Phoque gris

Conseil Biodiversité

Un phoque à moins de 2h30 de Paris… Vous l’auriez cru ?

Le Phoque gris, Halichoerus grypus. Classe des Mammifères, Ordre des Carnivores, Famille des Phocidés.

Présentation

Le Phoque gris, Halichoerus grypus, ou encore Grey seal (anglais), Kegelrobbe (allemand), Grijze zeehond (néerlandais), est le seul représentant du genre Halichoerus. Ce terme signifie "Cochon de mer" en grec. Le nom de l'espèce « grypus » qui signifie "Nez busqué", désigne le profil convexe particulier, très prononcé chez le mâle adulte notamment.

Phoques gris dans l'eau © Y. Dubois / Corif

Phoques gris © Y. Dubois / Corif

Il existe 2 sous-espèces, mais celle que l’on trouve en France est Halichoerus grypus grypus.

Le terme de Pinnipèdes, qui signifie "pied en forme de nageoire", désigne les Mammifères carnivores dont les doigts sont réunis par une palmure. Ils s'opposent aux Fissipèdes, Mammifères carnivores terrestres, qui eux possèdent des doigts libres (la racine "fissus" signifie "divisé").

Le sous-ordre des Pinnipèdes regroupe les Mammifères aquatiques appartenant aux familles des Otariidae (Phoque à fourrure et Otaries), des Odobenidae (Morses) et des Phocidae (Phoques). Contrairement aux autres mammifères marins, les Pinnipèdes sont contraints de regagner la terre ou la glace pour se reproduire et donner naissance à leur petit.

Des fossiles de Pinnipèdes - remontant au moins à la fin de l'Oligocène, il y a 27 à 25 millions d'années - ont par ailleurs été découverts.

Tous les représentants de la famille des Phocidaes sont aussi appelés phoques "vrais" ou encore "sans oreilles" en raison de l'absence de pavillon externe.

En bref…

Le Phoque gris est un Mammifère marin de l'hémisphère Nord, qui fut longtemps chassé par l'Homme pour sa fourrure et sa graisse, notamment au siècle dernier. Il est actuellement protégé par des réglementations nationales et internationales.

Cette espèce présente un profond dimorphisme sexuel : les mâles adultes mesurent de 2,50 m à 3 m et pèsent 200 à 250 kg tandis que les femelles mesurent de 1,70 m à 2,20 m pour un poids compris entre 150 et 200 kg. Le jeune à la naissance - que l'on nomme également "blanchon" en raison de son pelage laineux blanc appelé "lanugo" - mesure environ 75 cm pour un poids de 14 kg.

Les phoques ressemblent à leurs cousines les otaries, mais ils s’en distinguent par leur tête dépourvue d'oreilles externes et par leurs membres postérieurs toujours tournés vers l'arrière. Cette dernière particularité est à l'origine de leur locomotion "rampante" que l'on observe à terre : ils progressent par des ondulations verticales du corps, qui ne font pas intervenir les membres arrières. On peut reconnaître les phoques gris grâce au profil convexe de leur tête, observé à la fois chez le mâle et la femelle. Cette caractéristique est toutefois beaucoup plus accentuée chez le mâle.

La teinte dominante de leur fourrure est pommelée de gris plus foncé.

Le pelage de la plupart des femelles est de couleur crème, sous le ventre et au niveau du cou, parsemé de taches foncées plus ou moins nombreuses selon les individus. Le dos est généralement uniformément sombre. La coloration des mâles est plus uniforme et plus sombre, particulièrement lorsqu'ils ont atteint leur maturité sexuelle.

Phoque gris dans l'eau

© Y. Dubois / Corif - LPO Île-de-France

On fait les présentations

Le Phoque gris est un carnivore, et consomme une grande variété de poissons et de céphalopodes (calmars). La majeure partie de son alimentation est constituée de lançons (ou équilles), un poisson appartenant au groupe des Ammodytidae. Suivant les endroits et les saisons, ce type de poisson peut constituer plus de 70% de l'alimentation du Phoque gris. D'autres proies sont également au menu : harengs, merlus, cabillauds, lieux, colins, poissons plats, etc.

Le Phoque gris chasse principalement au fond de la mer (c'est un chasseur benthique) et effectue des plongées pouvant atteindre plus de 200 mètres et durer environ 5 à 10 min pour rechercher sa nourriture. Il peut dormir à terre, dans l'eau en surface ou sur le fond, remontant de temps à autres pour respirer en surface. Ses apnées peuvent alors durer près d'une demi-heure !

