de l’intensification de l’agriculture et enfin d’une mauvaise gestion de la chasse, les populations de sangliers sont en forte augmentation depuis les années 70… Une étude scientifique (Bieber et Ruf, 2005, Journal of Applied ecology) a ainsi démontré qu’en cas d’environnements pauvres (ressources et/ou habitat limités par exemple), agir sur la survie des adultes était le plus efficace tandis que dans des bonnes conditions environnementales (pas de limitation en terme de ressources ou d’habitat, conditions favorables), il était plus efficace d’agir sur la survie des juvéniles (0-12 mois). En conclusion, dans de bonnes conditions environnementales, la méthode la plus efficace pour réduire le taux de croissance puis la taille d’une population de sangliers est de réduire la survie des juvéniles en prélevant plutôt des juvéniles tandis que dans de mauvaises conditions environnementales, il faut plutôt orienter la pression de chasse vers les femelles adultes (élasticité du taux de croissance pour la survie). La gestion actuelle de la chasse ne suit pas ces recommandations, les prélèvements des femelles sont évités et les petits ne sont pas chassés.

Reproduction

Chez cette espèce a lieu une période de rut chaque année. Celle-ci dépend des ressources alimentaires disponibles et notamment des fructifications forestières. Le moment où elle se produit varie beaucoup selon les années et le lieu. En revanche, l’accouplement se produit généralement entre novembre et juin. La gestation dure environ 115 jours (plus de 3 mois). Une laie (femelle sanglier) donne en moyenne naissance à 5-6 marcassins par portée entre février et octobre, ce qui est important pour un ongulé. Elle met bat dans un “chaudron”, une sorte de nid composé de feuilles mortes, brindilles et herbes. Chez cette espèce, un mâle s’accouple généralement avec plusieurs femelles (polygynie) mais il arrive également qu’une femelle s’accouple avec plusieurs mâles (promiscuité).

La maturité sexuelle est atteinte entre 8 et 24 mois chez les femelles et à 10 mois chez les mâles. La reproduction a donc lieu à un âge précoce pour un ongulé.

Il a été montré que les laies mettent bas de plus en plus tôt dans l’année en réponse à la pression de chasse élevée s’exerçant sur cette espèce. Cette stratégie permet aux individus nés plus tôt de se reproduire dès leur première année de vie et réduit le temps de génération (âge moyen de la mère). Il a été par ailleurs mis en évidence que le “masting”, l’alternance d’années avec faible et forte production de glands (glandées) entraîne chez le sanglier une augmentation du taux de croissance des populations, avec une corrélation entre la cyclicité de la production de glands et du temps de génération. On peut s'attendre à une augmentation de la fréquence et du nombre de printemps chauds et secs par le futur du fait du changement climatique. Ces printemps devraient favoriser une forte production de glands en automne une année sur 2 et pourraient ainsi entraîner des conditions encore plus favorables pour le sanglier, pouvant encore augmenter son taux de croissance et la taille de ses populations.

Migration-phénologie

Le sanglier d’Europe est sédentaire et ne migre pas.

Comportement

Étant chassés, les sangliers sont assez discrets et davantage actifs à la tombée de la nuit et au lever du jour ainsi que pendant la nuit. Ils passent l’essentiel de leur journée à se reposer et à dormir dans ce qu’on appelle une “bauge”, un abri au sec, abrité du vent où ils sont cachés dans des fourrés denses comme des ronciers.

Les sangliers aiment se rouler dans la boue pour se débarrasser de leurs parasites et creusent ainsi des souilles (cf image ci-dessous). Ils se frottent également contre les troncs des arbres pour la même raison. Une étude allemande (Heinken et al, 2006, Basic and Applied Ecology) a montré que près des troncs où se frottent les sangliers, le nombre d’espèces de plantes et la viabilité des graines est supérieure aux zones près de troncs témoins. Il semble donc que les sangliers contribuent de manière non négligeable à la dissémination des graines et diaspores de végétaux, on parle de zoochorie (en se roulant dans la boue et en fouissant dans le sol notamment).