Les femelles atteignent leur maturité sexuelle entre 3 et 5 ans et les mâles autour de 6 ans. Cependant, il semblerait qu'ils n'acquièrent une maturité sociale que vers 8 ou 10 ans, car les mâles doivent être suffisamment gros et forts pour devenir dominants dans leurs combats avec les autres mâles.

Le Phoque gris mue une fois par an, entre janvier et mars. Il revient à terre pour la mue et la reproduction. Tous les phoques présentent une mue annuelle, au contraire des Otariidae qui eux renouvellent leur pelage graduellement chaque année.

La repro...

Les Phoques gris se rassemblent en grand nombre sur les sites de reproduction où les mâles dominants peuvent contrôler des harems.

La reproduction s'effectue à terre, en colonies situées sur des îles reculées et inhabitées ou bien sur de la glace stable. En général, les phoques gris sont assez fidèles vis à vis de leurs sites de reproduction et ils y reviennent l'année suivante. Des études récentes montrent même que les femelles ont tendance à revenir sur leur site de naissance pour se reproduire.

Entre septembre et mars, les femelles donnent naissance à un seul petit, appelé blanchon (septembre pour les colonies au sud du Royaume Uni, mars pour les colonies en Mer Baltique). Le phoque nouveau-né pèse entre 11 et 20 kg, et peut atteindre jusqu'à 40 kg au sevrage, 3 semaines plus tard.

La femelle jeûne durant toute la période de lactation et peut perdre jusqu'à 40 % de sa masse initiale. Même si cette période ne dure que 3 semaines, le nouveau-né peut accumuler beaucoup de graisse sous-cutanée car le lait produit est extrêmement riche et gras. La prise de poids est indispensable à la survie du jeune. En effet, vers la fin de la lactation, la femelle entre en chaleur et va s'accoupler, puis les adultes se dispersent : le sevrage survient brutalement.

Les jeunes de l'année sont ainsi livrés à eux même et les réserves de graisses accumulées vont alors leur permettre de survivre pendant leur phase d'apprentissage de la chasse autonome. Cette période est la plus critique pour les phoques gris, puisque la mortalité atteint 50% avant la première année de vie.

Pour ce qui est des mâles, qui pratiquent avec plaisir la polygamie, ils entrent en compétition pour se reproduire et accéder aux femelles, mais ne défendent pas de territoires ; la plupart du temps, ils adoptent un comportement plutôt dissuasif.

L'accouplement survient aussi bien à terre que dans l'eau (alors que la femelle quitte la zone terrestre de reproduction).

La gestation dure 8 mois. Cependant la plupart des Pinnipèdes peuvent réguler leur cycle en retardant l'implantation de l'oeuf d'un mois et demi à cinq mois après l'accouplement. Cette capacité leur permet ainsi de retarder les naissances de façon à synchroniser les saisons de reproduction successives : les adultes se dispersant pendant l'année, mâles et femelles adultes se retrouvent pour la reproduction chaque année à la même période.

Schéma du cycle de reproduction du Phoque gris

© LPO Île-de-France

Mais comment fait-il ?

Le Phoque gris est adapté à la nage et à la vie en milieu aquatique. En effet, comme les autres représentants de son groupe (les Pinnipèdes), il possède plusieurs caractéristiques précieuses pour évoluer en milieu aquatique.

Un corps fuselé et hydrodynamique, avec une tête dépourvue de pavillon externe de l'oreille, facilite son évolution en milieu liquide. Ses membres sont en forme de nageoire et sa queue est courte. Enfin, les organes génitaux ainsi que les glandes mammaires sont logés sous la peau. Autant de spécialisations qui optimisent le déplacement du phoque dans l'eau. Les phoques (et les Pinnipèdes en général) présentent une vision adaptée à la fois au milieu aquatique et au milieu aérien. La rétine est épaisse et l'organisation interne de l’œil permet d'augmenter la sensibilité à la lumière. Les vibrisses (= moustaches) sont particulièrement développées et ont une fonction tactile importante ; d'après certaines études les phoques pourraient s'en servir pour localiser puis chasser leurs proies.

D'autre part, les phoques ont, à l'instar des autres Mammifères marins, développé des adaptations leur permettant de compenser l'immense perte de chaleur qui résulte de la vie en milieu aquatique. Ainsi le corps de ces animaux est presque sphérique, ce qui a permis de diminuer le rapport surface-volume (c'est par la surface du corps que la chaleur se perd au contact du milieu extérieur). L'isolation du corps est augmentée grâce à d'épaisses couches de graisse, situées sous la peau. Et même si les phoques ont une fourrure plus fine que celle des otaries, elle est suffisante pour emprisonner une couche d'air isolante lorsqu'ils plongent.

Enfin, des systèmes physiologiques contribuent à conserver la chaleur corporelle à l'intérieur du corps en réduisant le flux de sang vers les extrémités, ce qui diminue les pertes de chaleur. D'autres adaptations sont également observées, comme la réduction du rythme cardiaque en plongée, une forte concentration de globules rouges, ou des réserves d'oxygène concentrées dans les muscles et le sang.

Chez nous et dans le monde...

Le Phoque gris se trouve dans l'hémisphère Nord. On trouve le Phoque gris dans la partie ouest de l'Atlantique au niveau de l'île de Sable (Canada, environ 85 000 individus en 2002) et du Golfe du St Laurent (69 000 individus en 2002).

Les populations de l'Atlantique nord se situent en Islande (11 600 phoques en 1987), Norvège (3000 phoques en 2002), Irlande (2000 phoques en 2002), et Mer Blanche (entre 1000 et 2000 phoques en 2002). 5000 individus ont également été comptés en 2002 en mer Baltique. La population britannique (recensée chaque année) comptait au moins 130 000 d'individus en 2002.

Carte présence de phoques gris

© Île-de-France

En France, il existe des petites colonies sur les côtes bretonnes et plus particulièrement au niveau de l'archipel de Molène (50 à 60 phoques) et de l'archipel des Sept Iles (15 à 20 phoques). Ce sont les deux seules colonies établies, au sein desquelles ont été observées des naissances. Des phoques gris ont été observés dans la partie est de la Manche et dans la zone sud du golfe de Gascogne. Leur présence est attestée en France depuis le XVIIIe siècle, mais il est probablement présent depuis des milliers d'années.

Au total, on estime à environ 150 ou 200 le nombre total de phoques gris fréquentant les côtes bretonnes à un moment ou à un autre de l'année (données 1998-2000).

Remarque : les chiffres annoncés correspondent au nombre simultané de phoques pouvant être observés sur ces sites mais, tous les phoques n'étant pas présents au même moment, à l'échelle de la journée ou des saisons ; les effectifs totaux sont en fait supérieurs.

A ne pas confondre...

avec son proche cousin le Phoque veau-marin Phoca vitulina, appelé encore Common seal / Harbour seal (anglais), Seehund (allemand), Gewone zeehond (néerlandais).

Il existe 5 sous-espèces qui se répartissent l’hémisphère nord, dont Phoca vitulina vitulina qui est celle que l’on trouve en Europe.

Chez les mâles, la taille est comprise entre 1,40 m et 2 m et le poids entre 70 et 170 kg.

Les femelles elles, mesurent de 1,20 m à 1,70 m et pèsent 50 à 150 kg. A la naissance, le petit mesure 80 cm pour un poids de 8 à 10 kg.

Pour ce qui est de la couleur du pelage, celle-ci varie du gris clair au gris argenté avec des tâches noires. Quelques uns sont noirs ou gris foncé, voir marrons avec des tâches blanches. Les tâches et anneaux sont nombreux sur la face dorsale et plus clairsemés sur la face ventrale. On observe une différence de pelage sur chaque sous-espèce.

Phoque veau-marin

Phoque veau-marin © Y. Dubois / Corif - LPO Île-de-France

Le Phoque veau-marin affectionne principalement les milieux estuariens sablonneux abrités. L’espèce est plutôt sédentaire bien que de nombreux mouvements entre colonies soient observés, sans organisation sociale hiérarchique.

Il vit en fonction des marées. D’une manière générale, les animaux passent la marée haute dans l’eau, dispersés, explorant leur territoire, s’alimentant ou dormant dans des zones calmes. A marée descendante, dès que les premiers bancs de sable s’exondent, ils se regroupent sur certains bancs de sable (reposoirs) situés à proximité d’un chenal large et profond permettant la fuite en cas de danger où ils s’installent jusqu’à l’arrivée du flot qui les oblige à prendre la mer.

Les femelles sont mâtures vers l’âge de 4 ans et les mâles vers 5 ans. Les accouplements s’observent alors en septembre, où chacun peut s’accoupler avec plusieurs individus.

La période de gestation dure ensuite environ 11 mois. Les naissances ont lieu en juillet.