Sanglier d’Europe se roulant dans une souille

Sanglier d’Europe se roulant dans une souille © P. Da Silva / LPO-IDF

Ils sont globalement grégaires et sociaux. Les femelles vivent en groupe matriarcal appelés harde ou compagnie. Comme dans les groupes d’éléphants ou d’orques, la femelle la plus âgée et expérimentée, appelée “la laie meneuse” sert de guide pour les laies adultes, subadultes et leurs marcassins. Les sangliers mâles adultes se comportent différemment et sont de leur côté solitaires. Les mâles subadultes s’émancipent progressivement et deviennent solitaires à partir d’environ 21 mois.

Effectifs, tendances et statut

A l’échelle mondiale (UICN monde)

Le sanglier d’Europe est classé en préoccupation mineure (LC) sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN à l’échelle mondiale et n’est donc pas menacé. Il est présent dans toute l’Europe et jusqu’en bordure de toundra mais également en Amérique du Nord et du Sud (introduit), en Asie (Inde notamment), en Australie (introduit), dans certains pays en Afrique, ainsi que sur de nombreuses îles où il peut poser de réels problèmes et devenir une espèce exotique envahissante (EEE) engendrant des dégâts et nuisances non négligeables à certaines autres espèces locales notamment endémiques et/ou des problèmes économiques et sociaux. C’est par exemple le cas en Nouvelle Calédonie pour la France.

Carte de la répartition mondiale du sanglier d’Europe à partir des données du GBIF (Source : INPN, source des données GBIF ou Global Biodiversity Information Facility)

Carte de la répartition mondiale du sanglier d’Europe à partir des données du GBIF (Source : INPN, source des données GBIF ou Global Biodiversity Information Facility)

En France (UICN)

Le sanglier d’Europe est présent partout en France métropolitaine et est également classé “LC” sur la liste rouge des espèces menacées de l’UICN à l’échelle française. Les effectifs sont actuellement en constante augmentation et dépasseraient 1 million d’individus. Le nombre d’individus abattus par les chasseurs aurait ainsi été multiplié par plus de 20 entre le début des années 1970 et 2021.

Carte de la répartition du sanglier d’Europe en France métropolitaine (Source : INPN)

Carte de la répartition du sanglier d’Europe en France métropolitaine (Source : INPN)

Dans nos régions

En Ile-de-France

Le sanglier, présent partout en France métropolitaine est aussi présent partout en région Ile-de-France sauf à Paris, en Hauts-de-Seine et en Seine-Saint-Denis.

 

Le saviez-vous ?

Souvent considéré uniquement comme du gibier, un voisin dérangeant et occasionnant des dégâts matériels, économiques dont aux agricultrices et agriculteurs, le sanglier ne se résume pas à cela et est en réalité un animal complexe qui nous ressemble bien plus que l’on ne veut le croire et l’accepter. Il a une sensibilité propre et une organisation sociale complexe et dynamique, se basant sur la matriarchie et le maintien de relations longue durée entre mères et filles.

Une étude (Focardi et al, 2015, Behavioural Processes) a mis en évidence le fait que chez cette espèce la coopération entre toutes les classes sociales (compagnies de femelles et jeunes, subadultes et mâles solitaires) pour trouver et avoir accès à de la nourriture prend le pas sur la compétition entre les individus. Les subadultes et les mâles ont ainsi pour rôle de chercher la nourriture.

Une seconde étude (Masilkova et al, 2021, Scientific reports) a rapporté pour la première fois l’observation d’un comportement altruiste chez le sanglier d’Europe, et plus précisément un comportement de sauvetage, où un individu porte secours à un ou plusieurs autres individus en danger. Ce type de comportement n’a été observé pour le moment que chez quelques espèces et est considéré par certaines chercheuses et certains chercheurs comme une forme complexe d’empathie. Ici, une femelle sanglier adulte a été observée (piège photo) en train de libérer deux jeunes sangliers pris au piège dans une cage-piège. Ceci montre une capacité impressionnante chez cette espèce à réaliser des tâches complexes et à résoudre des problèmes.

Bibliographie

Sites Internet

Articles scientifiques

Article rédigé par Montaine Delmotte (adhérent de la LPO Île-de-France)