Les femelles donnent généralement naissance à un petit par an. En effet, les naissances multiples sont extrêmement rares. Elles mettent bas sur les bancs de sable émergés à marée basse. La lactation, elle, dure au maximum 4 semaines.

Le petit subit sa première mue in-utéro, 3 jours avant la naissance : il perd alors son lanugo blanc. Chaque année, les phoques veaux-marins muent en été.

La colonie de phoques de la baie de Somme est la plus importante de France.

Bête fragile...

Il existe, en milieu naturel, un certain nombre de prédateurs qui s'attaquent aux phoques gris : l'ours polaire, l'épaulard et les requins.

Les jeunes phoques sont également soumis à un certain nombre de risques. Tout d'abord au cours de leur phase d'apprentissage, ils semblent beaucoup plus vulnérables aux captures accidentelles dans des filets maillants calés. Ce type de filet est dit "calé" ou "ancré" car il est posé sur le fond et maintenu grâce à des ancres ou des lests, et un phoque pris dans les mailles ne peut plus venir respirer à la surface.

D'autre part, les jeunes sont particulièrement vulnérables au moment de leur phase d'apprentissage. Au cours de leur premier hiver, ils doivent expérimenter et améliorer leur techniques de chasse, et une partie des jeunes de l'année épuisent leurs réserves énergétiques avant de parvenir à chasser efficacement ! Se trouvant en difficulté, ces jeunes vont chercher refuge vers les côtes car les températures y sont plus favorables. Ce comportement mène à un inévitable échouage, suivi quelques jours plus tard par la mort, les phoques étant alors incapables de se nourrir.

Enfin, comme pour de nombreuses autres espèces marines, c'est l'exploitation de l'océan par l’Homme qui représente un danger pour les phoques gris. Les phoques gris ont longtemps été exploités pour leur graisse et leur fourrure, et même s'ils sont désormais protégés et que leurs effectifs se sont reconstitués, certains sont encore abattus volontairement, par braconnage ou par conflit avec les pêcheurs à cause des ressources poissonnières.

Il convient de ne pas oublier l'impact du tourisme (pêche à pieds, sports aquatiques et autres dérangements divers).

Et donc, pour les voir on fait comment ?

Le plus simple : se rendre sur le littoral picard, en baie de Somme. Il s’agit de l’endroit le plus connu et où l’observation des Phoques est la plus aisée (les deux espèces confondues). En effet, c’est là-bas que se trouve la plus importante colonie française de Phoques.

A marée haute, se rendre dans les ports ou le long du rivage, les phoques sont visibles de 2 heures avant marée haute à 2 heures après.

  • Au Crotoy, dans le port et face au bassin des chasses,
  • A Saint-Valery-sur-Somme, le long du quai Jeanne d'Arc et à l'écluse,
  • Au Cap Hornu, face au parking,
  • Au Hourdel, à la pointe de galets,
  • A Cayeux-sur-Mer, le long de la côte.

A marée basse, ils profitent de l’estran sablonneux découvert pour se reposer. Ils sont alors vulnérables face aux activités humaines.

On peut les retrouver le long de la « route blanche » entre Le Hourdel et Cayeux-sur-Mer. Les phoques sont sur les bancs de sable longeant le chenal de la Somme entre marée haute plus 4 heures et marée basse plus 2 heures.

Tout ça à seulement 2h30 de route ! Alors pourquoi pas en profiter, et faire un petit tour chez nos voisins ! Pas besoin de préciser que la baie de Somme est également un haut-lieu de l’ornithologie en France… Donc pour votre prochain week-end : un bon bol d’air marin avec des phoques et des oiseaux plein les mirettes !

NB : Si vous apercevez un phoque, évitez de vous en approcher à moins de 300 mètres car vous risqueriez de le faire fuir ou de perturber son repos.

Attention !
De puissants courants rendent l’estuaire dangereux. Avant toute promenade en baie, nous vous recommandons de prendre connaissance des horaires de marée. Pour votre sécurité et pour la tranquillité des phoques, l’observation doit se faire à partir de la côte sans chercher à s’aventurer dans leur direction.

Pour en savoir plus :

Picardie Nature
Maison des Sciences et de la Nature
14, place Vogel
BP 835
80008 Amiens cedex
Tél : 03 22 97 97 87
Fax : 03 22 92 08 72
contact@picardie-nature.org
www.picardie-nature.org

Fiche rédigée par la LPO Île-de-France